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Le 01 mai 2024

Quand autoédition rime avec exploration : portrait d’un auteur aventurier

Qui sont les auteurs autoédités ? On les appelle parfois "indés", ce sont des amoureux de la plume qui ont choisi un jour de partir seul à la découverte de la planète édition. On trouve parmi ces portraits de passionnés toutes sortes de profils : de l’entreprenant ou audacieux, à l’auteur autoédité explorateur-aventurier.
Interview de Jean-Philippe Touzeau par Catarina...

Tribunes monBestSeller : Interview de Jean-Philippe Touzeau par Catarina Viti

Il y a dix ans de cela, je découvrais les réseaux sociaux, leur faune et leur flore. Au cours d’une promenade sur le cher Facebook, je tombai sur le profil d’un garçon vraiment pas banal. Avait-il quelque chose en plus ? Non, je dirais plutôt qu’il avait quelque chose de différent, ce truc qui accroche naturellement. Il œuvrait dans un secteur qui m’agace : le développement personnel. Pire encore, il proposait un site intitulé, excusez du peu, "Révolution personnelle". Alors, là, il n’en fallait pas davantage pour me mettre en pétard. Il écrivait des livres aussi : une série, notamment, "La Femme sans Peur". Alors, pour quelle raison téléchargeai-je son manuel "Êtes-vous une sardine ?" Pour une Sanaryenne qui vécut, dans son enfance le, retour au port des pointus chargés de ce poisson, c’est une question qui frise la correctionnelle ! Mais voilà, Jean-Philippe Touzeau était aux commandes du navire, et cela fait toute une différence. Dix ans plus tard, j’ai la joie de vous présenter ce... comment le nommer ? Explorateur, aventurier, incorrigible optimiste… tout cela me paraît bien, mais surtout un garçon à l’immense générosité, polymorphe à la remarquable longévité, un précurseur dans le secteur de l’autoédition, un auteur reconnu, un gars qui a saisi les opportunités que sont le numérique et l’écriture pour se tailler une vie à la mesure de ses rêves. Ladies and gentlemen, laissez-moi vous présenter Jean-Philippe Touzeau.

 

Question: 

Bonjour, Jean-Philippe. Tu racontes de toi que tu as quitté la France métropolitaine en 1992. Tu ne pouvais plus supporter ce qu’on appelait à l’époque la « morosité ». Ça ronchonnait, c’était triste, et tu trouvais qu’à quelques exceptions près, personne ne faisait l’effort pour améliorer les choses. Tes voyages t’ont d’abord conduit en Amérique du Sud (Guyane française et Brésil), puis aux États-Unis (Los Angeles), et enfin au Japon où tu vis depuis. Dans chaque pays, tu as appris. Tu t’es frotté à la culture locale et, partout, tu as découvert des choses passionnantes. Ces voyages ont façonné ton esprit, et, au Japon, tu as découvert, peu à peu, la sagesse millénaire des gestes simples, des concepts limpides.

 

Réponse: 

Jean-Philippe Touzeau. Avant de répondre aux questions, je voudrais te remercier, Catarina, ainsi que toute la communauté monBestSeller de m’avoir invité pour cette interview. Joli travail que vous effectuez, tous.

La fameuse règle numéro 6

Question: 

Il faut une énergie colossale pour réussir tout cela et, qui plus est, être le papa attentionné d’un petit ninja. Dirais-tu que le secret de ton énergie vient de la "rule number six" ?

Réponse: 

C’est la base ! La fameuse règle numéro six, celle de ne pas se prendre au sérieux. En fait, le portrait que tu dresses de moi est bien trop lustré. Tout cela s’est déroulé sur une trentaine d’années et je peux te dire que j’ai plutôt pris mon temps. Je n’ai pas une énergie débordante, disons que lorsqu’un projet m’accroche, là oui, je suis motivé... jusqu’à ce que j’en aie assez.

 

Question: 

Comment en es-tu venu à l’écriture ?

Réponse: 

Cela faisait très longtemps que je voulais écrire, mais comme je viens juste de le dire, ma motivation s’émoussait assez rapidement. Après quelques chapitres rédigés, j’abandonnais assez vite la partie. Le jour où j’ai appris qu’on pouvait accomplir ses objectifs pas à pas, sans nécessairement se presser, la donne a changé et j’ai pu aller jusqu’au point final de mon premier bouquin.

 

Un auteur autoédité "sans peur"

Question: 

C’est ta série "La femme sans peur" qui t’a placé en qualité d’auteur. Pourrais-tu nous expliquer comment l’idée t’est venue, ce que représente ce personnage ; nous parler d’elle (qui est un peu toi).

Réponse: 

Tout est parti d’une amie qui avait beaucoup de talent dans un domaine particulier et qui avait peur de franchir le pas, de se lancer, car elle doutait énormément. Elle avait même de grosses frayeurs rien qu’en imaginant les soi-disant risques qu’elle pouvait prendre. Alors, j’ai imaginé une petite fiction, le temps d’un article de mon blog de l’époque, pour tenter de l’aider à surmonter ses démons. Cet article a eu un certain succès, j’ai donc écrit une suite avec un autre article et puis encore un autre, etc. Sur mon blog, je crois que j’ai dû rédiger les 29 premiers chapitres de l’histoire, semaine après semaine. Ensuite, j’ai retravaillé cette matière et fini le premier tome de la saga. L’histoire raconte donc la vie d’une femme bloquée par ses angoisses à qui, un jour, on propose une pilule effaçant toute peur.

Tu vas me dire, “mais avec une idée aussi banale, tu as réussi à écrire 10 volumes ?!” Oui, parce qu’à partir du moment où tu n’as plus peur, tout est possible ! Et ce qui a plu aux lectrices et lecteurs, je crois, c’est d’assister à la transformation de cette femme, avec, derrière, des petites leçons à grignoter sur nos propres existences.

 

Le monde de l’autoédition est en perpétuelle évolution

Question: 

Est-ce qu’il était difficile de percer en autoédition à ce moment-là ?

Réponse: 

J’ai eu de la chance d’être au bon endroit, au bon moment. Car, alors que j’avais presque fini de rédiger La femme sans peur, Amazon a ouvert Kindle en France. J’ai pu me lancer avec d’abord d’autres petites histoires, pour tester les eaux, avant d’autoéditer le premier volume de la saga. Rentrer dans le top 100 était vraiment facile parce qu'il y avait très peu de concurrence.

 

Question: 

Les choses sont-elles différentes aujourd’hui ? T’y prendrais-tu de la même manière ?

Réponse: 

Oui, le milieu s’est professionnalisé et la concurrence est extrême, mais je m’y prendrais presque de la même manière. D’abord, je réunirais une communauté autour de mon livre, à l’époque ce fut mon blog, alors qu’aujourd’hui ce serait plutôt Instagram, TikTok avec une mailing list et ensuite je publierais en ayant testé mon histoire. La différence ? C’est qu’il me faudrait aussi un budget pub pour aussi la médiatiser. Ceci dit, il n’y a pas de formule magique, chacun fait avec ses atouts et le facteur chance.

 

Question: 

Toi qui as bourlingué, et qui t’es ancré au Japon, penses-tu que le lieu où l’on vit est déterminant dans sa manière de créer une œuvre littéraire ?

Réponse: 

Il est déterminant pour ton état d’esprit, qui influence automatiquement sur ta façon de faire. Par exemple, aux États-Unis, je n’ai jamais réussi à finir d’écrire un bouquin, car là-bas c’est le right here, right now, le tout, tout de suite. Au Japon, j’ai appris la méthode sashimi, le pas-à-pas, qui me convenait bien et qui m’a “sauvé”.

 

Question: 

Où en es-tu, aujourd’hui avec ton site et ton activité "Révolution personnelle" ?

Réponse: 

Je n’y écris plus, sauf de temps en temps, plus pour garder un souvenir personnel comme la fois où nous avons perdu notre garçon de 6 ans dans la mégapole de

Tokyo. J’en ai encore des sueurs froides ! Sinon, je garde mon blog, car tout ce qu’il y a dedans ce sont des heures d’écriture sur le développement personnel et de joyeux souvenirs avec une communauté maintenant dispersée. Je sais aussi que, de temps en temps, un ou une internaute lit un des articles et que ça l’aide. Tant mieux !

 

L’autoédition comme moyen d’émancipation

Question: 

En quoi l’écriture et la publication de tes livres t’aident-elles à mener ta barque ?

Réponse: 

Déjà financièrement, cela m’a permis d’être libre et de faire des choix de vie plus agréables. Ensuite, cela m’a évidemment donné confiance en mes capacités et m’a permis d’explorer d’autres horizons. Par exemple, j’écris des mini scénarios pour des podcasts ou vidéos TikTok. Ou encore, j'effectue, au compte-gouttes, des bêta lectures payantes, afin d’aider une autrice ou un auteur à rendre son histoire encore plus captivante avec des personnages attachants.

 

Question: 

Quelles sont tes dernières parutions et qu’écris-tu en ce moment ?

Réponse: 

Mon dernier livre publié sous mon nom date de 2022. Il s’agit d’une trilogie qui raconte le mécanisme conduisant à une impitoyable vengeance. Celle d’une femme, douce et effacée, qui, sans le savoir, est porteuse d’un terrible secret : La fille aux gants de satin. Celui que j’écris en ce moment raconte les aventures d’un jeune orphelin, à l’époque médiévale, juste avant la première Croisade. Enfin, sous mon nom de plume, je publie aussi, mais en anglais et avec l’aide de l’IA.

 

Question: 

As-tu quelques conseils à donner aux auteurs qui souhaiteraient vivre de leur plume (ne serait-ce qu’un peu) ?

Réponse: 

Mon seul conseil : écrivez pour vous ! Soyez égoïstes ! N’essayez pas de plaire à un public particulier parce que c’est à la mode. Rédigez l’histoire que vous avez envie de lire et ensuite, peut-être que les ventes suivront. Si ça décolle, tant mieux pour vous et si vous en vendez trois exemplaires, au moins vous aurez passé des moments exceptionnels dans ce monde que vous aurez créé de votre plume.

 

Interview de Jean-Philippe Touzeau par Catarina Viti

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Avec plaisir @Tomache Diafoirus ! Ravi que notre conversation t'ait plu. J'apprécie également ton sens de l'humour et ton ouverture d'esprit.
Ton compliment me touche beaucoup. Je suis ravi d'avoir pu échanger avec toi d'une manière constructive et agréable.
Quant à L.A., tu as raison, j'y ai vécu pendant une dizaine d'années. Ce fut une expérience hollywoodienne enrichissante qui a marqué mon parcours. Mais avouons-le, rien ne vaut le charme de nos discussions oscarisées, n'est-ce pas ?

En attendant de te recroiser dans le bus virtuel, je te souhaite aussi une excellente continuation. N'hésite pas à me contacter si tu as encore envie de discuter.

Publié le 11 Mai 2024

Merci @Tomache Diafoirus pour tes arguments éclairés. Je comprends et respecte ton point de vue sur le talent en écriture. Il est vrai que le dictionnaire donne une définition précise du mot "talent", et que l'on peut l'utiliser de manière objective.

Cependant, j'aimerais nuancer un peu mon propos initial. Je ne nie pas l'existence du talent, ni son importance. Il est évident que certains individus naissent avec une prédisposition particulière pour l'écriture, une facilité à manier les mots et à créer des histoires captivantes.

Cependant, je crois que l'écriture est aussi une question de travail, de persévérance et de passion. Un auteur talentueux peut ne jamais rien accomplir s'il ne met pas les efforts nécessaires pour développer son art. (Rimbaud a eu de la chance). A l'inverse, un auteur moins naturellement doué peut, à force de travail et de persévérance, produire des œuvres de grande qualité.

Je pense que la "profondeur" dont je parlais peut se trouver dans l'expérience de vie et la sensibilité de l'auteur, même s'il n'a pas un talent inné pour l'écriture. Un auteur qui a vécu beaucoup de choses et qui sait exprimer ses émotions avec sincérité peut toucher profondément ses lecteurs, même si sa technique n'est pas parfaite.

Quant à l'idée d'"écrire pour toucher", je la maintiens. Je pense que l'un des buts principaux de l'écriture est de créer une connexion émotionnelle avec le lecteur, de le faire réfléchir, rire, pleurer ou simplement lui faire passer un bon moment.

Je ne prétends pas que mon "credo" soit la vérité absolue, il s'agit simplement de mon point de vue, basé sur ma propre expérience en tant qu'écrivain. Je pense qu'il y a mille et une façons de réussir en tant qu'auteur, et que vraiment, le talent n'est qu'un facteur parmi tant d'autres.

Je suis d'accord avec toi sur l'importance de l'humilité. Il est essentiel de se remettre en question en permanence et de chercher à s'améliorer. Cependant, je ne pense pas qu'il faille attendre d'avoir la validation des autres pour se qualifier d'auteur. Si l'on écrit avec passion et que l'on partage ses écrits avec le monde, on est un zoteur, point final.

Publié le 06 Mai 2024

Merci @Tomache Diafoirus pour ce long exposé sur le talent ! Pour plus de clarté, j’aurais bien aimé que tu définisses ce que tu considères comme le “talent”. Écrire de belles phrases ? Concocter un fil narratif prenant ? Construire un récit carré et clair ? Ou encore une combinaison subtile des trois ?

Moi, je pense qu’il y a plusieurs types de talent. Par exemple, je viens de finir deux livres. Le dernier Joël Dicker et le Goncourt 2023 de Jean-Baptiste Andrea. Le premier est d’une pauvreté stylistique abyssale et l’intrigue est cousue de fil blanc. Je me suis ennuyé et je me suis demandé ce que les lecteurs ont bien pu trouver dans sa prose ? Et là, je suis devenu vaniteux en me disant que moi, oui moi, j’aurais fait mieux que ça ! Après, presque à reculons, j’ai commencé le bouquin d’Andrea, parce que les prix Goncourt, je m’en méfie. En deux pages, j’ai plongé dans l’histoire pour ne plus en ressortir. Le texte est beau et le fil de la narration est mené de main de maitre. Cette fois-ci, j’ai pensé que j’étais loin d’être un écrivain face à cette plume si élégante.

Alors, je crois que le talent, quel qu’il soit, ce n’est pas important. Si tu as envie d’écrire, écris ! Bats-toi avec tes armes. Sors tes tripes et si tu creuses assez profondément, tu t’amélioreras et tu trouveras des pépites qui toucheront certains lecteurs. Ce ne sera peut-être pas du Proust, mais est-ce bien important ?

Quant à la vanité, qui n’en a pas ressenti au moins un peu ? Tu vois, je me suis cru meilleur narrateur que Joël Dicker en le lisant. C’est belle arrogance de ma part, je l’ai vite étouffée, me rappelant que ma propre prose est désespérément mièvre et que mes arcs narratifs sont souvent bringuebalants.

Finalement, je pense que ce qui risque de faire le plus de mal à toute personne qui écrit, c’est d’être jaloux. A cet instant, la sincérité n’est plus possible, car la jalousie pervertit la créativité. Elle provoque aussi la critique futile, un venin qui bloque l’inspiration authentique.

A chaque autrice et chaque auteur de suivre tranquillement son chemin et, avec un peu de chance (un critère à ne pas oublier), le succès pourrait un jour surgir. Avant ou après sa mort. :)

Publié le 05 Mai 2024

@Maître chef voyant Ce fut un plaisir !

Publié le 03 Mai 2024

@Loana Nabilaskov Merci Loana ! Le sashimi est un vrai plat nippon que je préfère aux sushis. Ce sont de fines tranches de poisson cru qui se chevauchent légèrement sur du riz. La méthode sashimi prend son nom de ces petites tranches et de ce chevauchement qui conduit à progresser à son rythme. C'est une méthode utilisée depuis très longtemps au Japon par les plus grandes boites.
On est aussi nos premiers lecteurs ! Lorsqu'on écrit et qu'on se noie dans son histoire tout en l'écrivant, est pour moi, l'une des plus belles sensations que l'on puisse vivre sur Terre. On est égoïste, oui, mais au moins, on sait que ce qu'on écrit est juste, qu'il vient du cœur ou de ses tripes.
Et merci pour la belle citation !

Publié le 02 Mai 2024

@Zoé Florent Merci Zoé ! Plus on sort ses tripes, plus on creuse en soi et plus alors on touche à l'émotion, voire au sacré. Et ça, ça ne trompe pas les lectrices et les lecteurs. (Joli extrait de Bossy !)

Publié le 02 Mai 2024

@Marie Fontaine Merci ! Oui, il faut creuser son chemin, tranquillement. Je crois que cela apporte plus de bien-être que le succès à tout prix qui devient stressant. (Et je recommande tes livres !!)

Publié le 02 Mai 2024

Voilà un portrait positif et rassurant...
Je vous rejoins dans l'idée d'écrire ce que l'on sent en faisant fi des modes, car seul ce qui est profondément ressenti par l'auteur ne trompe pas le lecteur et peut le toucher, quel que soit le genre, ce pauvre lecteur, qui se fait injustement vilipender à l'envi, au gré des humeurs d'un nombre croissant d'auteurs aigris par les déceptions.
Merci, Jean-Philppe, et bonne continuation en pays nippon.
Amicalement,
Michèle
"Je ne tire pas bénéfice du plaisir d'écrire, sauf d'avoir des lecteurs compatissants. Mais je conçois aussi et je ne condamne pas que d'autres veuillent accéder à la gloire, et tirer monnaie de leur travail. C'est une démarche différente et contraignante. Pas le droit à l'erreur ! Mon plaisir, ce sont ces marionnettes dont je tire les ficelles. ( Les opéras de Mozart sont bien plus savoureux quand on les fait jouer par les marionnettes de Salzbourg ! ). Et quand on a son sac plein de petits cailloux bien chauds et bien vivants, on n'a plus à adorer le Veau d'Or, c'est bien commode." Gérard Bossy (1936-2021)

Publié le 01 Mai 2024

Superbe interview. Je retiendrai la méthode sashimi qui me convient à merveille, ainsi que le conseil d'être égoïste, d'écrire avant tout pour soi, sans tenir compte des modes, si "sectaires". Merci

Publié le 01 Mai 2024