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Le 31 mar 2022

Olé !

Un tango, c'est un duel. Celui qui prend l'ascendant ne sera pas forcément le vainqueur car il faut savoir s'économiser, circonvoluer pour mieux se redéployer. L'estocade finale, viendra de celle ou celui celui qui aura su jouer de son énergie, de son expérience mais aussi de son esprit. Un jeu double en quelque sorte
Olé, la nouvelle de NASCH pour l'appel à l'écriture monBestSellerOlé, la nouvelle de NASCH pour l'appel à l'écriture monBestSeller

 

     Quand ses yeux s’ancrèrent dans les miens, mon corps se tétanisa. Il avançait vers moi sûr de lui, le charme conquérant. Surtout ne pas se figer, j’en mourrai de honte. Mes bras se transformèrent en plomb. Quelques secondes lui suffirent pour me rejoindre et attraper ma main. La suite, je ne sais plus trop, quelque chose vacilla en moi. Je me souviens juste de son contact, sa prise ferme et décidée, sa paume posée sur mon dos. Happée par son regard noir, je sentis le monde basculer autour de nous. Etions-nous à la verticale, à l’horizontale, touchions-nous même le sol ?

     Sur un petit nuage ! Enfin, j’expérimentais intimement la métaphore, juste lui et moi sur un petit nuage. Mes autres sens s’éveillèrent. D’abord l’odorat, sa peau exhalait de subtiles nuances, plus ou moins amplifiées par nos positions. Je respirais pleinement son odeur, mélange de tabac blond, de senteur boisée, de légère sueur. Puis le toucher, je devinais son corps musclé, dense. La précision de ses mouvements, son emprise sur mon propre corps, renforçait cette sensation de fermeté.

     A cet instant précis, j’aurai tout donné pour le goûter, l’embrasser à pleine bouche mais le joue à joue imposé ne permettait pas de tels écarts. Il n’en était pas moins troublant, grisant ; le picotement de sa légère barbe, son visage contre le mien... C’étaient les seuls moments où je fermais les yeux, quand nous quittions le face à face. Je m’empreignais de lui, attentive à toutes mes sensations corporelles, en éveil, guidée par son souffle.      

     Le tango, la danse du diable. Oh, il n’avait pas beaucoup forcé, le diable, pour me tenter ! J’avais facilement succombé à mes pensées de pécheresses. Les violons, le bandonéon, le rythme languissant, tout concourait à sublimer la volupté de notre chorégraphie. Ne nous voilons pas la face, les spectateurs d’un tango sont des voyeurs. Ils observent deux personnes onduler, s’entrelacer, écarter les jambes, se résister, s’abandonner, se désirer… en un mot, baiser.

     Il dansait bien pour un simple acteur. Il avait dû prendre des cours. Il tenait son rôle à la perfection, à la fois tendu et souple. Mais j’étais une danseuse professionnelle et si je le décidais, j’allais reprendre très facilement la main et lui faire perdre pied. Je n’avais pas tenu compte des astuces proposées par la conseillère en intimité, affiliée au tournage, nous expliquant hypocritement comment maintenir une chaste distance entre nous. Orlando jouait, lui aussi, mon jeu.

     Il allait le regretter car le diable me mordillait l’oreille. Je commençais par ralentir un peu la cadence, subrepticement. Mes gestes se firent plus caressant, mon pied le long de sa jambe, mes doigts sur son épaule, ma poitrine altière contre son torse… De petits centimètres en plus, quelques effleurements orientés, suffirent à déstabiliser mon torero ; légèrement, un bref décalage sur le rythme, une soudaine déconcentration vite rattrapée.

     Il résistait bien mon matador mais son regard perdait de l’assurance, le mien se faisait plus ardent. La petite sueur sur son front trahissait sa lutte intérieure. Je voulais une reddition, un assujettissement total à la femme fatale que j’étais. Il m’avait pris de haut avec ses airs de conquistador ; lui, l’acteur à oscars, sûr de son sex appeal face à la petite danseuse, forcément en pâmoison.

     Je sortis l’artillerie lourde, un tour de rein savamment étudié. Mes hanches chaloupaient autour de lui et lors des boucles finales, je calais mes fesses contre son sexe déjà un peu durci par mes précédentes manœuvres offensives. Sa veste longue cachait nos corps et c’est en toute discrétion que je parvins à le faire bander comme un taureau, olé !

     La musique s’arrêta sur une dernière étreinte « Coupé ! Elle est bonne ! Fabuleux, bravo à tous les 2. On applaudit bien fort Orlando ! ». J’abandonnais mon Orlando tout penaud sur la piste, sans même un regard, la tête haute, souveraine.    

 

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Merci @Jenie !! Si voulez me lire, vous trouverez sur ce site un extrait de mon premier manuscrit Persona non grata. Au plaisir de lire à nouveau vos commentaires !

Publié le 25 Avril 2022

@Nash
Un duel magnifique! J'ai adoré.

Au plaisir de vous lire.
Tatiana

Publié le 22 Avril 2022

Bonjour, merci pour vos commentaires @Maureen Hann et @FANNYDUMOND en effet, l’ambiguïté ne dure que 3 paragraphes ;)

Publié le 13 Avril 2022

@NASCH
Un beau duel ici, une tension qui ne cesse de monter, une chute bien amenée, j'aime ce texte qui nous fait languir jusqu'à la fin. Un texte coquin et sensuel, parfois plus abrupt, qui nous laisse penser au début à une simple danse entre deux anonymes, pour découvrir qu'il s'agit d'un tournage d'acteurs, dont un acteur connu. Vous êtes vous peut-être projeter ou venger dans cet écrit? Jeu bien réalisé. Bravo ! J'adore.
Merci pour le partage.
Amicalement
Maureen.

Publié le 07 Avril 2022

Je ne pense pas que mBS déflore le sujet, car à partir du 4ᵉ paragraphe, vous l'éventez en employant le mot "tango" et en évoquant la danse. Étonnant, que vous ayez des lecteurs qui n'ont pas su lire votre nouvelle que j'ai appréciée. Il est difficile d'écrire en gardant un suspense que l'on découvre lors de la chute.

Publié le 05 Avril 2022

@Nasch Excusez-nous. En espérant que l'attractivité de la photo compensera le mauvais traitement du suspens

Publié le 04 Avril 2022

Avant tout merci d'avoir publié ma nouvelle, mais le double jeu résidait également, au niveau de l'intro, dans le doute induit sur ce que faisaient vraiment les protagonistes.
Plusieurs de mes premiers lecteurs n'avaient pas deviné qu'ils dansaient,
ils pensaient à d'autres jeux ;) Un petit effet de surprise en moins tant pis.
Merci à l'auteur du chapeau pour son introduction
et bonne lecture à tous !

Publié le 01 Avril 2022