Auteur
Du 10 oct 2018
au 10 oct 2019

"C'est la vie" : Coup de coeur du Concours de nouvelles monBestSeller 2019

C’est la vie…de Guylaine Burgaud

Sa vue était brouillée comme si elle s’éveillait d’un long sommeil. Était-elle encore sous l’emprise des drogues dures que lui donnaient ces maudits médecins sans qu’elle ait son mot à dire ? Ces charlatans, incapables de soigner la raison, qui frappent sa tête à coup d’hallucinations peuplées de monstres, pire que la maladie.

Forçant sa pensée, des souvenirs brumeux s’éveillèrent enfin dans son esprit. Les silhouettes fantomatiques des années épargnées surgirent devant le voile de ses yeux fatigués. Son mari apparut le premier, car Léon vivait encore tout entier dans son cœur. Son pauvre Léon, où était-il à présent ? Déjà mort, peut-être.

— Moi aussi,j’ai eu une femme dans le temps, coupa un vieil homme,comme s’il écoutait ses pensées profondes.

— Une femme ? Dis plutôt deux, trois, plusieurs femmes ! Tu oublies qu’on était voisins, l’ami. Je t’ai vu à l’œuvre, un vrai coureur de jupons !

— Est-ce qu’on t’ademandé quelque chose à toi, Gaspard ? Gaspard le fouineur ! Gaspard l’emmerdeur ! se moqua l’autre.

Entre Gaspard et Gaston qui s’étaient retrouvés voisins dans la même résidence, c’était souvent la guerre, comme au bon vieux temps, au village.

Colette se redressa, faible et légère comme une ombre, et les dévisagea. Mais dans quel établissement était-elle tombée ?

— Ha, je vois que madame est nouvelle ! s’écria Gaspard. C’est la première fois pour vous ?

— Heu… oui, je pense que c’est ma fille qui m’a placée ici, supposa Colette en se tournant vers Gaspard, curieuse de l’examiner.

Il était si maigre, si pâle, si mourant… Le pauvre homme n’en avait certainement plus pour longtemps. Elle fut étonnée car sa voix guillerette était pleine de vie.

— Les nuits sont fraîches ici, n’est-ce pas,madame ?

Mais Colette ne répondit pas, elle préféra retourner à ses pensées et songer à la décision de sa fille. Où l’avait-elle emmenée ? Dans un hospice datant du XVIIIe siècle !?Un mouroir !?

— Ma fille aussi venait souvent me voir avant, coupa de nouveau Gaston.

Pour quelques raisons étranges qu’elle n’arrivait pas à saisir, Colette sentit que l’homme avait de nouveau fait irruption dans ses pensées, et cela l’angoissa.

— Au début,c’est toujours comme ça. On voit la famille débouler toutes les semaines, puis très vite, ça se tasse, et on passe à une fois par mois. Ensuite, si l’on a de la chance, on les verra une fois par an.

— Ho, vous êtes d’un pessimisme ! C’est affligeant ! Ce n’est pas parce que votre fille ne vient plus vous voir que la mienne ne viendra pas ! se fâcha Colette en utilisant le peu de force qui lui restait pour se soulever.

Elle en profita pour jeter un œil à sa silhouette. Elle était toute belle, bien habillée, bien coiffée. C’était bien la preuve que sa fille ne l’avait pas abandonnée.

— Moi aussi,quand je suis arrivé,j’étais tout beau, tout propre, et endimanché, mais ça ne dure pas, vous verrez.

— Laissez-moi tranquille à la fin ! cria Colette, et arrêtez de fouiner dans mes pensées !

Fâchée, elle lui tourna le dos. Une intelligence surnaturelle semblait lui donner le pouvoir de pénétrer son âme. Et la vieille dame en était très effrayée. Elle chercha à percer le mystère de cet endroit, quand soudain, la réponse lui traversa la tête aussi mortellement qu’une balle de révolver. L’hôpital psychiatrique ! Mon Dieu ! Sa fille l’avait fait interner.

— Qu’est-ce qu’elle dit,la petite dame ? demanda Gaspard à son ami Gaston.

— Rien qui te concerne.

— Mauvais caractère.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda un curieux.

— C’est Gaston qui dit que la petite dame n’aura plus de visite au bout de six mois, commenta Gaspard.

— Mêle-tout, lança Gaston de mauvaise humeur.

Et bientôt,tout le monde s’en mêla, chacun se redressant pour donner son avis sur la question. On se serait cru à un repas de quartier en pleine bagarre communal.

Pendant ce temps, le vent sifflait dans la nuit au-dessus des petits toits de la résidence…

— Moi,je trouve qu’on n’est pas si mal, ici, marmonna un autre.

— Ouais, approuva Gaston. Nourri, logé, blanchi !

Et toute l’assemblée ricana d’un rire caverneux.

Gaston éleva la voix pour faire taire le brouhaha. Il avait toujours été un homme fort, écouté de tous, et même si son enveloppe s’était légèrement flétrie, il se sentait encore solide. Le maître des lieux, le roi de la résidence !

— J’aimerais bien me reposer, moi ! se plaignit un vieux au bout de la rangée. On est là pour ça !

— Oh, ça va toi ! T’avais qu’à pas planter ta tente ici ! grogna Gaston.

Et Gaston finit par leur tourner le dos, comme Colette. Râler, bougonner, c’est tout ce qu’il était capable de faire à présent. Lui qui avait été si fort, si beau jadis. Lorsqu’il auscultait son corps devenu squelettique, allongé dans son lit de mort et qu’il constatait les dégâts du temps sur sa peau presque décomposée, sa chair tuméfiée et ses veines noircies comme les cuisses d’un poulet trop cuit, cela lui filait la chair de poule.

Bientôt,le silence retomba sur la résidence et pour finir, la lumière du petit jour glissa comme un souffle de vie sur les pierres lisses et grises des petits bâtiments.

Colette émergea enfin de sa léthargie. Elle se redressa pour mieux observer l’endroit et jeta autour d’elle des regards effarés. Elle venait de découvrir des formes humaines allongées sur des lits en rangs serrés glissées dans des sacs de couchage duveteux. Elle les détailla longuement, et soudain, comme si elle venait de cligner des yeux pour mieux voir, son cœur gros et engourdi s’emballa dans sa vieille poitrine. Ils étaient tous aussi pâles que les victimes de la mort.

La peur la poussa à s’adresser au premier venu :

— Monsieur, je voudrais voir mon mari, supplia-t-elle.

— Il viendra,madame, soyez-en certaine, déclara Gaston, finalement touché par la détresse de la vieille dame. On finit tous par venir ici, un jour ou l’autre… C’est la vie.

Soudain, un voile blanc jaillit au-dessus de la tête de Colette, comme la porte scellée d’un tombeau qui s’ouvre et laisse entrevoir un ciel clair baigné de lueurs chaudes.

— Oh, c’est mon mari, lança-t-elle, la voix portée par une douce euphorie.

L’empreinte floue d’une forme humaine se souleva, et légère comme une plume au vent, Colette traversa les silhouettes toutes vêtues de noir : le cortège funèbre qui transportait le cercueil du défunt Léon.

— Pourquoi tu ne lui as rien dit ? demanda Gaspard en se redressant de son cercueil.

— Est-ce que quelqu’un a pris la peine de m’expliquer à moi, la première fois que je suis arrivé ?

Gaston savait que derrière les premières fois se cachent des portes secrètes parfois effrayantes. Sa première fois à lui, il n’en parlait plus depuis longtemps, mais il se rappelait très bien que la peur lui avait fait trembler les jambes.

À toi maman. À toi papa…

Vous avez un livre dans votre tiroir ?

Publier gratuitement votre livre

Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…

.........Je chipe '' c' est la vie '' à - Albanie-France - ( foot-ball )............C' est une histoire '' crypto-morbidus '' dans le sujet. Gaspard le '' bourdon '', le contradicteur joue le deuxième rôle et gagne.....le titre de premier rôle ?! Ta nouvelle est plus une '' surprise '' qu' ''une première fois '' et davantage une '' seule fois '' qu' une '' première fois '' qui pourrait être une '' deuxième fois '' C' est une pensée, un recueuillement à des personnes perdues, encore aimées. L' occasion était belle pour toi, mBS t' aime, l' occasion fonctionne, la mode élitiste t' accompagne, ta tentative prend valeur, elle a ses raisons propres d' être là. Pour moi c' est une initiative qui vient d' une conséquense, je comprends la chose à l' envers...il me semble. Bravo pour le travail, je félicite de bien tes intentions, ce sont les grâces de la vie.

Publié le 17 Novembre 2019