Les clichés ont la vie dure. L’Italie, c’est la peinture, l’Allemagne c’est la musique, et quand on parle de littérature, c’est une dizaine d’auteurs français qui nous vient à l’esprit…
Si cela est bien moins vrai aujourd’hui, l’inconscient collectif émerge et les chiffres ne mentent pas : 14 % des Français écrivent, et ceux-ci ont une relation particulière à l’écriture.
C’est sans doute pour cela que l’institution « Maison d’édition » est sacralisée, plus encore en France que dans les Pays anglo-saxons. C’est pour défendre ce dernier bastion culturel, que les gouvernements ont pris des mesures pour défendre la profession du livre. Résultat, avec la chute de la lecture et l’apparition des nouvelles technologies, la profession s’effrite indéfiniment, et n’a même pas posé les jalons de sa restructuration.
Pis, les Français en veulent à ce système qui a freiné l’émergence de nouveaux auteurs.
61 % des Français selon l’IFOP considèrent que les Maisons d’édition ne sont pas capables de révéler de nouveaux talents. Et cette défiance que l’on porte aux éditeurs dégénère en véritable amertume, lorsque les sondés déclarent pour 66 % qu’elles favorisent les auteurs connus (sous entendu pour des histoires de sous). Pour eux, le népotisme et les réseaux privés sont l’une des causes majeure de ce manque d’ouverture et de dynamique.
Le grand paradoxe, c’est que les Français savent aussi que la profession ne roule pas vraiment sur l’or. Pour 20 % d’entre eux, le manque d’initiative et de courage est lié au manque de moyens financiers et de personnel.
Alors on édite mal parce qu’on fait travailler les amis (pour rester entre soi), parce que les livres rapportent moins, parce qu’on n’a plus les moyens de ses ambitions, parce qu’on fait travailler exclusivement les auteurs qui marchent (et qu’ils marchent moins bien), parce qu’on ne sait pas repérer les succès populaires, parce que le lecteur change. Ou tout simplement parce que les éditeurs se sont tellement occupés des auteurs, qu’ils en ont oublié les lecteurs.
C’est une histoire d’œuf… et de poule. Une chose est certaine, la France n’est pas montée dans le premier train du numérique. Et la crise des valeurs de l’édition se noue déjà autour de ces enjeux.
Quand on traverse la Manche ou l’Atlantique, la désintermédiation du livre est criante et les plateformes de publication en ligne, de lecture et de visibilité (Goodreads), ou de services à l’édition (Author House) sont reines. 56 % de croissance en Angleterre en 2013.
Outre Atlantique, les auteurs professionnels sont pleinement investis dans la vente de leurs ouvrages, et les auteurs amateurs ont compris l’enjeu de la notoriété et de l’optimisation de leurs livres. La notion de communauté et de visibilité est au centre du dispositif. Alors monBestSeller.com se joint à la Journée Mondiale du Livre pour célébrer cet élan auquel nous croyons.
En France, on se réveille brutalement, la prise de conscience est vive. 64 % des Français sont prêts à publier sur internet, et pour une grande majorité, même si le livre est édité en papier. C’est dire si les esprits évoluent vite.
Pas étonnant alors, que 76 % des Français croient au net comme vecteur de succès et de découverte. Les exemples d’auto-publication commencent à pulluler : Agnès Martin Lugand, Laurent Bettoni, Chris Costantini, Chris Simon… Ces démarches sont souvent volontaires et exclusives. C’est presqu’une fronde de déni de la Maison d’édition dans son statut actuel. Comme un pied de nez à une « Tatie Danielle » qui a trop longtemps exercé un pouvoir absolu sur des petits traumatisés.
Au-delà des débats sur le rôle des éditeurs, c’est une mutation de la littérature beaucoup plus lourde qui se profile, et celle-là sans eux.
Quoiqu’il arrive, les auteurs ont la possibilité croissante de se faire lire par des communautés de lecteurs de plus en plus qualifiées. Et les lecteurs, de prendre le pouvoir et de faire émerger les succès commerciaux de demain
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