Interview
Le 14 avr 2025

La littérature née du terrorisme est-elle une façon de l'apprivoiser

11 Septembre, 13 Novembre, 7 janvier… On retient le jour, le mois et à peine l’année. C’est la force de ces catastrophes spectaculaires qui "déshumanisent l'homme" et qui révèlent des monstres. Ces évènements marquent l’inconscient collectif dans leurs dimensions historiques. Pourquoi : parce que le monde entier en a été le témoin et que le phénomène devient un procès du genre humain. Si les média se battent pour en faire des premières pages, des scoops, des révélations, ils semblent bien éphémères et superficiels face à la littérature qui construit dans l'espace et dans le temps...
les romans du désastre : source de grande littérature...les romans du désastre : source de grande littérature...

Ecrire l'histoire, c'est la dénoncer, la réécrire pour en guérir

Rappelons d’abord que c’est au cœur des villes que ces catastrophes ont pris place, et qu’elles ont laissé des dizaines de victimes mais aussi un vide géographique et spirituel.
Le vide des tours du World Trade Center, la fermeture pendant deux ans de la salle emblématique du Bataclan dont l'entrée fut jonchée quelques mois de fleurs renouvelées, et une rédaction presque "sacralisée" malgré elle (celle de charlie Hebdo en souffrance depuis 6 ans ).
Chacun tente d’écrire une nouvelle page de son histoire.
Comme Ground 0 symbolise une renaissance, le Bataclan est devenu un lieu culte de la jeunesse… Charlie Hebdo publie à 8 Millions d’exemplaires le numéro suivant, et incarne pour toujours le mythe et la réalité de la "liberté d'expression".

Comme si l'action décuplait les réactions, une littérature qui se nourrit des attentats pour révéler la grandeur humaine

Au-delà de la trace, ces drames s’inscrivent dans une dimension intemporelle et font trouver aux littérateurs une forme d’humanisme. 
Comme si, mécaniquement, il fallait des épreuves fatales pour retrouver la beauté de l'âme humaine, la pureté, l'héroïsme, en un mot pour se retrouver... 
La violence de l'éxperience fait qu’il est difficile de dissocier temps et trauma.
Présent, passé et futur, opèrent alors un dérèglement temporel qui donne une dimension grandiose et eternelle à cette littérature.
Parce qu'elle concerne chacun, parce qu'elle est universelle, parce qu'elle est l'occasion de réfléchir sur nous mêmes.

Complotisme, fictions, écrits de la souffrance, lecture politique, enquêtes, essais et approches idéologiques sont propices à une littérature liée à une temporalité altérée

Questionnements, survivance, réflexions face à des sur interprétations trop rapides, la littérature permet la mise à distance, la poésie, la philosophie, le romanesque, la fiction. La littérature est là, elle dénonce les fanatismes en tous genres.
L'onde de choc l'a alimenté, comme le Khalil de Yasmina Khadra (le parcours d'un terroriste le 11 Septembre), et généré de nombreuses enquêtes inattendues - telle, il n'y a pas si longtemps, La Mythomane du Bataclan d'Alexandre Kauffmann -,
Bande déssinée, essais, plaidoyers, romans graphiques ou documents souvent loin de la fameuse injonction à la résilience fleurissent encore aujourd'hui.
Plus récemment Houris de Kamel Daoud retrace le destin d'une jeune Algérienne enjointe à se souvenir de la guerre d’indépendance, qu’elle n’a pas vécue, et oublier la guerre civile des années 1990, qu’elle a subie de plein fouet..

Des ouvrages références, des angles différents

>> 11 septembre – Le jour du chaos de Nicole Bacharan et Dominique Simonnet. Ils rapportent à la minute près le 11 septembre 2001, en détaillant le rôle des principaux acteurs de l’appareil gouvernemental américain, 

>> Mitchell Zuckoff, avec Le jour où les anges ont pleuré – L’histoire du 11 septembre, déstinée à cultiver la mémoire factuelle de l'évènement pour l’histoire. Ses sources s’appuient sur des témoignages directs et des documents officiels,

>> Paul Auster, témoin direct depuis sa fenêtre, écrit "Seul dans le noir" une Amérique sans 11-Septembre ou la guerre civile aux US remplace la guerre d'Irak.

>> "Terroriste" de John Updike, grand succès "border line" aux Etats-Unis ou l'auteur se met dans la peau des islamistes, décrivant le parcours d'un jeune étudiant qui mène le djihad.

>> Frédéric Beigbeder décrit l'horreur des tours de l'intérieur : les défénestrations, les avions, le feu, le désespoir, la panique, ...dans "Windows on the World". Une fiction qui seule peut faire imaginer l'impossible.

>> Philippe Lançon dans, "Le lambeau", décrit sa tentative de reconstruction physique et spirituelle, lors de l'attentat de Charlie Hebdo. Salué et primé par la critique. 

>> Riss survivant du Bataclan avec "Une minute quarante-neuf secondes" écrit un texte, vibrant, sur ce jour maudit et son lendemain : ses amis tombés au champ et l'impossible retour à la "normale". Il dénonce aussi la complaisance de certains.

La poussière et le sang des attentats n'en finit pas de retomber sur la littérature, et le traumatisme collectif a généré des romans du désastre qui traduisent le vide physique et moral laissé aux survivants. Mais aussi l'espoir et la volonté de changer le monde pour se reconstruire.
Des chefs d'oeuvre parfois.

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@Michel CANAL Merci pour votre réponse. Il est monté jusqu'à la 40e place. Je vais le republier, je mettrai le lien. On me dit que c'est un livre témoignage très fort.

Publié le 15 Avril 2025

@bichetdenis 001Y, je n'ai pas eu le plaisir de lire « Kabylie mon amour » dont j'ignorais l'existence jusqu'à votre commentaire... justifié concernant cette fracture de l'Histoire entre la France et l'Algérie, dont la plaie n'est pas près de se cicatriser au vu des derniers développements.
« La littérature née du terrorisme est-elle une façon de l'apprivoiser ? », titre de cet article. Vaste débat !
Le terrorisme est la pire des stratégies de combat, dont l'appellation est déclinée au mieux en "guérilla" quand elle a une part de légitimité. Si la guerre, censée opposer deux armées de "combattants légitimes" est la plus stupide des actions dont l'Homme a été capable, avec son potentiel de destructions et d'anéantissement — les exemples ne manquent pas par leur ampleur depuis celle que l'on a nommée la Grande Guerre —, où les victimes ont aussi été des civils non combattants et le patrimoine culturel, le terrorisme (à relier à "attentats") a ajouté sa part d'horreur (d'où l'expression qui en découle). Le terrorisme est le combat des faibles agissant en lâches qui compensent la faiblesse de leurs moyens par l'horreur des effets de terreur de leurs actes sur les populations impactées.
La littérature née du terrorisme n'a-t-elle pas contribué, loin de l'apprivoiser, à le banaliser ? Le pire serait de lui accorder légitimité et noblesse. D'où l'intérêt de faire la différence entre "résistance" (à un pouvoir autocratique, tyrannique, ou à un envahisseur) et "terrorisme", ce dernier se caractérisant par l'aveuglement frappant les victimes pour semer la terreur.
Il sera intéressant de voir la diversité des commentaires. MC

Publié le 15 Avril 2025

J'ai publié il y a quelques mois ici sur MBS un roman historique sur les derniers mois de la guerre d'Algérie. Kabylie mon amour. Donc sur le terrorisme absurde du FLN et la répression de l'armée française et la folie de l'OAS. Le sujet est encore tellement tabou dans les esprits qu'il est préférable d'évoquer d'autres drames terroristes plus récents alors que celui-là a fait des milliers de morts des deux côtés et à provoqué l'exode des millions d'habitants d'Algérie vers la France sans compter les massacres odieux abominable des harkis. Ceux qui ont connu cette époque ont salué mon livre pour le reste je ne me fais pas d'illusion il est souvent préférable de parler d'autres sujets que de celui-ci qui affecte terriblement et de nos jours encore par ricochet les relations entre deux peuples la France d'Algérie les blessures ne sont toujours pas cicatrisées parce que justement tout le monde refuse d'en parler.

Publié le 14 Avril 2025