J’explique.
Les pavés sont des blocs de pierre, destinés aux revêtements de nos chaussées. Ils se composent souvent de granite, de grès, de porphyre, mais aussi de calcaire, de marbre, de roche volcanique, etc. Pourquoi, débuter cette chronique par la définition du mot "pavé" ?
Tout d’abord parce que ce bloc de mots, "Le néant et l’infini", destiné à nous distraire, à nous instruire et pourquoi pas à nous faire réfléchir, se compose lui aussi de tout un panel de thèmes, complémentaires certes, mais bien différents.
Plus qu’une lecture en passant, cette « véritable brique de références » amène le lecteur à se plonger pendant de longues heures dans un dédale de pages qui s’étirent presque à l’infini. Ce livre est un engagement à long terme, nul ne sait le temps qu’il faudra y passer pour en venir à bout.
Mais une renonciation ne serait pas de mise, car cet ouvrage propose une expérience intense. Happés par l’histoire, nous dévorons ses cinq cents pages d’aventure. Suivant pas à pas les personnages sur une longue période, nous vivons leur épopée, partageant leurs émotions, des quelques joies qu’ils éprouvent aux drames déchirants qu’ils traversent.
Le néant étant le vide illimité, il est donc la même chose que l’infini qui est le plein illimité puisque ces deux notions, le plein et de vide, occupent la même place illimitée.
C’est ambitieux comme raisonnement, ambitieux comme ce livre et comme son titre faisant référence à Pascal et à son fameux discours de l’infini et du néant censé démontrer l’existence de Dieu :
"J’ai en moi l’idée d’un être parfait, or je ne suis pas parfait, donc cette perfection divine ne peut venir de moi, mais seulement d’un être parfait, qui existe donc".
Pourtant ce bouquin n’évoque, ni vraiment la religion, ni l’existence ou l’inexistence de Dieu. Avec une précision glaçante, il dépeint comment des hommes, se prétendant de foi, ont pu, par fanatisme, par cupidité, par intérêt, ou simplement par bêtise, créer et servir cette détestable machine à broyer de l’humain, à torturer et à tuer que l’on nommait : Inquisition.
À l’instar de l’un de ses personnages principaux, le poète et dramaturge, Antonio José da Silva, qui vécut réellement dans la première moitié du 18° siècle, ce bouquin évoque ce bloc de pierre, le pavé, qui, une fois jeté dans la mare, rend ses eaux agitées, troubles, boueuses.
Il accuse. Devenant, une fois encore, l’un de ces pavés qu’on lance d’une barricade afin de dénoncer l’injustice et l’inhumanité d’un régime politique.
Il est un adage qui dit que l’on fait du mal à ceux que l’on aime. On oublie de préciser que l’on aime souvent ceux qui nous font du mal. L’histoire de cette passion amoureuse que nous conte Sylvie Aditi en est la preuve.
Antonio, artiste séduisant, talentueux, en avance sur son temps, mais aussi homme droit et juste, va être fauché, détruit, laminé en raison de l’amour passionné que Frei Sebastião, prêtre dominicain, inquisiteur du Saint-Office et peintre, lui porte.
Mais voilà que surgit un autre thème. Un thème dérangeant qui pose question : La rédemption. Quel prix un homme doit-il payer pour parvenir à se racheter des horreurs qu’il a pu commettre ? Un monstre a-t-il droit au pardon ?
Kundera avance que vivre dans un monde où nul n’est pardonné, ou la rédemption est refusée, c’est comme vivre un enfer… Dans la presque totalité de ce livre, cette terrible interrogation demeure ancrée chez le lecteur… Frei Sebastião, ce prêtre, croyant, intelligent, talentueux, instruit, amoureux, passionné… Dois-je le détester pour ce qu’il fut ou ai-je le droit de lui pardonner pour finalement parvenir à l’aimer ? À moins qu’il ne mérite son enfer éternel.
Est-ce un fanatique ? Est-ce un homme qui se trompe ? Un faible ? Une victime qui s’est fourvoyée ? Un insignifiant talentueux qu’il s’est laissé entraîner ?
Ou bien est-ce tout simplement un lâche ? Un type prêt à tout, et même au pire, pour parvenir enfin à posséder ce qu’il convoite ? L’auteure n’impose aucune réponse. C’est au lecteur de juger, de condamner ou de gracier.
Ce roman au style soigné est aussi un recueil historique, riche d’arguments, de références, de commentaires, de citations. Il est l’œuvre d’une historienne maîtrisant parfaitement son sujet.
J.B. JOUTEUR
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Merci infiniment @Jean Benjamin Jouteur pour cet article détaillé et argumenté qui reprend et développe le commentaire que vous avez fait sur mon roman auparavant et je vous en sais fort gré.
J'espère que les futures et futurs lectrices et lecteurs de mon roman saurons l'apprécier et en saisir toutes les arcanes et dimensions que vous évoquez.