les romans du désastre : source de grande littérature... Ecrire l'histoire, c'est la dénoncer, la réécrire pour en guérir
Rappelons d’abord que c’est au cœur des villes que ces catastrophes ont pris place, et qu’elles ont laissé des dizaines de victimes mais aussi un vide géographique et spirituel.
Le vide des tours du World Trade Center, la fermeture pendant deux ans de la salle emblématique du Bataclan dont l'entrée fut jonchée quelques mois de fleurs renouvelées, et une rédaction presque "sacralisée" malgré elle (celle de charlie Hebdo en souffrance depuis 6 ans ).
Chacun tente d’écrire une nouvelle page de son histoire.
Comme Ground 0 symbolise une renaissance, le Bataclan est devenu un lieu culte de la jeunesse… Charlie Hebdo publie à 8 Millions d’exemplaires le numéro suivant, et incarne pour toujours le mythe et la réalité de la "liberté d'expression".
Comme si l'action décuplait les réactions, une littérature qui se nourrit des attentats pour révéler la grandeur humaine
Au-delà de la trace, ces drames s’inscrivent dans une dimension intemporelle et font trouver aux littérateurs une forme d’humanisme.
Comme si, mécaniquement, il fallait des épreuves fatales pour retrouver la beauté de l'âme humaine, la pureté, l'héroïsme, en un mot pour se retrouver...
La violence de l'experience fait qu’il est difficile de dissocier temps et trauma.
Présent, passé et futur, opérent alors un dérèglement temporel qui donne une dimension grandiose et eternelle à cette littérature.
Parce qu'elle concerne chacun, parce qu'elle est universelle, parce qu'elle est l'occasion de réfléchir sur nous mêmes.
Complotisme, fictions, écrits de la souffrance, lecture politique, enquêtes, essais et approches idéologiques sont propices à une littérature liée à une temporalité altérée
Questionnements, survivance, reflexions face à des sur interpretations trop rapides, la littérature permet la mise à distance, la poésie, la philosophie, le romanesque, la fiction. La littérature est là, elle dénonce les fanatismes en tous genres.
L'onde de choc l'a alimenté, comme le Khalil de Yasmina Khadra (le parcours d'un terroriste le 11 Septembre), et géneré de nombreuses enquêtes innatendues - telle, récemment, La Mythomane du Bataclan d'Alexandre Kauffmann -,
Bande déssinée, essais, plaidoyers, romans graphiques ou documents souvent loin de la fameuse injonction à la résilience fleurissent encore aujourd'hui.
Des ouvrages références, des angles différents
>> 11 septembre – Le jour du chaos de Nicole Bacharan et Dominique Simonnet. Ils rapportent à la minute près le 11 septembre 2001, en détaillant le rôle des principaux acteurs de l’appareil gouvernemental américain,
>> Mitchell Zuckoff, avec Le jour où les anges ont pleuré – L’histoire du 11 septembre, déstinée à cultiver la mémoire factuelle de l'évènement pour l’histoire. Ses sources s’appuient sur des témoignages directs et des documents officiels,
>> Paul Auster, témoin direct depuis sa fenêtre, écrit "Seul dans le noir" une Amérique sans 11-Septembre ou la guerre civile aux US remplace la guerre d'Irak.
>> "Terroriste" de John Updike, grand succès "border line" aux Etats-Unis ou l'auteur se met dans la peau des islamistes, décrivant le parcours d'un jeune étudiant qui mène le djihad.
>> Frédéric Beigbeder décrit l'horreur des tours de l'intérieur : les défénestrations, les avions, le feu, le désespoir, la panique, ...dans "Windows on the World". Une fiction qui seule peut faire imaginer l'impossible.
>> Philippe Lançon dans, "Le lambeau", décrit sa tentative de reconstruction physique et spirituelle, lors de l'attentat de Charlie Hebdo. Salué et primé par la critique.
>> Riss survivant du Bataclan avec "Une minute quarante-neuf secondes" écrit un texte, vibrant, sur ce jour maudit et son lendemain : ses amis tombés au champ et l'impossible retour à la "normale". Il dénonce aussi la complaisance de certains.
La poussière et le sang des attentats n'en finit pas de retomber sur la littérature, et le traumatisme collectif a généré des romans du désastre qui traduisent le vide physique et moral laissé aux survivants. Mais aussi l'espoir et la volonté de changer le monde pour se reconstruire. Des chefs d'oeuvre parfois.
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Article vraiment instructif, riche et fouillé ! Pour ma part aimant Paul Auster depuis ses débuts (années 80) - enfin pour être plus précis ces années représentent le moment où j'ai découvert cet auteur ainsi que son œuvre - j'ai lu Seul dans le noir ! et ai été une nouvelle fois subjugué par son talent de conteur, son art de l'ellipse au même titre que ce qui, selon moi reste son chef d'œuvre, La Trilogie New-Yorkaise(Bien que n'abordant pas du tout la même thématique !)
Et la littérature, oui, peut sinon nous sauver de la barbarie, tâcher de nous apaiser comme le précise si justement Damian Jade.
Souvenons-nous de Yasmina Khadra et de ses Hirondelles de Kaboul : du fin fond de l'horreur, perdus dans des prisons les plus ignobles, les plus obscures, il nous envoie l'espoir le plus fou qui se peut donner !
Merci encore pour cet article !
Bien entendu, les attentats sont horribles quel qu’ils soient et il faut en parler et en écrire.
Pour être objectif il convient de parler de l'histoire DES 11 SEPTEMBRE, et rajouter à votre liste les ouvrages sur le 11 septembre 1973 , coup d'état au Chili, assassinat de Salvador Allende, et les milliers de mort qui s'en sont suivis sous la dictature de Pinochet qui a duré 25 ans (3 200 morts et disparus), soutenue par les USA...
Antoine Blanca (Auteur) Salvador Allende: L'autre 11 septembre; Paru en septembre 2003 Essai (broché)
Et sans oublier Luis SEPULVEDA emprisonné et torturé par la junte militaire : "La folie de Pinochet" ; éd Metaillé
Résumé sur Babelio : "Le 11 septembre 1973, Pinochet prend le pouvoir au Chili, avec l'aide de la CIA, en assassinant la démocratie et des milliers de citoyens de ce pays. Le président de la République, Salvador Allende, meurt dans le palais de La Moneda bombardé et une répression sanglante s'abat sur le pays. Luis Sepúlveda en fut victime, comme tant d'autres Chiliens. Le 16 octobre 1998, Pinochet est arrêté en Angleterre à la demande du juge espagnol Baltasar Garzón, puis remis au Chili parce que déclaré fou. Luis Sepúlveda a écrit entre l'automne 1998 et 2000 dans différents journaux comme La Repubblica en Italie, El País en Espagne, tag en Allemagne, Le Monde en France, des textes entre articles politiques, chroniques et littérature, pour évoquer ces événements et leurs conséquences. Tous ces textes explorent la mémoire des vaincus qui ne veulent ni oublier ni pardonner. "
Cordialement et merci pour votre article.
Merci pour cet article qui remet les choses à leur juste place : écrire est salvateur, lire est apaisant.
Article intéressant. Mon roman, D.E.X, débute justement avec une commémoration du 11 septembre qui finit mal. J´ai aussi un chapitre ou je met le lecteur dans la peau d´un terroriste.