Ne pas faire mal.
Surtout ne pas faire de mal !
Ne blesser la vie de personne, les sentiments d'aucun cœur, la sensibilité d'aucune âme.
Ne pas mettre les mots dans le plat.
Ne pas lui planter un roman dans les tripes.
Ne pas être impudique.
Ne pas mettre à nu ou remettre à vif des souvenirs et des phrases, des gestes, des gifles et regards refermés, sagement ou violemment rangés sous des piles de silence, des couches de petits arrangements de conscience, l'épaisseur impalpable des non-dits qui insonorisent les souffrances et les manques de la vie.
Des images oubliées sous le poids des baisers, des années et des tonnes d'amour, d'attention, de fous rires éclatants aussi.
Ces millions de contacts, de moments de complicité de chair et de sang, tant d'intimité partagés jusqu'à l'ADN, jusqu'à l'infini.
Ne pas foutre tout ça en l'air !
Ne pas rouvrir les veines de la joie de vivre ni du chagrin, du besoin, d'une colère que l'on a dans le fond et le temps habilement cautérisés, ou préférés laisser couler.
Ne pas rompre cette paix, cet amour que l'on a quelque part mais profond dans la peau.
Ne pas trancher ces liens d'où l'on vient qui nous tiennent ou retiennent, nous enlacent ou entravent, nous animent ou nous tuent depuis le début un peu trop.
Ne pas dire ces choses, encore moins sur papier où elles seront gravées comme autant de gros mots et de coups de couteaux.
Ne pas remuer la peine.
Encore moins celle de ceux que l'on aime, quitte à rester en veille, voire s'éteindre, disparaître. Quitte pour toujours à se taire.
Et préserver ainsi la vie en n'écrivant pas la mienne.
En restant discrète, muette devant le danger invincible alors pour moi de gêner, de heurter, de déplaire. En n'écoutant pas cette envie évidente pourtant de passer du scénario au roman. De panoter du cinéma aux livres. De sauter dans le vide, mais dans l'authentique, plus tranquille, plus vivante et plus libre.
Puis au bout d'un an à rester bien sage, invisible, interdite. A censurer chacune de mes pensées, chaque départ de chapitre s'écrivant malgré moi dans ma tête, la moindre petite braise, la moindre petite ligne.
Après un an à avoir peur et à en être triste. A déambuler dans les librairies, à voir le monde entier écrire, sourire, tout permis, trop facile ! Un an à protéger une idée du bonheur tandis que mes proches, à ma grande surprise, me demandaient sans arrêt où j'en étais de mon livre ?!...
J'ai craqué.
J'ai osé.
J'ai franchi mon idée du danger et tapé les phrases, puis les paragraphes, puis les chapitres qui s'étaient effacés pour moi mais incomplètement, sur un coin de clavier.
Je me souviens de l'instant où j'ai décidé physiquement d'écrire "A l'instant même où l'on bouge". En même temps que je traversais mes inhibitions je traversais la rue, mon ordinateur dans mon sac, pour aller écrire dans ce pub irlandais juste en face. Une fois callée comme cachée dans l'un de leurs grands canapés Chesterfield, tranquille, vivante mais encore très fébrile, j'ai moi-même été traversée par trois sentiments venus de nulle part. Trois antidotes anti-peurs ou anti-jugements venues me rendre grâce, au cas où je rebrousse chemin et reparte pour un an de mutisme à admirer les autres vivre et écrire à ma place.
D'abord j'ai réalisé que je me moquais de savoir si un roman était autobiographique ou pas. Que nous étions sans doute des milliers de lecteurs à déambuler dans les librairies dans ce cas. A simplement acheter un sujet, une histoire, son éventuelle et touchante résonance avec la notre à ce moment-là, que son auteur.e l'ait vécue vraiment, un peu, beaucoup ou alors pas du tout.
Qu'il avait un monde entre raconter et se raconter. Un monde d'auteur.e.s, de tons et nuances où il est possible d'écrire sans crier, de toucher sans cogner, de s'offrir sans s'étendre.
Puis j'ai fait le point sur mes émotions, sincèrement vérifié pour pouvoir accepté, rassurée, qu'elles n'étaient muées par aucune revanche, besoin de reconnaissance ou de clarification, de faire mouche ou faire mal, mon cauchemar, de donner une leçon. Aucun autre besoin que celui d'écrire et sourire à mon tour. De transmettre cette histoire qui murmure que d'où que l'on parte, on a tout et on y arrive toujours.
J'ai soudain fait confiance à mes intentions, mis en veille le danger une bonne fois pour toutes, et garder pour moi que l'amour.
Que chacun est grand et peut, doit bien souvent, agir sur ce qu'il ressent. La manière dont il reçoit, perçoit, dont il lit ou entend. Dont il choisit de prendre, de souffrir ou s'en foutre, de rire ou de s'irriter, de comprendre. Et que ce monde-là intérieur et imprévisible, propre et tellement sensible ne m'appartient pas. Chacun est libre de faire ce qu'il veut ou pourra de mon livre. Moi je ne peux que tout faire, sincère, pour qu'il s'y sente accueilli, dans mes mots comme chez lui.
Il y a quelques jours mon éditeur Renaud Delourme me demandait, puisque nous préparons sa sortie, quelle part de mon roman était autobiographique. Une question, LA question que j'aurais redoutée avant, que j'aurais entendu me rappeler en hurlant à travers les tympans "Ne pas faire mal ! Ne pas être impudique !!". Mais à laquelle je me suis vue répondre doucement : Les émotions.
Car ce sont bien avec elles, et avec leurs copines mes intentions, que tout bêtement j'écris.
Et ce sont bien elles je crois, je crois que je peux vous le confier ici, que j'ai retrouvées remisées, précieusement empilées en trois exemplaires de mon roman dans sa première version papier, dans les poches du fauteuil médical où ma mère passait dernièrement ses journées, puis en trois autres exemplaires planqués sous le lit de mon père que comme elle je viens de perdre, tous deux dans un mouchoir de temps entre l'été et l'hivers.
A cet instant, de rangement, de gifle de la vie, de souvenirs et de phrases, de gestes et regards s'écoulant sagement dans mes veines jusque dans mes larmes, face à ces piles de silence, ces tonnes de baisers, de contacts, ces années d'ADN de tendresse partagées désormais infinies, la peur et le mal se sont définitivement transformés en amour.
Aujourd'hui je sais que je peux écrire sans danger, sans me gêner, me cacher, ou alors avec eux, mes grands personnages, la source intarissable de mes émotions comme de mes histoires, que je le veuille ou non mes complices, mes héros et mes héroïnes pour toujours maintenant assis à mes côtés dans mon vieux canapé Chesterfield.
Aujourd'hui je sais qu'écrire est ma manière d'aimer, de le crier, leur redire. Et par la même intention de faire qu'on continue tous ensemble, tout permis, trop facile, de vivre.
Vera Seret
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
UN sincère merci chère @MURIEL LAROQUE pour votre touchant message. Vous m'envoyez profondément heureuse si mon petit retour d'expérience a pu servir la votre.
Je crois en effet que ce qui s'écrit, se transmet, se ressent entre être humains sont avant tout les intentions. Et que quand elles sont positives, elles passent, elles parlent, elles apaisent ou aident même.
C'est moi qui suis curieuse de découvrir votre premier roman et jeté dans le vide... tellement plein d'émotion en vrai ! ;-) Bonne chance à vous et restons connectées. Avec joie. Vera
@ Vera Seret
Un profond merci: Sincèrement touchée , voire remuée par votre interview, en résonance avec les émotions que vous décrivez si finement.
Merci de nous rappeler que nous sommes "responsables de nos sentiments".
Une vibrante réflexion qui a inondé ma tête et mon corps quand je finalisais il y a un mois à peine, mon premier roman, Erreurs de Jugement .
Bonne chance à vous . j'ai hâte de lire votre roman
Chaleureusement
Ma chère @lamish... je sais ;-). Et vous embrasse. Franchement. Vera
Merci @Hubert LETHIERS pour votre retour et votre ressenti. C'est très intéressant et parlant pour moi de lire la manière dont vous avez reçu ce petit texte et les réflexions que vous en avez eues. Je suis heureuse que vous l'ayez trouvé pudique et aérien, sans le faire exprès c'est en effet, je crois bien, ma façon d'aborder le profond, de le rendre joli, voire léger, voire heureux. Dans ce décalage d'en montrer aussi le meilleur, le plus drôle ou le plus amoureux. Peut-être que l'essentiel est de savoir ce que l'on souhaite transmettre, plus que le sujet (autobio ou pas, on s'en fout !) en lui-même. Je ne sais pas si mes mots parleront à leur tour à votre liberté d'écrire mais... chaque degré compte, change tout et est un grand pas. Avec complicité. Vera
Et merci infiniment à vous monbestendroit, monbestami, mabestpépinière. Merci pour cette présence grande ouverte en même temps que chaleureuse que vous êtes tous chez @monbestseller ! Sincèrement. Vera
Merci tout plein @lucie pergola d'avoir lu mon livre. C'est touchant, tout simplement, pour moi. Je suis heureuse que vous en ayez, de plus, aimé le titre. C'est inspirant et instructif, vraiment, pour la suite. Je garde vos impressions positives précieusement avec moi. Elles vont m'accompagner dans l'écriture de mon second roman, du coup plus confiante donc légère donc heureuse, déjà que... Vous avez raison Lucie, faisons-nous plaisir. What else ? Avec joie. Vera
C'est tout à fait cela chère @Eva Verna. On écrit avec sa vie, aussi ! On change, on grandit, on ose. On fait tout avec elle et je vous remercie pour votre commentaire si juste et si fin. Je l'emporte pour mes prochaines, ou constantes pour être tout à fait sincère, mutations d'écrivain. Alors... A demain ;-). Chaleureusement. Vera
Merci de nous faire un article, que nous nous ferons un plaisir de publier, plutôt que de polluer l'espace de nos auteurs pour qui vous avez, semble t'il, de la considération.
@Vera Seret Ce qui m'intéresse dans votre texte, c'est la mutation de l'écrivain. Mutation de l'humeur, de la morale, qui selon nos périodes de vies, les circonstances, l'assurance nous font écrire un jour ce qu'on aurait jamais osé écrire la veille.
Bonjour @Victoire Sentenac, et merci pour votre retour si proche de ce que j'ai souhaité offrir dans ce petit article. Il me semble que nous nous sommes doucement comprises. Et c'est bon !... Je profite de ma réponse pour vous confier que j'aime beaucoup les titres imagés, poétiques, émotifs presque que vous donnez vous aussi à vos livres. Il ne me reste plus qu'à les lire. Avec mes plus heureuses émotions et sincères intentions d'auteure et complice. Chaleureusement. Vera
Je vous remercie @Pantinois pour votre beau message, touchant car pudiquement vibrant de vécu, enfin il me semble ;-). Tout en nuances et délicatesse. Merci à vous pour votre justesse. Et oui, il y a écrire et puis le moment de s'offrir. Vous décrivez très bien en quelques phrases cette immense étape. L'important est de prendre le temps de s'offrir comme on veut, ou peut. Comme ça nous ressemble. Et le nom le plus proche de nous sera, le temps qu'il faudra, le bon jusqu'à... Avec soutien, délivrance et joie. Vera
Ma chère @Thalia Remmil,
Merci pour ta longue et sincère réponse. Sincère, entre autres énergies chaleureuses et solaires qui te définissent tant. Et oui, pourquoi rester éteinte ? Ça n'a jamais éclairer ni aider personne de rester muette, morte ou terne à ses côtés ! C'est bien plus utile comme naturel de vivre, rire, écrire comme tu le fais de plus belle ici et partout où je te suis...
J'en profite pour te féliciter à mon tour pour ce bel article, sincère tout pareil, que tu as déposé il y a peu sur @monbestseller, autour du même thème, auquel je n'ai pas eu le temps de répondre entre séances de coaching et ultimes corrections de texte, quatrième de couverture à écrire avant la sortie prochaine de mon livre. Et puis entre ces deux grands personnages ou grandes personnes dont je dois m'occuper un peu encore ;-), qui m'ont donné la vie dans ce qu'elle a de plus beau et de plus difficile, bref de quoi longtemps écrire. Je pouvais le faire sans danger déjà avant, et l'ai fait finalement avec eux, sous leur yeux, si vivants. Avec attention et intentions positives, les mêmes qui continueront à me faire les aimer et joyeusement écrire. Comme quoi ma chère Thalia, le danger n'est jamais vraiment dans l'autre, mais dans la qualité du lien que l'on tisse avec lui, le pouvoir qu'on lui donne, ou pas, sur notre vie. Nous sommes donc libres depuis toujours, et c'est remplie de cette joie de vivre que je vous embrasse. Avec complicité et amour. Vera
Chère Michelle - @lamish :-),
C'est moi qui aime lire la douceur de vos phrases et de votre franchise. Car oui, je sais bien maintenant que vous êtes doucement, profondément, très joliment franche. J'aimerais tant avoir plus de temps pour ne faire que lire, vous lire, ici et au-delà de votre chaleureuse réponse à cet article. Merci à vous pour votre présence, toujours et importante à mes côtés. Toute mon amitié. Vera
Bonjour Véra, je découvre votre plume, et au-delà de la poésie des mots, le message que vous délivrez fait profondément écho en moi. Quelle part de votre roman est autobiographique? Les émotions... j'adore cette réponse, je la reprends pour moi si vous me le permettez, tellement elle sonne juste... Les émotions et l'intention, voilà ce que je retiens de votre belle tribune, et vous en remercie :-)
Comme d'habitude chère @Vera Seret une plume magnifique et un article empli de douceur, d'amour, d'émotions, de sentiments, je ne me lasse pas de te lire !! Tes mots sonnent juste, ils résonnent en moi, me réchauffent le coeur de tes rayons de soleil ! Tu écris "aujourd'hui, je sais que je peux écrire sans danger" parce qu'ils ne sont plus là... mais les autres sont encore là... Alors, tu as raison, ça suffit de se museler, de flétrir son âme encore plus qu'ils ne l'ont déjà fait... Pour les protéger, ne pas se sentir vivante. A force de vouloir protéger les autres, cette loi du silence assassine ! Je suis restée tellement d'années à avoir peur ! Combien d'années à ne pas oser dire les choses, à se calfeutrer, à s'épuiser. Et puis combien d'autres encore à me croire si frêle, invisible, inexistante. Sans légitimité. Puis j'ai choisi le roman, la fiction, me disant que les lecteurs y trouveraient mes fêlures. C'est vrai que nous sommes nombreux à rechercher des livres qui vont ouvrir en nous une brèche, ou qui vont faire miroir. Nous sommes nombreux, à écrire pour partager, pour aider l'autre qui se cherche et qui peut-être trouvera en nos mots un coin de lumière, une lueur d'espoir. Bien sûr, lecture et écriture ne sont pas que souffrances, loin de là ! C'est aussi une magie des émotions qui nous ébranle, nous électrise, nous gargarise, nous fait nous sentir vivant ! Alors tu as raison, qu'importe que nos écrits soient autobiographiques, un peu, beaucoup ou pas du tout, nous y trouvons la paix, la résilience, et nous y partageons l'Amour. Merci Vera ! Thalia (j'espère qu'il n'y a pas trop de fautes, lol)