Le docteur Spak salua ses clients.
— Mme et Mr Caldon, quel plaisir de vous voir.
Robert Caldon sourit.
— Merci docteur Spak de nous avoir acceptés. Ma femme, avec son naturel anxieux ne voulait accoucher que dans un établissement de grande renommée.
— Je vous remercie du compliment. Je suis sûr, Mme Caldon, que vous allez mettre au monde un des plus beaux et des plus robustes enfants que nous ayons eu ici depuis longtemps !
— N’exagérez pas docteur, répondit Patricia Caldon en rougissant.
— Pas du tout. Nous vous avons suivis attentivement tous les deux. Tous les atouts sont réunis pour que vous ayez un enfant magnifique.
Le docteur voulut rajouter quelque chose, mais un cri perçant retentit de l’autre côté de la porte. Dans le couloir une jeune femme s’agitait. Elle serrait convulsivement un bébé dans ses bras en criant.
— Ce n’est pas mon enfant. On me l’a pris !
Le docteur Spak s’approcha, et eut un effet calmant immédiat sur la femme. D’une voix douce, il demanda :
— Mais qu’y a-t-il Mme Martin ?
— Ce n’est pas mon bébé, ils me l’ont volé, ils l’ont changé !
— Mais qui ça « ils » ? Qu’est-ce que vous racontez ?
— Je sais, je le sens. Ce n’est pas mon bébé !
— Allons, Mme Martin, ce n’est qu’un cauchemar, ne vous inquiétez pas. Rentrez dans votre chambre, reprenez vos esprits, ça va passer.
La jeune femme se laissa emmener et le docteur Spak rentra dans son bureau. Il avait repris son air radieux, l’incident ne semblait pas l’avoir affolé. Patricia avait blêmi.
— Quelle histoire ! dit-il, ça arrive parfois juste après l’accouchement. Des choses bizarres, comme le rejet de l’enfant, des angoisses qui ressurgissent. Mais c’est passager.
Il partit d’un rire franc et bon enfant.
— C’est tout de même incroyable. Qu’un père doute que l’enfant soit de lui, passe encore, mais une mère… !
La plaisanterie fit rire ses interlocuteurs, qui se sentirent plus détendus.
Pour Patricia et Robert, l’accouchement fut un grand moment, malgré une petite complication. Juste après sa naissance, le docteur Spak dut mettre le nouveau-né – une fille – sous oxygène. On ramena Patricia dans sa chambre avec Robert. Le docteur Spak et une infirmière revinrent peu de temps après avec l’enfant.
— J’ai eu un peu peur, confessa le docteur, votre petite a eu quelques difficultés respiratoires en sortant, mais c’est fini maintenant, elle se porte comme un charme. Tenez, prenez-la.
Patricia, radieuse, tendit les bras vers sa petite fille. Elle la trouva si petite, si chétive ! Elle sourit à Robert.
— Regarde, c’est trop incroyable !
Le docteur Spak sortit en souriant, seule l’infirmière resta.
— Pour cet événement, je t’ai prévu une surprise, annonça Robert. Dès que tu seras sortie, je t’emmène dîner chez Rivalto.
Patricia resta bouche bée.
— Mais tu es fou ! C’est le restaurant le plus cher du pays !
— Mais aussi le meilleur ! Le repas qu’on y fait laisse un souvenir pour la vie. Nous le raconterons à notre petite, plus tard.
— Mais nous n’avons pas les moyens ! Déjà cette clinique…
— Ne t’inquiète pas. Le docteur Spak m’en a parlé il y a longtemps, il m’a arrangé ça. Le chef cuisinier est son propre frère. L’idée m’a séduit et voilà !
L’infirmière, qui avait suivi la conversation, intervint à son tour.
— Moi aussi, le docteur m’a permis d’y aller avec lui ! C’était juste après mon accouchement. Ce n’est pas courant, n’est-ce pas ?
L’infirmière renversa sa tête, comme si elle rêvait.
— L’endroit est sublime, trouver des mots pour décrire le repas est impossible ! Le chef cuisinier est sans doute le plus grand génie qu’ait jamais connu l’art culinaire et il ne dévoile jamais ses secrets. Il n’y a qu’un menu et on ne vous dit pas ce que l’on vous sert. Les mélanges sont tellement subtils qu’on distingue à peine les ingrédients dans les plats. Mais c’est de la viande en grande partie, on sait que c’est sa spécialité, qui le place au plus haut niveau. Mais on la sent à peine… ou alors trop. Comment dire ? C’est tellement exceptionnel ! Il cultive ses légumes dans un lieu spécifique, que personne ne connaît. C’est pareil pour les viandes. Il paraît qu’il a son propre élevage, caché dans une montagne, qu’il nourrit à sa manière, avec ses secrets. Mais que c’est bon, que c’est bon !
Elle s’arrêta.
Patricia serra un peu plus fort sa petite fille sur son ventre. L’infirmière reprit :
— Je me demande vraiment comment il fait pour avoir une viande aussi succulente !
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@christian vial , j'aime beaucoup Maurice Leblanc et surtout Arsène Lupin, mais je ne suis pas assez connaisseur (et j'ai un peu oublié !) pour savoir si les dialogues sont si distinctifs !
@bahloul Merci bien. Effectivement, le récit mène vers une interrogation inattendue qui peut faire frémir d'horreur, mais rien n'est explicite !!!
@Jean-Louis Ermine, à ce sujet, j'aime beaucoup les dialogues de Maurice Leblanc, ce sont d'ailleurs de loin mes préférés...
@christian vial
Merci Christian. Certains utilisent le texte pour définir une ambiance, c'est vrai que je préfère les dialogues !
Bravo @Jean-Louis Ermine. Adroitement et intelligemment mené jusqu'au bout et jusqu'au but: ressentir les frémissements de l'horreur.
Félicitation pour vos dialogues @Jean-Louis Ermine ! Vifs et au scalpel !
@Camille St-Hilaire4, merci Camille. L'angoisse vient de ce qui est caché, pas de ce qui est montré. J'aime le style élusif, et non pas le style gore !
@Jean-Louis Ermine
Bravo Jean-Louis! Ce que j’aime surtout c’est le non dit car c’est juste assez pour titiller notre imagination et l’orienter vers l’horreur.
@Marie-Alix Ravel, merci beaucoup. On est souvent fasciné par les belles choses. Mais les choses horribles ont parfois le même effet !
@jenie, merci Tatiana. En fait, je n'ai pas pensé à un roman. Difficile à développer l'idée de la nouvelle. Mais dans le style d'un film d'horreur, pourquoi pas ?
@Jean-louis Ermine. Bref mais intensément glaçant dès le début. Malgré cela, je n'ai pas pu m'empêcher de lire jusqu'à la fin... Bravo.
Bonjour @ Jean-Louis Ermine,
Waouh! C'est ...terrifiant! J'ai bien aimé. Excellente histoire. Bien écrit.
Y aurait-il une suite? Elle passerait bien en roman.
Au plaisir de vous lire.
@Fanny Duchon Allard, Merci Fanny. J'espère quand même ne pas vous avoir trop perturbée !
Perturbant. J'aime bien
@Michel CANAL, merci Michel. Effectivement, il ne faut pas l'admettre, c'est une vraie histoire de fiction... Du moins espérons le !!!!!!!
@Jean-louis Ermine, une réponse au thème d'écriture "Rien ne s'est passé comme prévu" effectivement terrorisante si j'ai bien compris. Peut-être plus facile à comprendre qu'à admettre.
Une certitude, c'est bien écrit.
Avec toute ma sympathie. MC