C’est Florian Lafani des éditions Michel Lafon qui l'affirme. Pour preuve : Alice Quinn en janvier 2015, Agnès Martin-Lugand en avril, Aurélie Valognes en mai, Karen Merran en juin… Ces auteurs ont toutes auto-édité leur livre sur Internet avant d’être publiées par la maison d’édition. Leur éditeur nous parle de son métier et de l’auto édition qu’il voit comme un vivier d’auteurs.
Vous êtes responsable du développement numérique aux éditions Michel Lafon. En quoi cela consiste-t-il ?
Il s’agit de mettre en numérique tout ce qui est édité en papier, ce qui n’était pas le cas il y a trois ans. Aujourd’hui, 90-95 % du catalogue papier sort en numérique en même temps, à l’exception des beaux livres. Je m’occupe aussi de l’animation commerciale sur une centaine de librairies en ligne afin de donner une bonne visibilité à nos titres et de la présence de la maison d’édition sur les réseaux sociaux. Je suis aussi éditeur de littérature française et italienne.
Vous êtes l’éditeur d’Agnès Martin-Lugand, d’Alice Quinn, d’Aurélie Valognes… Quels sont vos critères de sélection ?
Nous éditons plutôt des romans « feel good », des livres qui traitent de sujets de société de manière légère ou avec de l’humour et toujours avec empathie. Ces livres racontent comment le héros ou l’héroïne parvient à surmonter des obstacles dans sa vie. C’est aussi une littérature populaire qui correspond à l’esprit de la maison d’édition Michel Lafon. Les romans qui paraissent dans le premier semestre 2015 sont de cette veine-là, même s’il existe de grands écarts de style entre Agnès Martin-Lugand et Aurélie Valognes. Le fait que ces auteurs soient des femmes est un hasard. Mais il est vrai que cette thématique est plutôt portée par des auteurs féminins…
Que représente l’auto édition pour vous ?
L’auto-édition permet de découvrir de nouveaux auteurs. Officiellement, nous ne recevons pas de manuscrits. Je lis beaucoup d’auteurs auto-édités sur les plateformes Internet et je réalise un travail classique d’éditeur : je trie les manuscrits, je lis des extraits, je regarde les couvertures… C’est un travail très intéressant qui prend beaucoup de temps. Chaque roman que nous publions doit ensuite trouver sa place. Cela nous donne aussi une crédibilité dans l’édition de romans français.
Est-ce que l’auto-édition n’est pas aussi un moyen pour un éditeur traditionnel de réduire le risque éditorial ?
Non, car les deux marchés, numérique et traditionnel, sont très différents. Déclencher un acte d’achat à 2,99 euros sur Internet et faire acheter un livre dans une librairie à 16 euros n’a rien à voir. Une plateforme comme Amazon dispose d’un outil très puissant et offre une grande visibilité aux auteurs. Ils n’auront pas la même dans une librairie classique. Un libraire peut retourner à l’éditeur un ouvrage qui ne part pas ; sur Internet, l’ouvrage reste visible. Bien sûr, en tant qu’éditeur, on prend en compte le fait que l’auteur indépendant ait déjà vendu 10 000, 20 000 exemplaires mais on ne peut pas dupliquer un succès sur Internet en librairie.
Comment travaillez-vous avec les auteurs indépendants ?
De manière tout à fait classique. On leur propose des pistes d’amélioration, on échange. Le but pour l’auteur comme pour l’éditeur est d’avoir le meilleur livre possible !
Existe-t-il un style d’écriture propre aux auteurs auto-édités ?
Non, il n’y a pas de style particulier. Le support favorise peut-être des textes plus courts. Mais qu’il soit indépendant ou déjà édité, l’auteur veut être lu, qu’importe le support, il n’écrit pas son livre pour le numérique.
Au Salon du livre de Paris, il a beaucoup été question d’auto édition, le phénomène est-il vraiment lancé ?
Il n’y a pas de raison que ça s’arrête. Nous sommes dans un pays où tout le monde écrit ! Bien sûr, le secteur est en surproduction mais l’ambition d’être écrivain existe chez beaucoup de monde. En plus, s’auto-éditer est facile, il n’est pas nécessaire d’être un technicien pour mettre son fichier sur Internet.
L’auto-édition est-elle une menace pour l’édition traditionnelle ?
Non, les deux sont complémentaires. L’auto édition permet de découvrir de nouveaux auteurs et l’édition traditionnelle offre de nombreux moyens aux auteurs : droits pour l’étranger, audiovisuels… L’auteur indépendant doit tout faire : fixer le prix du livre, s’occuper de sa promotion, des relations avec la presse… Le soutien d’une maison d’édition est appréciable et libère l’auteur qui peut se concentrer sur son métier : l’écriture.
Clémence Roux de Luze
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
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