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Le 10 sep 2024

Et si on arrêtait avec les titres qui nous disent tout (ou rien) ? Suite et fin

Pour conclure notre série d’articles sur l’art et la manière de trouver un titre à son roman, un titre qui attire, bien entendu, mais qui colle au texte, qui annonce la couleur ; un titre qui va à l’essentiel, qui donne la direction du synopsis sans dévoiler l’intrigue ; un titre qui claque comme le nom d’une marque, qui se détache, qu’on remarque, qui frappe l’imaginaire tout en entrant en résonnance avec l’auteur et le texte (Et non, cette phrase n’a pas de fin !)
Tribune monBestSeller : Et si on arrêtait avec les titres qui nous disent tout (ou rien) ? Suite et fin

Marre des titres à rallonge !

Je ne sais pas vous, mais la première fois que j’ai lu le titre du livre d’Aglaja Veteranvi "Pourquoi l’enfant cuisait dans la polenta", je me suis imaginé une scène improbable où un pauvre gamin se noie dans une marmite en fonte, à côté d’une grand-mère italienne qui râle parce que "ça manque de sel". Un peu comme L’Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea. Vous voyez le genre de titre ? Ces perles littéraires à rallonge qui captent notre regard l’espace de deux secondes dans la librairie.

 

Qu’importe l’ivresse pourvu qu’on ait le flacon

Vous entrez dans une librairie, à la recherche de quelque chose de léger, de drôle, peut-être même d’un peu profond. Mais à peine passé le seuil du noble commerce, voilà la table des nouveautés qui vous saute à la gorge avec ces couvertures criardes, ses titres à rallonge, ses illustrations tape-à-l’œil. Hep ! Hep ! ça sautille partout ces satanées bestioles : "Hep ! Je suis le livre que tu dois acheter si tu veux être dans le coup !" Vous tournez le regard à gauche, à droite, cherchant une bouée de sauvetage dans cet océan de buzz. Mais, pauvre de vous, peuchère, la grande famille des éditeurs semble s’être donné le mot : "Attire l’œil à tout prix, peu importe le contenu !"

On finit par se demander si la prochaine étape ne sera pas d’ajouter des néons clignotants et des ballons gonflables sur les livres. Parce que de nos jours, ce n’est plus l’écriture qui compte vraiment, non. C’est la couverture, le titre accrocheur, et, bien sûr, le potentiel de buzz sur les réseaux sociaux. L’éditeur, dans son rôle de marketeur, nous balance des titres comme on jetterait des appâts à des poissons affamés.

Ces titres ressemblent à des stripteases mal orchestrés, où la personne arrive déjà en sous-vêtements. Attirer les lecteurs comme des moustiques à une lampe bleue. Buzz garanti, même si, soyons honnêtes, une fois qu’on a tourné la quatrième de couverture, on se sent parfois un peu… floué. Mais attention ! Warning !

Subtilité des titres de romans

Certains titres ne sont pas que de simples appâts. Pourquoi l’enfant cuisait dans la polenta n’est pas juste un titre "bizarre" comme les autres, une simple accroche tape-à-l’œil. Plutôt une manière de rendre accessible ce qui autrement ne le serait pas… La frayeur, le tragique, une manière de conjurer les malédictions familiales. Veteranvi ne plaisante pas : son enfant dans la polenta est la métaphore d’une réalité brute et déchirante.

C’est là toute la subtilité du titre du livre d’Aglaja Veteranvi. On y entre par un titre étrange, à la limite absurde, donc presque inoffensif, et on en ressort ébranlé, l’âme en morceaux. Ce n’est plus drôle, pas du tout. C’est dur, c’est cru. Le titre nous attire avec une fausse légèreté pour nous plonger dans une tragédie dévastatrice.

"Pour me rassurer pendant que ma mère est suspendue par les cheveux au chapiteau, ma sœur me raconte le "conte de l'enfant que l'on fait cuire dans la polenta". Si je me représente l'enfant en train de cuire dans la polenta, et comme il a mal, je ne suis pas obligée de penser que ma mère pourrait tomber de là-haut."

 

Quel sera le titre de votre prochain roman ?

Alors, entre les vache et concombre de Mirbeau, le saumon de Eco, les nuits de merde de Flynn, et maintenant l’enfant dans la polenta… il nous reste une question : comment, en tant qu’auteur, se positionner face à cette inflation de titres à rallonge ? Devons-nous dévoiler, embrouiller nos lecteurs, ou, comme Veteranvi, les entraîner dans des profondeurs inattendues une fois l’appât avalé ?

L’art du titre, aujourd’hui, ne serait-il pas un exercice de manipulation savamment orchestré ?

 

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J'espère aller à l'essentiel : 15 pas vers le bonheur !

Publié le 22 Septembre 2024

Le titre d’un livre est comme une seconde peau recouvrant moult mystères . Appâter le lecteur sans le faire fuir … La vente d’un livre commence pour beaucoup par la découverte d’un titre accrocheur.
Ensuite la quatrième de couverture doit finaliser l’achat ou non .
Les titres à rallonge sont pour moi une mode qui a l’air de fonctionner jusqu’à présent mais jusqu’à quand ? Marquer sa différence est aujourd’hui primordial pour se démarquer dans cet océan de publication.
Alors soyons imaginatifs tout en gardant notre esprit critique !
PS : J’ai intitulé mon autofiction « Les Moisissures » . Si vous êtes curieux jeter un œil dans le ventre de votre inconnue.

Merci @monBestSeller pour cet article intéressant.

Publié le 21 Septembre 2024

Le titre est important mais doit aller à l'essentiel ; quant à la couverture, je dois dire qu'elle ne m'intéresse pas. Je lis le quatrième de couverture pour avoir une idée du contenu. Prenons comme exemple le roman de Bromfield, La Mousson : le titre évoque la cause principale du drame. Merci pour votre article. @Sylvie de Tauriac

Publié le 21 Septembre 2024

C'est vrai qu'il y a des titres qui claquent, sans même être forcément racoleurs. Je pense au très efficace "Ensemble, c'est tout" d'Anna Gavalda.
Pour ma part, quand je rentre dans une librairie, je ne me sens pas assaillie par la surenchère des titres, mais plutôt par le NOMBRE de livres qui paraissent et qui me font me sentir disparaître... sans compter que l'on retrouve toujours les mêmes, partout, sur les tables comme sur les ondes, même si leur qualité d'auteur.ice n'est aucunement contestable (euh pas pour tous).
J'ajouterais que je suis aussi sensible aux couvertures, oui, je l'avoue, j'ai pu acheter un livre notamment parce que la couverture m'avait accroché l'oeil...
Bref, on est peu de chose sur le marché du livre comme sur tout autre marché :)
Merci pour toutes ces réflexions aussi drôlatiques que pertinentes!!

Publié le 19 Septembre 2024

Avant qu'il ne s'expose
le titre s'impose
comme une évidence
à laquelle on se rend sans réticence

Merci pour cette série d'articles, éclairante.

Publié le 16 Septembre 2024

@Catarina Viti
Je crains fort que votre adverbe ne change pas grand chose à l'affaire. Un criminel, par exemple, est-il presque dangereux ? Et M. Tartempion est-il presque philosophe ? Une chose est inoffensive ou elle ne l'est pas ; j'ai du mal à concevoir qu'elle puisse se situer entre les deux. Ne seriez-vous pas quelque peu jésuitique, chère Madame ? Pour le reste, je ne comprends que dalle à ce que vous racontez, mais je vous souhaite volontiers des heures à venir sereines.

Publié le 11 Septembre 2024

@Jérôme Lanclume. Ah oui... mais dans (je vous cite quand vous citez) " "...à la limite absurde, donc presque inoffensif", il y a PRESQUE. Conseilleriez-vous également la lecture de Jankélévitch ?
Cela dit, seriez-vous en train de dire que l'on se pâme devant des contenus de plus en plus profonds (rires / est-il besoin de le préciser ? / ou presque utile / ou absurdement utile / ou probablement inutile ou presque / etc.)
Votre prompte réponse me permettrait d'envisager plus sereinement l'heure qui vient (ou menace presque de venir).

Publié le 11 Septembre 2024

J'ai plutôt apprécié cette nouvelle rubrique, mais une chose m'a tout de même chiffonné. Et c'est lorsque vous affirmez (je vous cite) : "...à la limite absurde, donc presque inoffensif". Je ne vais pas ici vous faire un cours sur la philosophie de l'absurde (je vous renvoie plutôt à Camus, Sartre, Kant et Kierkegaard), je ne vais pas non plus m'étendre sur le théâtre du même tabac (entre autres, Beckett, Gombrowicz et Ionesco), mais je vous trouve quelque peu gonflé de prétendre que l'absurde serait consubstantiel à l’innocuité. Tous les grands noms que j'ai cités ne seraient-ils donc que d’aimables plaisantins sans substance ?...

Publié le 11 Septembre 2024

Merci, @monBestSeller, pour cette série très intéressante, qui je l'espère aura pleinement inspiré les auteurs en herbe qui choisissent la plateforme pour se lancer dans l'autopublication.
Vos articles-débats, vos conseils et tous les services proposés sont le signe de la vitalité de cette plateforme. Merci pour tout cela ! MC

Publié le 11 Septembre 2024