Auteur
Le 03 sep 2014

Témoignage : auteur indépendant, auteur viral

Ghislain Gilberti, auteur de quatre romans et de nombreux recueils de poésie, partage son itinéraire depuis le refus des éditeurs jusqu'à la réussite. L'étape centrale : la diffusion, indépendante et innovante, de ses travaux par le secours d'internet. Près de 200 000 téléchargements plus tard, c'est l'heure d'un petit bilan au bénéfice des membres de monBestSeller. Fin du parcours ? Certainement pas !

Je me nomme Ghislain GILBERTI, j'ai bientôt 40 ans — dont quinze ans à écrire activement et trente ans à lire régulièrement. Le roman que j'ai posté sur votre site, titré Dynamique du Chaos a été, à l'époque de son achèvement, en 2002, le premier roman que j'ai estimé publiable. Pour autant, même si quelques éditeurs m'ont répondu personnellement, je n'ai eu droit, pour le reste, qu'à des lettres types. Je me suis entêté, j'ai demandé le renvoi de mes manuscrits et les ai envoyés à d'autres éditeurs, en vain. En 2004, en ayant marre que tous mes proches me disent « ton texte est une merveille » ou « je ne comprends pas comment c'est possible que tu ne sois pas édité », j'ai pris une décision radicale.

Je me suis servi des mailing-lists de pas mal de spammeurs francophones pour envoyer mon livre dans toute la France, mais aussi en Suisse, en Belgique, au Luxembourg et au Québec. J'ai demandé à tous ceux qui le recevraient de le lire s'il le voulait mais qu'ils essaient, si possible, de me le renvoyer au plus grand nombre de personnes possible. Dans l'introduction, j'expliquais les raisons m'ayant poussé à cela et j'ai demandé qu'on m'envoie sur un forum qui existe toujours et/ou par mail une petite critique.

Sans m'en rendre compte, j'avais créé un véritable Roman Viral.

Dans les premiers temps, je n'ai pas eu de réponses, alors j'ai créé une première plateforme de téléchargement gratuit. Et puis il y a eu le grand boum : des messages par dizaines au départ tous les jours, des critiques hautement positives, puis c'est vite passé de trente à cinquante messages pour en devenir une centaine quotidiens. Une poignée de personnes a joué le jeu, le livre a été chroniqué de nombreuses fois et les lecteurs ont commencé à le télécharger sur ma plateforme. Puis, certains m'ont demandé de le mettre sur tel ou tel site, si bien que Dynamique du Chaos se retrouve vraiment partout. Aujourd'hui, uniquement sur ma plateforme originale, j'en suis à plus 20.000 téléchargements, ce qui n'inclut pas la contamination par mail, bien sûr. Aujourd'hui, si vous tapez « "Dynamique du Chaos" » (entre guillemets) et le mot « roman » ou « Gilberti » (mon nom) dans une barre Google, le nombre de réponses est devenu hallucinant. Tous les jours, le nom du livre progresse, des fans ont créé un groupe « Dynamique du Chaos » sur Facebook et les critiques sont toutes fantastiques. Un fan m’a même traduit en anglais. 

Depuis, j'ai écrit un livre, Le Festin du Serpent, qui a séduit trois éditeurs : Editions Anne Carrière, Albin Michel et Le Cherche-Midi. J'ai rencontré ces personnes et j'ai opté pour les éditions Anne Carrière qui font peu de sorties mais qui les font bien. Pas mal de monde s'est exclamé : « Mon dieu ! Tu as refusé Albin Michel ! » Eh bien quand je vois le boulot que font ces derniers, qui n'hésitent pas à détruire leurs propres auteurs au profit de leurs « best-sellers » internationaux et qui noient les plus petits au milieu de géants, je suis bien content d'avoir signé chez Carrière (demandez à Aurélien Molas, auteur de La onzième Plaie chez Albin Michel, il a été à ce point étouffé qu'il a pris la décision d'arrêter d'écrire, tout simplement et tragiquement). Alors je ne regrette rien, surtout pas Albin Michel.

Parce que vous avez raison : nous sommes inondés de livres, surtout à la rentrée littéraire mais pas seulement, alors que, premièrement, les gens lisent de moins en moins, et que, deuxièmement, la crise financière qui frappe la France réduit énormément notre pouvoir d'achat. Des gens comme Amélie Nothomb (désolé pour les fans) qui a écrit quelques très bons livres au début de sa carrière et qui, aujourd'hui, vous pond un livre par an, si insignifiant qu'il donne envie de vomir, avec la régularité d'une horloge suisse, ont droit à leur sortie en grande pompe alors qu'ils écrivent de la merde, et leurs textes, qui ne doivent pas dépasser les 100.000 caractères, obligent l'éditeur à grossir la police d'écriture et à doubler les interlignes pour donner à l'ensemble l'allure d'un roman. On nous noie sous Coben, Stephen King, Ellroy, Dan Brown au point de ne plus laisser de place aux autres, et spécialement à la littérature française. 

Pas étonnant de voir fermer une chaine de magasins comme Forum et des librairies indépendantes par centaines quand on voit le consumérisme acharné proposé par les FNAC de France. Même si certains tiennent bon et savent encore conseiller leurs clients (Le Bal des Ardents à Lyon, Lucioles à Vienne, entre autres) Amazon, fnac.com et les autres sites par correspondance dictent les règles à présent. Ils provoquent, par leur mode de fonctionnement, des licenciements à tout va, des fermetures de petites enseignes (il n'y a presque plus de libraires à Besançon !) et ne mettent en avant que les gros, jamais les nouveaux auteurs comme moi. 

Mon prochain roman — Le Baptême des Ténèbres — sort le 2 octobre 2014, et je suis conscient que malgré les efforts de la maison Anne carrière (des gens compétents, humains et rassurants) je serai noyé fin novembre. Mes livres commenceront à être retournés pour être pilonnés. Ainsi va la vie, et elle est triste. Même si je parviens à vivre (ou à survivre) seulement avec mes droits d’auteur et autres primes (avances éditoriales, rachats en format poche et quelques bénéfices indirects durant les salons littéraires), j'ai du mal à joindre les deux bouts. Alors, un conseil : privilégiez les petites enseignes dans lesquelles les vendeurs savent encore conseiller, parler d'un livre avec passion, mettre en avant leurs vrais coups de cœur pour vous proposer des lectures variées. Ne commandez plus en ligne, ce sera un bon début. Pour le monopole des « best-sellers avant parution  », on ne peut qu'espérer que les choses changent au fil du temps.

Voilà mon histoire, croisée avec mon point de vue sur la question. Alors faites comme moi, confrères et consœurs du milieu de l'écriture, peu importe le style : travaillez, n'hésitez pas à prendre de folles initiatives pour le meilleur de vos textes car ils méritent d'être lus et que c'est là la voie de la réussite. Et cette réussite, si elle est rapide pour certains, talentueux et surtout chanceux auteurs, vous devrez l'arracher. Écrivez tous les jours, ne vous arrêtez jamais, ne vous découragez pas. Et puis, si au bout du compte vous n'êtes pas publiés, vous aurez été lus en utilisant la distribution gratuite. Et qui sait si, dans une centaine d'années, vous ne serez pas considérés comme auteur d'avant-garde et que les éditeurs ne s'arracheront pas le moindre feuillet de notes ;)

Je ferme sur cette lueur d'espoir en vous souhaitant la réussite et surtout du plaisir.
Codialement.

G. GILBERTI

Dynamique du Chaos

 

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Bonjour et merci pour ce témoignage intéressant et, pour ma part, motivant. Ne jamais s'arrêter d'écrire. J'aimerais pouvoir appliquer ces quelques mots mais il s'écoule forcément des périodes de temps variables pendant lesquelles écrire se révèle impossible, faute de temps. Toutefois, je suis entièrement d'accord sur le fait qu'il ne faut pas s'arrêter. Ces périodes en fait sont des sortes de pauses forcées. Je ne connais que très peu le monde de l'édition pour ne pas encore m'y être frotté directement, mais des témoignages comme le vôtre sont utiles et permettent de s'y préparer, au moins un peu. Je vais mettre la Dynamique du Chaos dans ma bibliothèque pour le lire, ce témoignage a attisé ma curiosité sur ce titre. Je vous ferai un retour quand j'en aurai terminé la lecture. Bonnes lectures et bonne écriture.

Publié le 08 Octobre 2014

Contrairement aux idées reçues, les éditions Carrière (fondés par Alain Carrière pour son épouse, la soeur de Patrice Laffont) se démarquent lagement sur les têtes de gondoles. Leurs sorties sont peu nombreuses, mais très soignées. Patrick Graham, Paulo Cohelo, Marcel Ruffo, Maud Mayeras... les auteurs du "ludus" Carrière sont invotés sur tous les plus grands salons (y compris "Quai du Polar" à Lyon qui me concerne directement parce que, pour leurs éditions, j'écris du Polar).
Les Lives de Carrière sont tous de beaux et bons livres, et si le choix de l'éditeur est de rester dans le format papier, c'est sans doute qu'Alain, 74 ans, est de la génération des vieux éditeurs. Mais il n'empêche pas ses auteurs de publier certains textes qui n'entrent pas dans sa ligne éditoriale en ligne ou sur les réseaux sociaux.
Bref, je glorifie sans doute la Maison Carrière parce que je me sens entouré et soutenu, chose que je n'aurais pas si j'avais signé chez Albin Michel.

Publié le 05 Septembre 2014

Et merci à Hubert pour son esprit ouvert : je pense que mes polars vous plairaient d'avantage que "Dynamique du Chaos". Je vais d'ailleurs m'empresser de lire les votres.

Publié le 04 Septembre 2014

Loin de moi l'idée de mettre en doute la qualité littéraire des oeuvres éditées par Mme Carrière (au contraire) mais, si j'en crois son site web, elle semble avoir fait le choix de l'édition 100% papier. Dommage dans le cas d'auteurs difficiles à faire mettre en têtes de gondoles. Les parutions numériques permettant plus de souplesse et étant moins coûteuses elle devrait peut-être se pencher sur le sujet.

Les maisons d'édition, et spécialement les petites, n'arrivent pas à comprendre que leur valeur ajoutée est dans leur oeil, leur capacité à choisir des bons livres, des auteurs neufs et/ou différents, etc. . Pourquoi vouloir rester des imprimeurs améliorés alors qu'ils ne sont clairement pas ça ?

 

Publié le 03 Septembre 2014