J’aime du soir tombant les riches promenades.
Je vais, sifflant, disant d’Hugo quelques ballades ;
Prenant par les vallons, les plaines, les ravines,
Admirant et humant l’âcre odeur des sabines.
-Oui ! rien n’est toxique ou étrange au solitaire,
Il trouve sa paix dans l’harmonie du contraire.
Où l’on voit le gibet, l’échafaud, ou l’abime,
L’horreur, la plaie, la mort ou encore le crime,
Le solitaire contemple dans son silence
La lueur, la rédemption et l’innocence.
C’est l’ange aux purs instincts et aux ailes voilées,
Qui bien voit dans l’ombre des choses étoilées.
Dans la clameur du jour, dans la diversité,
Il trouve son calme, sa pure ipséité.-
Je porte ce soir mes pas fortuits dans les champs,
J’entends des pies les cris qui ne sont que des chants.
Les lierres toujours verts autour des fûts des arbres,
Les ifs bougeant comme les flammes de candélabres,
Les mains dans mes poches, faisant des pas gracieux,
Je crois voir les herbes me faire de doux yeux.
Ah ! Le poète partout se sentant chez lui,
J’arbore un rire comme l’aube qui a lui.
Heureux d’imaginer les pervenches si belles
Se dire en me voyant passer auprès d’elles :
-« Voici encor le rêveur, l’amant de la nature,
Il vient, rayons au cœur, contempler sa verdure »-
Fier de voir les vieux chênes au bas des montagnes
Qui me prennent comme un bel ami des campagnes.
Je sens l’air frais, et assis aux pieds d’un bouleau,
Je vois un bouvreuil chantonner sur un rameau.
D’autres au loin allument sur un beau cytise
De leur chant le bois comme un feu qu’on attise.
Un bruit soudain parvient à mes frêles oreilles
Et je vois s’envoler, d’un arbre, les corneilles.
Mes yeux se mettent à fouiller dans cette plaine,
Comme un marin dans l’onde une pierre incertaine.
Ils fouillent, cherchant comme la boussole un pôle,
Ou comme un esquif démâté espère un môle.
Le vacarme devient, dans cette plaine immense,
Si profond que l’espace semble être en démence.
Je me lève tel frappé d’un coup de canon
Et suis le bruit digne de celui du clairon.
En marchant et sautant par-dessus les cactus,
Ecartant des branches aux bouts parfois obtus,
Et qu’est-ce que je vois ? O ! horreur ! O ! mon Dieu !
Deux garnements aux cœurs noirs forcent dans ce lieu
Une vierge innocente au visage si sombre.
De sa robe blanche coule le sang sans nombre.
Emporté par un grand étrange sentiment,
Je surprends ces cons leur donnant un châtiment.
Je frappe, à l’un la nuque et l’autre les entrailles.
C’est plus que la haine qui anime lors des batailles.
Ses pieds rangés, la face en pleurs, et, grelottante,
La jeune tremble avec l’haleine chevrotante.
J’essaie de l’approcher, et d’une voix tout grêle,
Elle lance : -« N’approchez pas sieur » toute frêle.
Et je me dis, ô que jamais plus dans sa vie,
Elle ne sera la même et, cette envie
De rester solitaire habitera toujours
Son cœur, son esprit et ceci, durant des jours.
Seul, je suis venu chercher dans ce bois la paix.
Mais je trouve l’amie qui doit porter un faix.
Quand je vois dans ma solitude la lumière,
Elle verra en la sienne une douleur amère.
Ceux qui ici-bas taisent leur sombre expérience,
Vivent en secret tous les maux de l’existence.
AKPO Ricardo Léonardo
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J’ai toujours aimé les rimes
Leur jumellité , leur unisson
Petits mariages qui subliment
Même une modeste condition
C'est bien Ricardo , un peu touffu peut être ...
@Akpo Ricardo Leonardo. Un moment privilégié au milieu du silence et du tumulte que seule la poésie peut apporter. Merci
Chercher la paix en flânant pour ne trouver que cris, maux de l'existence qui resteront à jamais gravés dans l'âme de ces deux êtres. J'aime beaucoup l'opposition entre la nature et la nature humaine ! Merci beaucoup Ricardo Léonardo pour cette belle lecture qui m'évoque "le dormeur du val" de Rimbaud. Cordialement. Fanny
@AKPO Ricardo Léonardo, un vrai poème en rimes (c'est tellement rare) et une richesse de vocabulaire. Merci pour ce partage.