La rumeur courait depuis quelque temps. La Cie Mondiale, allait encore changer de Directeur de la Stratégie. J'avais réussi à survivre aux six changements précédents. Pourtant mon poste de Responsable du Système d'Information était particulièrement exposé. Rémi, le Dir Com m'avait gratifié du qualificatif de "survivor".
À la Cie Mondiale, les échanges se faisaient en Anglais. En vérité, c'était du Globish. Owen, un étudiant natif du Kent, était venu comme stagiaire chez Rémi. Il lui avait demandé de rédiger un article sur son" incorporation". Rémi, débordé par ses nombreuses urgences de son activité, avait négligé de le relire. C'est ainsi que la Générale avait appris par son magazine interne qu'une fusion était envisagée avec Universality Solutions. Depuis, chacun au siège, faisait valoir les intérêts présentés par son activité. Je négligeais de me joindre à cet empressement. Personne d'autre n'était capable de s'y retrouver dans la jungle des développements informatiques de mon équipe. J'avais bâti une structure instable où tout était interdépendant. On ne pouvait toucher à rien sans risquer de bouleverser l'ensemble du système. J'étais incontournable.
Le nouveau Directeur de la Stratégie, se nommait Thomas Marconi. Il arrivait de Polytechnique. Il dépêcha une société de conseil pour réaliser un audit. Je fus longuement interrogé, par une équipe de jeunes loups affamés. J'attendais la suite, confiant. C'était loin d'être le cas de la plupart de mes collègues.
Quelques semaines après, Marconi publia une note évoquant une réorganisation en profondeur du système d'information et de communication. Il projetait de mettre en place un ensemble de programmes prêts à l'emploi. Je savais la lourdeur et le coût d'une telle opération. Lors de mon arrivée, j'avais envisagé une solution analogue. Ma proposition avait été sèchement refusée.
J'étais en réunion avec Rémi pour des aménagements du site Web de l'entreprise quand mon interlocuteur dut quitter son bureau. Il était appelé par Marconi. Jenny Chapman, la secrétaire de celui-ci avait ouvert sans frapper, la porte de son bureau.
- Rémi, Thomas is waiting you.
Rémi avait promptement quitté le bureau.
- Louis, tu m'attends. On continuera après.
Quand Rémi fut de retour. Il avait le regard vide. J'eus l'impression qu'il n'habitait plus son corps. Il s'assit lourdement, s'affala sur son siège et sembla me découvrir.
- Ça va Rémi ?
- You are fired ! C'est ce qu'il m'a dit. Il prétend que je ne maîtrise pas assez la com.
À ce moment-là, la porte s'ouvrit et Jenny Chapman sans me regarder, s'adressa à moi
- Louis. Thomas wants to see you.
Je me levais. Je ne sais plus comment je suis arrivé chez Marconi. J'appris que mon poste était supprimé. On me laissait une semaine pour débarrasser mon bureau. Hagard, je me suis retrouvé dans la rue. Je m'assis à l'intérieur de mon café habituel. Je restais une heure, devant mon express. Le soir, je fus incapable de parler à ma femme. Je restais assis devant la télé pour ne pas avoir à réfléchir.
Le lendemain, j'ai rangé mon bureau. J'ai retrouvé les dossiers que j'avais constitués sur les uns et les autres au hasard des backdoors que je n'avais pas négligé d'installer sur leurs ordinateurs et smartphones. Puis ce fut l'heure de la cantine. Je ne trouvais qu'une place à une petite table. Je sentais peser les regards sur moi. Tout à coup, je me suis levé, très, très énervé. Je ne me suis pas reconnu.
- Vous savez tous que j'ai été viré par Marconi. À ma place, il a nommé un type, Victor Moreau. Vous savez qui est Moreau ? Je vais vous le dire : c'est le frère de sa maîtresse. Vous savez pourquoi Marconi a été nommé ? Je vais vous le dire : Jenny Chapman couche avec le PDG. Vous savez pourquoi il a accepté la nomination de Marconi ? Je vais vous le dire : elle a menacé de révéler les rétrocommissions qu'il a touchées sur le contrat Denver. Merci de m'avoir écouté.
Je sortis sous une salve d'applaudissements.
Jacques Marlier
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
En toute franchise, il y a quelque chose qui me gêne dans la lecture de cette nouvelle, oublions la forme, grammaire, syntaxe, etc. Mais c'est la construction. Le début est très vrai, on sent la vie en entreprise, j'ai beaucoup apprécié les piques qui sentent le vécu (le responsable du système qui fait du bancal pour se rendre incontournable, les auditeurs aux dents longues, etc.) Puis, on arrive aux premiers dialogues et là, on sent une chute précipité. On ne sait plus quel était l'intérêt de présenter Owen, par exemple, ni les révélations fracassantes, qui sont tombé comme un cheveu dans la soupe. Pourtant il y avait du potentiel sur la thématique des backdoors, qui d'ailleurs n'a pas été exploitée. Pour la structure, tous les éléments sont là, il faut juste mieux les amener, l'édifice s'effrite à la moitié. Pour le reste, il faut surtout revoir la cohérence des temps et laisser les dialogues importants, ceux qui apportent quelque chose à l'histoire. Bien évidemment, ce n'est que mon avis.
Tellement vrai !