En littérature de fiction : rêver, imaginer sont indispensables. Mais le plus gros du travail reste à faire : réaliser, c'est à dire écrire. La capacité à rêver ne suffit pas à produire une création
L’action de créer suppose en effet de transférer des informations d’un plan intangible à un plan concret. Une vision se matérialise en un tableau, une idée devient formule ou livre, une impression auditive se transforme en chanson.
Passer du mental au concret requiert une gymnastique particulière sans laquelle nos plus beaux rêves sont condamnés à rester éternellement dans les limbes de l’imaginaire.
Créer exige que l’on s’extraie du rêve pour entrer dans un espace distinct, identifié notamment chez Walt Disney comme l’espace créateur.
Ici encore, rien de nouveau sous le soleil. Quoi que...
Donner corps à ses rêves suppose dépasser quelques obstacles
Donner corps à ses rêves suppose dépasser quelques obstacles dont les deux principaux sont :
La difficulté de changer de registre.
Quoi de plus doux et de plus gratifiant que rêver ? Rêver relaxe, console, laisse espérer tous les possibles, nous sort de notre routine. Ah, le rêve… espace où tout est permis !
Alors que réaliser ramène aux choses concrètes, à l’adversité.
Passer du rêve à la réalisation est une version hard de la douche écossaise, un brusque réveil, la chute sans parachute, la production d’efforts après le doux farniente de la rêverie... et la crainte d’échouer.
Commencer à critiquer l’idée avant même d’être parvenu à la table de travail.
Cette crainte d’échouer qui nous décourage de nous y mettre. Rappelez-vous ces fois où vous vous êtes dit : c’est trop dur, je n’y arriverai pas, après tout ce n’est pas si important, je n’aurai pas le temps, il me manque ceci, cela, ça a déjà été fait, c’est trop bizarre, pour qui vais-je passer…
Intéressant : Seule une réalisation finalisée peut faire l’objet d’une critique
Ce que la stratégie de créativité de Disney enseigne, c’est que seule une réalisation aboutie peut-être objet de critiques, mais jamais, sous aucun prétexte, un rêve, une idée ne peuvent être critiqués.
Il n’a donc pas le choix celui qui veut donner corps à ses visions, il doit décider de s’expulser lui-même du doux cocon qu’est le rêve, tout en sachant qu’un seul pas dans le rêve équivaut sans doute à mille pas dans le l’espace réalisateur.
Passer du rêve à la table de travail est un arrachement
Passer du rêve à la table de travail est un arrachement, un changement total et brutal d’énergie, comme une naissance : un passage d’un monde protecteur à un monde réel, hérissé d’obstacles. Ou, au minimum, une sensation bizarroïde, celle que doit éprouver le trapéziste juste avant de sauter dans le vide. Avec l’habitude on sait bien sûr qu’on réussira, mais il y a cette petite boule au ventre… le spectre du doute ou l’appréhension de ce qui vient ensuite et qu’on connaît bien et l’on sait que ça n’est pas toujours une franche rigolade, un parcours de santé. Tout dépend bien sûr de la taille du rêve en question. Mais souvenez-vous que pour Disney « tout est parti d’une souris » !
On pourrait dire que pour un écrivain la phase du rêve correspond au temps où il écrit sous la dictée de l’inspiration et la phase de réalisation cette longue période de « fabrication d’un objet lisible par d’autres ».
Dans le processus créatif, rêve et réalisation sont intrinsèquement reliés, pour employer une image ce ne sont pas deux pièces séparées d’un appartement, mais une seule et même pièce divisée en deux parties distinctes. Deux espaces qui ne doivent être parasités par rien, par aucun regard extérieur, par aucune auto-évaluation.
Rêve et Réalisation n’existent que l’un par rapport à l’autre, ils sont les deux faces de la même médaille.
On pourrait dire que pour un écrivain la phase du rêve correspond au temps où il écrit sous la dictée de l’inspiration et la phase de réalisation cette longue période de « fabrication d’un objet lisible par d’autres ».
Pour être un réalisateur accompli, il faut réunir les aptitudes d’un coureur de fond.
- Avoir du souffle, car la course sera longue.
- Avoir du cœur, car les obstacles seront nombreux.
- Avoir un rêve bien dessiné pour ne pas le perdre de vue
-Apprendre à refuser l’incursion de la critique sous toutes ses formes possible tant qu’une boucle de réalisation n’est pas bouclée.
- Aimer l’action et ses sensations afférentes (pour l’écrivain, trouver plaisir à rester des centaines d’heures devant son clavier, apprendre à gérer la fatigue oculaire, les douleurs articulaires, le mal de dos, les douleurs musculaires notamment les fessiers, les engourdissements, les crampes. Aimer le combat mental avec les idées, les mots, l’architecture d’un texte, etc. )
- Avoir de la suite dans les idées pour ne pas décrocher (sachant que c’est la critique et elle seule qui peut faire décrocher)
- Connaître ses cycles chronobiologiques (petit conseil de Michel Serres) et les observer, régulièrement, quotidiennement. Où les exploiter au mieux dans le temps que nos activités sociales nous laissent.
Ce n’est qu’une fois le rêve réalisé (en totalité ou en partie) que la critique peut enfin jouer et pas n’importe comment.
Mais ça, c’est une autre histoire...
à suivre, donc.
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Alors pour ce qui concerne l'étape de la réalisation, on peut tout à fait rêver en créant, devant son instrument, ou alors s'arranger pour avoir toujours sur soi de quoi poser une ébauche (téléphone, carnet, enregistreur, boule de glaise pour les sculpteurs, pelotes de laine, que sais-je, enfin c'est votre truc, hein !) Par contre je suis tout à fait en phase avec le dernier paragraphe. Car une fois que l'ébauche est posée, eh bien c'est du travail, du travail, des espoirs, des doutes, de l'épuisement, de l'adrénaline, de la folie, du désespoir, du renoncement, de l'euphorie, de la volonté, tout ça tout ça et effectivement, de l'endurance, du souffle et du coeur. On en oublie parfois de manger et de dormir et un jour le corps nous rappelle ses besoins. C'est pour cela que le point numéro un que j'évoquais dans mon commentaire sur le premier épisode est crucial : connaître ses capacités et savoir jusqu'où on veut aller dans le don de soi.
Bonjour,
Avec le temps, passer du rêve à la réalité d'une oeuvre, surtout si nous avons essuyésdes échecs, devient difficile, c'est évident. En revanche, j'ai constaté à chaque écriture d'un projet, lorsque des gens qui m'avaient proposé de l'aide, m' abandonnaient en chemin, en disant "à quoi ça sert" He bien c'est ça le que le succès était au rendez-vous.
Je trouve le sujet de cet article plein d'optimisme. Combien de fois ai-je entendu : "Ma pauvre, tu prends vraiment tes rêves pour la réalité!". Ce qui est déjà une forme de critique puisque cette réflexion conduit la personne a douter de la faisabilité de son projet, voire à le mépriser.
Le doute, comme le dit Colette, est probablement un des visages de la critique. Celle qui sape le moral.
J'aime l'idée de se mettre au travail en se disant "faisons d'abord, critiquons ensuite", elle me semble extrêmement saine. Et je suis presque sûre qu'en l'appliquant systématiquement on devient plus résistant, plus énergique et, qui sait, moins influençable par le jugement d'autrui.
J'aime bien aussi l'idée d'effort. C'est vrai qu'écrire est terriblement fatiguant et qu'au bout d'une journée on a mal partout, (pas rien qu'aux yeux) !
Et pour finir, je te suis, Hubert. Je pense aussi que la question « dans mon roman, qu’ai-je vraiment envie de transmettre à ceux qui me liront ? » est à la base de tout. Si on ne se la pose pas (et on est bien libre de ne pas se la poser !) on n'écrira jamais vraiment pour les autres, mais seulement pour se faire plaisir (ce qui n'est pas négligeable !)
Ce questionnement relève, il me semble, des objectifs initiaux de l'auteur. Un point qui n'a pas été (encore ?) abordé dans ces articles sur la créativité.
Peut-être à suivre ?