De toute ma vie, il n’y a qu’un seul jour où je ne me suis pas reconnue : le 8 octobre 2013, à 7heures 38, sur la route de Montauban.
J’avais quitté l’appartement un petite demi-heure plus tôt. J’avais laissé mon compagnon assis sur la terrasse. Il avait voulu sortir, lui si frileux. Et avant de filer jusqu’à ma voiture, je l’avais aperçu derrière la baie vitrée, immobile et comme perdu, il crachait de la salive entre ses pieds.
J’ai un premier rendez-vous à Montauban, un second, l’après-midi à Toulouse. Je ne serai pas retour chez nous avant dix-neuf heures. Je fonce, pied au plancher, je me concentre sur les enjeux de ces deux rencontres.
Mais, comme c’est curieux, la voiture n’avance pas. J’ai l’impression d’appuyer sur le champignon alors que quelque chose m’attire en arrière. Une force irrésistible.
Je pense alors à lui, à mon compagnon, au cauchemar qui m’a réveillé dans la nuit, aux propos contradictoires des médecins, à l’incertitude dans laquelle nous vivons depuis quelques semaines, à son corps qui n’est plus le même.
Une place de parking sur le bord de la route, je m’arrête.
J’appelle son médecin traitant. Sans grand espoir, elle ne répond jamais au téléphone. Il est si tôt. Mais il faut que je parle. Il faut que je lave ma conscience.
Elle répond.
Oui, ce jour-là, si tôt, elle a décroché à la deuxième sonnerie.
Je vide mon sac.
Hospitalisez-le sans attendre, dit-elle. J’appelle les urgences. N’attendez pas.
Elle a déjà raccroché.
Mais, c’est que je suis sur la route, moi ! On m’attend, dans une heure, à Montauban. Je n’ai jamais manqué une seule fois à ma parole, toujours fidèle au poste. Je suis quelqu’un de sérieux, sur qui l’on peut compter. Il m’est arrivé de faire des centaines de kilomètres, malade comme une bête, pour respecter mes engagements. Blessée dans un accident de la route, j’ai tout de même pris l’avion pour aller assurer un week-end de formation en Belgique. Rien n’est jamais passé avant mon travail et mes engagements.
Je réveille une voisine, et lui demande de s’occuper de l’hospitalisation de Serge. Elle n’est pas du matin, elle bredouille à l’autre bout du fil. Elle n’est pas française, elle n’a jamais géré pareille situation. Elle s’affole. Je la presse. Je l’engueule. Je l’encourage : elle y arrivera, elle le doit, elle me le doit.
Jusqu’à cet instant, je me reconnais bien.
C’est quand j’ai fait demi tour sur la route nationale que je ne me suis pas reconnue.
Et je ne m’expliquerai jamais comment j’ai trouvé la sagesse de trahir la confiance de mes collègues et de nos clients, de les planter pour revenir sur mes pas.
Ce jour-là, non seulement j’ai sauvé in-extremis la vie de mon compagnon, mais je suis devenue cette femme que je n’ai plus jamais reconnue et qui encore chaque jour me surprend.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Merci à l'auteure de cette magnifique tribune. Un texte émouvant, dont chaque mot m'a parlé. Bravo.
@lamish Comme vous dites si bien : Pftt ! Je n'ai rien compris à votre baragouin, sinon que vous pensez avoir TOUJOURS raison, mais bon je connais trop, hélas, ce genre de comportements, sans parler de vos recours à monsieur Lucius pour me censurer. Allez-y, ne vous gênez pas ; vous êtes tellement coutumière du fait que je suis vaccinée encore mieux que pour la grippe saisonnière. Savez-vous que mon coach en écriture, depuis 8 ans, écrivain reconnu à l'académie française pour ses écrits a utilisé le terme "anecdote" lorsqu'il a proposé à ses abonnés cet été, de relater des anecdotes sur un thème donné. Certains auteurs en ont écrit de beaucoup plus tristes que celle de M. ou Mme X. Bonne continuation dans vos chipotages et je suis sûre et certaine que, d'ici quelque temps, vous reprendrez ce terme dans vos commentaires, tellement avisés !
N'en déplaise à certaine, la première définition d'une anecdote est le récit d'un détail historique, d'un petit fait curieux. Du grec ancien anékdotos signifiant inédit, non publié. et mon commentaire n'a rien d'irrévérencieux et ce n'est pas la peine d'avertir monsieur Lucius pour qu'il prenne sa paire de ciseaux. Il est assez grand pour prendre ses décisions, tout du moins je l'espère.
Morale de cette anecdote : les cimetières sont pleins de personnes "indispensables".
...Votre infinie prétention, et votre moteur de vie : réduire les autres à néant pour exister
Pourquoi généralisez-vous des sentiments qui vous sont propres ? Sans argument et sans fond (plat ???) C'est d'une présomption infinie. Ce texte n'est pas un texte littéraire, c'est un témoignage de l'instant.
Oui, il m'est revenu une heure après le lancement de l'appel à l'écriture. C'est en cela qu'il est intéressant, c'est une fulgurance (ou en tout cas pour moi).
Dîtes "je" au moins, ça n'engagera que vous et nous n'aurons pas ainsi l'impression que vous êtes notre professeur. Bonne journée à vous