Les années cinquante, avec les meurtrissures de la guerre sont encore présentes Il fallait reconstruire une société nouvelle.
Dans les années soixante, si les blessures de la Seconde Guerre étaient pansées, une autre commençait, celle du Vietnam. Avec elle toutes ses chansons de contestation, Bob Dylan, Joan Baez... et la littérature qui l'accompagne.
Dans les années soixante-dix, l’érosion de la morale chrétienne et la conquête de liberté ont modifié les mœurs. La contestation s’épuise avec la renaissance d’un sentiment patriotique.
On lisait Sagan pour ses romans sulfureux et Sartre pour sa philosophie perturbante, mais également (pas les mêmes) « Salut les copains et mademoiselle âge tendre ».
Je ne sais si de nos jours le nom de Sagan fait rêver, mais celui de « Salut les copains » le fait encore, plus de soixante ans après. Pourtant il ne s’agissait nullement de « monument culturel ».
On lisait de même des photo-romans (d’amour), un produit méprisé par les littéraires (une sorte de bandes dessinées mise en photos). Les histoires qu’on y racontait étaient en général très simples, un homme aime une femme et vice versa. Ces photos-romans d’amour ont appris aux hommes une forme de respect des femmes. Les femmes sussuraient des mots doux, alanguies et inquiètes. Si par un pouvoir magique on pouvait imprimer toutes ces déclarations d’amour, on aurait une formidable œuvre naïve, pas très littéraire, mais témoignage d’une époque. Adamo ne chantait-il pas « quand les roses fleurissaient, sortaient les filles »
Les années soixante ont marqué des hommes et des femmes à jamais et rare ceux et celles de cette époque qui peuvent écouter Donovan et Joan Baez chanter en duo "Colors" sans verser une larme.
Les raisons pour lesquelles une œuvre connait un succès phénoménal est assez déroutant et traduit probablement l’emprise de l’événement historique ou de l'environnement sur les esprits. On ne peut expliquer cela par la seule beauté de la l’œuvre.
La chanson « Sombre dimanche » marqua la société de 1930, à tel point qu’on l’interdît, car on a craint qu’elle ne pousse les gens au suicide. Elle est retombée dans l’oubli à l’inverse de Lili Marlene presque contemporaine, qui a survolé les époques.
Quelle fut la littérature de cette période et dans quelle mesure a t-elle contribuée à cette dépression collective ?
Le succès du livre de John Steinbeck « les raisins de la colère », des chansons de Woody Guthrie " I ain't got no home"de Hezekiah Jenkins,"The Panic Is On Lyrics", du film « Notre pain quotidien », sont en fait un aperçu de ce que furent nos « parents », et de ce qu'ils vécurent. Ces œuvres parmi tant d’autres, nous apprennent que lecture, cinéma et chansons ne peuvent être dissociés.
Peut-on affirmer qu’un premier succès assure les suivants ?.
Les Beatles connaissent un succès depuis des décennies pour leurs chefs d’œuvre : Yesterday, Penny lane, For no One, Eleonor rygby, et tant d’autres. On a occulté le moins bon.
Dans les années soixante, on a conçu un groupe de façon artificielle, les Monkees avec leur chanson "I’m Believer." Cette chanson rencontra un succès eternel, malgré le fait que ce soit un pur produit fabriqué. Ce produit devient une marque. Même si ce fut l’unique.
En littérature malgré le succès de « Vipère aux poings », les autres livres d’Hervé Bazin restèrent dans l’ombre.
Les Moody Blues, les Procol Harum ont connu le succès par une unique chanson. Sans suite. Qualité artistique unique d’artistes dans un espace temps limité.
Les succès de certaines œuvres, et leur consécration viennent aussi des phénomènes de mode bourgeois et petit bourgeois, et du prisme de l'éducation. Dans les années soixante, le phénomène des bibliothèques en bois que l’on trouvait dans les salons de beaucoup de foyers, dominait. On y mettait des livres classiques « Tolstoï, Dostoïevski », à côte des disques 33 tours, en général les neuf symphonies de Beethoven, et de l’encyclopédie. Mais on lisait peu ces livres, pas plus qu’on n’écoutait ces Symphonies. On se contentait de les admirer, de les montrer, dans leur belle robe en simili cuir et en écriture dorée. Cela faisait partie d’un « must have » qui parait à notre époque désuet,
Concernant les livres dits d’auteurs (Flaubert, Stendhal, etc..). On pourrait même supposer qu’ils sont maintenus en vie par une institution quasi-ecclésiastique, dont l’Académie française est le clergé, le prix Goncourt la canonisation et la béatification par le Nobel.
Les professeurs qui nous expliquent avec ardeur les pensées d’un auteur, ne sont-ils pas en réalité les curés de cet ordre ? Le fait que ces œuvres fassent obligatoirement partie du programme scolaire n’est-il pas une forme de prosélytisme à peine déguisé ?.
Durant la première moitié du siècle dernier au USA , on lisait énormément de magazines à bas prix dont le papier était de qualité médiocre. Parmi ces magazines on peut citer le mythique "Weird Tales" avec ses couvertures explicites. Un genre d’écrits que l’on pourrait qualifier de sous littérature populaire.
Toutefois le succès de nos jours de Lovecraft qui rappelons-le, ne publia en dehors de ce magazine, aucun roman de son vivant, est criant. Cet auteur est devenu un mythe et son immense talent reconnu internationalement. On peut également citer parmi les auteurs de cette revue, Asimov, Philip k Dick, Robert E Howard (auteur de « Conan le barbare »), Arthur C. Clarke.
Mussot, Levy et les autres ne sont que les descendants de Guy Descars qu’on surnomma à l’époque de façon désobligeante « Guy des Gares ».
Qu’en est-il de Guy Descars de nos jours. Apparemment il suscite encore quelques nostalgies chez des lecteurs qui le proposent dans les sites spécialisés, mais il s’éteint doucement.
Le succès Mussot et Levy est là, mais la perennité de leur succès et leur valeur populaire est à juger sur le long terme.
Leurs livres sont-ils en accord avec notre société ? Un observateur pourra-t il juger notre époque en se basant sur leur écrit ? Réponse délicate car notre société semble traverser une mutation lourde et chronique dans la façon de lire et écrire. SMS, Whatsapp, Facebook… brouillent les messages.
En contrepoint, il serait intéressant d’évaluer le succès des livres écrits par les stars de la télévison : Teulé, Laborde, etc. Quel impact ont laissé ces auteurs sur leur lecteurs ?
Tout semble montrer qu’ils sont sur les voies de l’oubli.
Emile zola a dit à propos du succès des livres de Jules Vernes, " Les alphabets et les paroissiens se vendent eux aussi à des chiffres considérables." Il y a quelques décennies, à la sortie de "Rocky" un critique marocain eut ce commentaire. « Film médiocre pour spectateurs médiocres ». Quelques autres décennies plus tard, ce film « médiocre » est devenu "culte". J’ai apprécié Rocky à l’époque et je l’apprécie encore.
Ce critique a commis une erreur de jugement fréquente, celle de considérer les spectateurs comme une extension de lui-même. Il faut se garder de pareille erreur dans la critique des œuvres littéraires et conserver une modestie. Le succès et les échecs sont indépendants des critiques. Tous les gôuts sont dans la nature, même les plus innatendus.
L’auto-édition est un phénomène récent avec cette espérance : un rapprochement des pensées, une communion, un partage de tous ceux qui n'ont pas accès à l'édition..
Promesse qui ne fut pas tenu par la télévision. Tam Tam des temps modernes disait-on d’elle. Ce ne fut qu’une triste illusion, car quelques décennies après, la télévision contribue plus au cloisonnement des sociétés, qu’à leur raprochement.
Ce n’est pas la recherche du succès facile et éphémère des auteurs auto édités qui inquiète, c’est la somme toute une espérance bien humaine. Ce qui fait peur c’est que l’autoédition ressemble aux réseaux sociaux, c’est-à-dire à un spectacle pas toujours réjouissant ni glorieux. Ce qui terrorise, c’est qu’elle contribue comme la télévision, plus à la séparation des sociétés qu’à leur rapprochement.
Après toutes ces années que reste-t-il de mes lectures ? Comment concilier tout ce que j’ai aimé sur des periodes distinctes. Je lis un Conan Doyle ou un Exbrayat avec plaisir. Je lis ces œuvres par attachement et affection. Je ne lis pratiquement plus les œuvres dites littéraires. Et quand c’est le cas c’est géneralement par nécessité. Mais j’ai également envie de lire un une bande dessinée de Pim Pam Poum.
Pourtant je ne le fais pas, car j’ai peur que l’un ne fasse plus chavirer mon cœur, et l’autre ne plus me faire rire aux éclats. Car si c’était le cas cela me ferait mal.
Abdesselam Bougedrawi
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Il y en a pour dire que les auteurs dont on se souviendra sont ceux qui auront dépeint une époque à l’instar de Virginie Despentes ou Michel Houellebecq. A part ça, les auteurs sont trop nombreux de nos jours (idem sur le plan musical) il n’est donc pas sûr qu’ils soient nombreux à connaître la postérité… quant à ceux qui ont du succès, leur succès durera le temps de la vie de leurs fans…