Dans votre bio, vous dites votre passion de la photographie, votre amour de Montmartre, l'admiration que vous portez à la Résistance. Pour votre 1° roman, comment avez-vous choisi de le situer dans cette période d’occupation ?
Pascal Mary : Ce n’est pas le roman qui m’a poussé à choisir la période de l’Occupation mais l’inverse ; je me suis lancé dans l’écriture parce que je désirais m’exprimer sur cette période sombre et cruelle de notre histoire. Ce livre a été pour moi l’opportunité d’évoquer le courage et le sacrifice de tous ces jeunes résistants qui prirent les armes contre les nazis. La découverte de la Shoah lors d’une émission des dossiers de l’écran m’avait profondément traumatisé dans ma jeunesse,
à travers le destin tragique de deux familles imaginaires. Le romantisme exacerbé de mon adolescence s’est retrouvé dans la romance vécue par Jean et Claire au pied du Sacré-Cœur. Au fil des pages, j’ai exprimé également ma passion de l’image et ma nostalgie de l’argentique par le biais d’une dynastie de photographes montmartrois.
Votre récit est très documenté sur l’occupation et la résistance. Comment avez-vous travaillé pour retraduire ces faits ?
Pour écrire ce roman, il m’a fallu plus de deux ans notamment en raison des importantes recherches historiques que j’ai menées pour donner une crédibilité au récit de Jean. De l’arrivée des nazis à Paris, en passant par la tragédie de la rafle du Vel’ d’hiv’ ou du retour des rescapés des camps, j’ai lu des dizaines de témoignages pour m’inspirer de ce que ces personnes avaient alors vu et ressenti. Les archives cinématographiques de l’époque m’ont permis d’immerger mes lecteurs au cœur d’événements qui se sont réellement produits comme cette descente à ski des escaliers du Sacré-Cœur tirée des actualités de mars 1941. Les photographies de l’occupation furent fréquemment exploitées en les faisant littéralement traverser par mes héros. Pour la première séance de cinéma au Louxor, j’ai retrouvé la programmation des films de la semaine concernée ! La météo ne fut pas oubliée, contrôlée au jour le jour, elle me permit, par exemple, de découvrir qu’il ne neigeait pas le jour de la Saint-Valentin de l’année 1943 dont l’hiver fut l’un des plus doux du siècle.
Il y a beaucoup de personnages dans votre roman. Leurs personnalités, leurs rôles, sont très bien définis. Comment avez-vous procédé ? Comme d’autres éminents écrivains, vous aviez un cahier où chacun avait sa « fiche » descriptive ?
Les personnages sont venus naturellement au fil de l’histoire et de mon imagination. Dans le choix des noms comme des prénoms, j’ai voulu rendre hommage à des gens que j’ai beaucoup aimé, à des personnages de roman (Javert le policier, Tenard la concierge, le général de Pardaillan, etc…) mais également à des héros de la Résistance comme les adolescents de l’Affiche rouge. Le seul carnet que je possède est celui qui me permettait de reporter les idées qui me venaient à l’esprit dans la journée et que je craignais d’oublier le soir venu.
C’est votre 1° roman. Mais combien de manuscrits avez-vous écrit avant d’aboutir à ce récit ?
Aucun ! Le roman est né d’un défi lancé par le compagnon de ma fille, journaliste et écrivain, de mettre en pages une idée de roman qui m’était venue au cours d’une discussion. Avant de me lancer dans ce véritable challenge, je n’avais jamais dépassé plus de dix pages à gros carreaux dans une dissertation au lycée !
Vous êtes photographe et vouez un immense respect à Doisneau. En quoi diriez-vous que cela influence votre manière d’écrire ?
D’après certains de mes lecteurs, ma façon d’écrire serait assez « visuelle » avec des descriptions qui, sans être trop longues et rébarbatives, permettent de bien imaginer la configuration et l’atmosphère des lieux où se déroule l’action. Cela provient certainement de ma culture photographique qui était jusqu’à ce roman, mon principal moyen d’expression. Ce souci de décrire avec précision l’environnement où évoluent mes personnages aurait pu me nuire ; sur les conseils de mes fidèles correctrices, mes premiers chapitres furent sensiblement allégés.
Le piano tient une place importante dans ce récit d’amour. Claire dit ses sentiments à Jean en lui écrivant des partitions. Qui ou qu’est-ce qui vous a inspiré ?
Si je possède quelques dispositions pour le dessin et la photographie, je n’en ai aucune pour la musique. Pourtant j’aurais rêvé jouer du piano, exprimant mes sentiments et mes émotions en effleurant les touches de son clavier ; hélas, je n’ai aucune oreille musicale. A l’origine, Claire devait tenir un simple journal intime dans lequel, elle relatait fidèlement la magnifique romance vécue avec Jean. Cela m’a paru bien peu original, c’est alors que m’est venue l’idée de cette partition musicale dont chaque note serait l’écho fidèle des battements de cœur de la jeune pianiste.
Le pont des arts, également, joue une place importante dans votre récit. Comme d’ailleurs, dans le roman qui a été sélection de juin. Le pont des arts à Paris est-il un incontournable lieu de sentiments ? Comme le Pont des Soupirs à Venise ? Ce n’est pas un peu cliché ?
En 1942, la communauté juive se voit interdire l’accès aux parcs, jardins, théâtres et cafés ; Jean et Claire trouvent refuge sur un pont pour vivre leur amour et se faire mille serments. Celui du Pont des Arts me paraissait le plus adapté de part ses dimensions modestes et sa relative tranquillité. De plus, je le connais bien pour y avoir surpris et immortalisés des couples d’amoureux venus des quatre coins du monde. Son tablier de planches et ses bancs ont beaucoup de charme, je regrette les forêts de cadenas qui mettaient en péril son parapet mais donnaient une touche romantique à l’endroit. Pour finir, les vues qu’il offre sur l’Ile de la Cité et la Seine sont tout simplement magnifiques.
On dit que les auteurs écrivent ce qu’ils aiment lire. Quels sont les livres qui ont le plus compté pour vous ? Les relisez-vous parfois ?
Terre des Hommes et Vol de nuit d’Antoine de Saint-Exupéry ! A plusieurs reprises, je rends hommage à cet auteur notamment dans la scène où Jean, rescapé de la Shoah, raconte l’histoire du Petit Prince à une fillette allemande dont le père, pilote de la Luftwaffe, est disparu en Méditerranée.
Un des commentaires qui vous a été fait dit qu’il faut lire votre roman jusqu’à la dernière ligne. Connaissiez-vous cette fin dès la première ligne ?
En aucun cas ! L’idée du dénouement étonnant de ce roman m’est venue dans la dernière heure de son écriture ; cela m’a contraint à remanier un chapitre au cœur du livre pour y préparer le lecteur.
Comment êtes-vous arrivé sur monBestSeller ? Pourquoi cette démarche ? Qu’en attendez-vous ? Que vous a-t-elle déjà apportée ?
Au vu de l’enthousiasme de mes premiers lecteurs, j’étais persuadé naïvement que trouver un éditeur serait un parcours de santé. Comme 99,99 % des écrivains d’un premier roman, mon manuscrit a été refoulé par les maisons d’édition contactées. Le bouche à oreille dont j’espérais bénéficier n’a pas fonctionné et le volume de mes ventes est resté confidentiel. Le plus important pour moi n’était pas de gagner de l’argent mais d’être lu par le plus grand nombre.
Ce que je me suis empressé de faire et je ne suis pas déçu du résultat. En moins de trois semaines, mon roman a été téléchargé plus de 700 fois alors que je n’ai vendu que deux cents livres papier au cours de ces deux dernières années. La version que j’ai mise à télécharger est intégrale ; Tel une bouteille à la mer, mon PDF vogue désormais vers les rivages d’autres lecteurs inconnus qui, je l’espère, me feront peut-être signe un jour.
Les auteurs viennent rencontrer leurs lecteurs sur monBestSeller et profiter de leurs commentaires. Diriez-vous que la lecture leur confère un pouvoir sur vous les auteurs ?
Depuis la sortie de mon roman en 2016, j’ai eu la chance de ne recevoir que des avis positifs et enthousiastes de mes lecteurs. Ceux-ci m’ont motivé dans l’écriture de la suite de la Partition de Claire. Si l’accueil de mon livre avait été négatif et que pleuvent des critiques vitriolées et assassines, j’aurais certainement cessé d’écrire.
Au fil des pages de ce site, j’ai pu lire des remarques constructives et encourageantes pour les écrivains mais aussi des commentaires méprisants et destructeurs. Je pense que tout auteur, quelque soit son talent, mérite le respect pour le travail et les sacrifices que demande l’écriture d’un roman mais aussi pour le courage dont il témoigne en soumettant ses pages à l’appréciation des lecteurs.
Que vous inspire d’être élu Sélection du mois et ainsi nominé au Prix Concours de l’Auteur Indépendant 2017 ?
Après la chance qui m’a été offerte de figurer à la une de votre site, cette Sélection du mois et cette nomination au Prix Concours étaient totalement inespérées et je vous en remercie du fond du cœur.
Elles me font oublier la déception et l’humiliation des réponses stéréotypées, souvent photocopiées et non signées que m’adressèrent les maisons d’édition.
En cette soixante-quinzième commémoration de la rafle du Vel’ D’hiv’, je dédie modestement cette reconnaissance à Marie, Adèle et tous les autres enfants juifs déportés et assassinés à Auschwitz.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Delphine ROBIN
Elle s’appelait Sarah est un excellent roman et son adaptation cinématographique est une réussite. Si la Shoah est un sujet particulièrement délicat et douloureux à traiter, j’ai tenté de le faire avec pudeur et sans être larmoyant. Mais ce n’est pas, contrairement au magnifique roman de Tatiana de Rosnay, le sujet principal de ce livre qui est l’évocation d’une belle histoire d’amour entre deux êtres d’exception décidant de prendre les armes contre l’occupant du haut de leurs quinze ans. Vous pleurez sans doute (je ne peux pas vous mentir) mais je suis également certain que vous partagerez leur bonheur, leurs rires, leurs rêves, leur colère et leur chagrin. A travers ce livre, j’ai voulu avant tout traduire le romantisme exacerbé qui était le mien quand j’étais adolescent.
Depuis octobre dernier, je travaille comme un forcené sur l’écriture de la suite de la partition de Claire. La majeure partie de mes congés a été consacrée à l’écriture pour essayer de tenir le challenge que je me suis fixé d’une publication en novembre. Cependant, et comme je lui avais promis, j’ai pris le temps de lire le roman d’un des auteurs de monbestseller.com. Marty prendra la suite et je ne manquerai pas de vous faire part de mes commentaires.
Félicitations pour votre propre nomination au Prix Concours de l’Auteur Indépendant 2017 !
Bien amicalement.
Bonjour @Mary Pascal, et félicitations pour cette nomination. peut être aurais-je le privilège de vous voir bientôt. Je mets votre oeuvre dans ma bibliothèque et m'y atèle dès que je termine celui en cours. j'emploie "atèle" car c'est un sujet sensible que vous traitez. J'ai un jour eu entre les mains, le célèbre Tatiana de Rosnay, Elle s'appelait Sarah... J'ai tellement pleuré que j'ai banni ce sujet difficile. Alors, c'est avec un mélange d'impatience et de crainte que je lirais le votre, mais je suis persuadée d'en être conquise au final. Delphine
@lamish
J’espère que mon roman sera à la hauteur des espérances que l’interview a fait naître en vous ! Merci d’avance du temps que vous consentirez à sa lecture. Jean et Claire représentent, au travers de leurs personnages respectifs, tout le courage, l’idéalisme et l’abnégation des adolescents qui prirent les armes contre l’occupant et le payèrent de leur sang et de leurs larmes. Un extrait de mon roman qui me tient énormément à cœur et que j’ai écrit en hommage à tous les amants tragiques de l’Armée des ombres :
« L’amour, quand il unissait deux membres de l’armée des ombres, se devait d’être vécu pleinement et intensément au présent. Le futur était bien trop incertain pour attendre un seul jour pour se donner l’un à l’autre. Je t’aimais hier, je t’aime aujourd’hui, mais demain peut-être, dans les fossés du Mont Valérien, je te quitterai à jamais en criant ton prénom. En ces temps troublés et sous les balles allemandes, trop d’amours éternels se firent éphémères. Claire et moi-même étions parfaitement conscients des risques que nous prenions ; ils nous exposaient à une arrestation, à la torture, à une exécution sommaire ou à une déportation sans retour. »
@Michel CANAL
J'espère que mon roman sera au niveau de vos attentes ! J'ai vraiment fait tout mon possible pour
lui assurer une crédibilté maximum renforcée par l'incorporation d'anecdotes de mes parents vécues sous l'occupation (la mort du poupon ou bien le sabotage des trains par exemple). Certains de mes premiers lecteurs étaient persuadés qu'il s'agissait des mémoires de mon propre grand-père que j'aurais un peu romancées.
Félicitations pour cette nomination @Pascal Mary, et pour la qualité de vos réponses aux questions de mBS. Je vais faire tout mon possible pour grappiller le temps nécessaire à la lecture de "La partition de Claire" (un prénom qui m'est familier, aussi auteure d'un Journal intime et pianiste... mais qui n'a rien à voir avec votre histoire). Avec toute mon admiration pour votre travail.
@Ivan Zimmermann @Dany Boutigny
Merci pour vos commentaires et félicitations, j'espère que vous ne serez pas déçus par la lecture de ce roman.
Bien amicalement.
Bravo pour cette nomination, cette interview m'a donné envie de découvrir votre roman.