Bonjour Pascal, tu es tout nouveau sur le site où tu as posté un polar plein d’humour « Cabri, c’est fini ». La couverture de ton livre m’a de suite fait de l’œil, et c’est ainsi que j’ai découvert que tu étais peintre, et même l’inventeur du style Zafer*.
Je dirais que c’est l’écriture qui est venue à moi. Ma grand-mère et mon père étaient des écrivains très connus à l’île Maurice et, enfant, je voyais passer des épreuves d’imprimerie sur lesquelles ils faisaient des annotations. J’ai toujours aimé écrire, mais l’orthographe a été pour moi un gros frein. Je commets, aujourd’hui encore, des fautes de français, surtout quand je subis trop d’émotions. J’avais l’intention de ne jamais montrer mes textes, mais l’inventeur du correcteur de texte, loué soit son nom, m’a redonné espoir. J’ai cependant attendu le départ des écrivains de la famille avant de sortir mes textes. Leur regard me terrorisait !
La plupart de mes tableaux voient le jour sous forme de mots avant d’exister sur le canevas. Sur mon blog, je partage avec les visiteurs les émotions qui sont derrière certains tableaux. Un moyen pour moi d’allier l’écriture à la peinture.
J’ai choisi l’écriture parce que ça m’amuse et ça me fait du bien. J’ai aussi fait de la sculpture, de la gravure à l’ancienne en eau-forte sur plaque de cuivre, de la photographie, du théâtre et du chant, mais j’ai réalisé qu’à un moment donné, il faut faire un choix parmi ses passions.
L’écriture me permet de mettre sur papier des histoires qui me tournent en tête en permanence. J’ai souvent la désagréable impression que quand je cesse d’écrire, mes personnages s’assoient par terre et attendent en ronchonnant que je recommence à leur donner vie. Avec l’écriture, nous sommes plusieurs (mes personnages et moi) à nous amuser ensemble. Je trouve que la peinture est un exercice de création plus solitaire.
J’ignore d’où vient l’inspiration, mais je crois qu’elle est déversée en permanence ; une averse sans fin d’idées de toutes sortes. Il faut savoir reconnaître les inspirations qui nous sont destinées et apprendre à laisser aux autres le soin de développer celles qui ne nous le sont pas. Je fais donc le tri dans les idées qui passent, je prends celles qui résonnent en moi. Les idées que je serais incapable d’emmener jusqu’au bout, je les laisse avec une grande générosité à (au hasard) Amélie Nothomb ou Pierre Lemaitre qui devraient remercier tous ceux qui n’ont pas préalablement salopé une idée valable.
Je pense qu’ils se nourrissent l’une de l’autre. Les deux arts sont indissociables dans ma vie.
Comment fonctionne ton processus créatif d’écrivain (tu commences par quoi ? voir des images, inventer une histoire, t’inspirer de personnes connues, de fait divers, comment t’es venue cette histoire de cabris)
Je ne connais pas le bon processus, s’il y en a un. Je n’ai pas fait d’étude littéraire et je n’ai pas suivi de cours d’écriture. En général, j’ai une vague idée — l’histoire d’un détective privé s’occupant de cas insignifiants — et à partir de là, l’histoire, comme un film, prend vie dans ma tête. Il me suffit ensuite de l’écrire, scène par scène. Quand j’ai commencé à écrire John Berik, je ne connaissais pas la fin de l’histoire et les raisons derrière les enlèvements de cabris. Je me laisse emporter par le film qui joue dans ma tête.
Je suis tout nouveau dans la communauté mBS et je suis encore à découvrir ce nouvel univers qui me fascine. Être artiste à l’île Maurice (où je vis et suis né) est très difficile. Nous sommes loin de tout et la solitude est décuplée. Le fait de me retrouver dans cette communauté me transporte. J’ai longtemps tourné autour du clavier avant de poster mon texte. Je craignais que mon histoire et ma prose ne soient pas du niveau requis. La peur ne m’a pas tout à fait quitté et je redoute la critique qui pourrait me faire mal. Je suis habitué aux critiques sur ma peinture, mais l’épreuve du feu pour l’écriture est, pour moi, une autre paire de manches. Avec mBS, j’ai l’impression d’avoir quitté mon île et d’avoir mis un pied en France que j’aime tellement. Ça serait malhonnête de ma part de ne pas mentionner que je caresse le rêve que mon livre soit lu par un éditeur qui serait partant pour le prendre sous son aile. Avec mBS, j’ai au moins la possibilité de rêver.
* J’ai conçu le « style Zafer » en 2003. Le mot « Zafer » vient du créole mauricien et il est généralement utilisé pour nommer quelque chose d’indéfini ou quand on ne connaît pas le nom d’un objet particulier. L’équivalent français serait « chose » ou « truc ». Comme je n’étais pas en mesure de classer mon nouveau style de peinture (je ne suis pas un expert en art), je l’ai appelé « Zafer », et le nom est resté.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Michel Canal
Cher Michel, merci de tout cœur pour votre commentaire qui me touche beaucoup. Ayant vécu à la Réunion, vous connaissez bien le rythme des îles et j’espère que vous le retrouverez à travers John Berik. Mon arrivée dans la communauté mBS il y a un mois m’a donné un nouveau souffle pour l’écriture et cela me procure une grande joie.
Je vous souhaite une belle semaine,
amicalement, Pascal.
PS Votre post-scriptum est très juste, c’est une erreur de ma part.
@Pascal Lagesse, quelle belle découverte que cet article !
Ayant vécu à la Réunion et connaissant assez bien l'île Maurice, j'ai eu plaisir à lire cette interview. Une certitude s'est forgée dans mon esprit : vous êtes un artiste "complet" pour avoir touché à tout. Et ce que l'on peut voir de vos peintures en illustration confirme votre talent.
Bienvenue donc dans la communauté mBS comme auteur. C'est formidable d'avoir osé franchir le pas, d'autant que cette initiative vous fait franchir d'un simple clic les 10000 km qui séparent votre île de notre continent. Au plaisir de vous lire et de commenter "John Berik - Cabri, c'est fini".
Avec toute ma sympathie. MC
PS : "Je pense qu’elles se nourrissent l’une de l’autre" serait beaucoup mieux que "Je pense qu’ils se nourrissent l’une de l’autre".