Interview
Du 04 déc 2020
au 04 déc 2020

Et soudain hier, Kailijinn

Comment un dérapage peut modifier un destin ? A en perdre la connaissance de soi-même. La participation de Kalijiin à l'appel à l'écriture monBestSeller : "je ne me suis pas reconnu"
Seules subsistent quelques traces de sang Seules subsistent quelques traces de sang

Hier, elle était belle, elle avait ce sourire qui vous fait aussitôt bondir de joie.

Hier, elle portait cette robe bleue qui faisait ressortir ses hanches et la rendait irrésistible. Quand elle la portait j'avais envie de la serrer contre moi à chaque seconde et d'embrasser son cou quitte à sentir dans ma bouche le goût de son parfum. Hier, elle avait détaché ses cheveux blonds qui retombaient sur ses épaules et bougeaient sans arrêt lorsqu’elle dodelinait de la tête en me parlant de ses ennuis au travail.

Hier, nous étions sortis avec des amis boire un verre en ville. Hier, nous étions heureux.

 

Mais, aujourd'hui c'est différent. Aujourd'hui, lorsque nous nous sommes retrouvés après notre journée de travail, il était tard. Il faut dire que je ne suis pas rentré tout de suite à ses côtés. Je suis passé chez mon ami Marc et nous avons refait le monde. Nous l'avons refait à notre manière avec plus de joie et moins de politique, avec plus de liberté et moins de guerre, avec plus de week-ends et moins d'emmerdes…

Comme à notre habitude, nous l'avons refait autour d'un verre, puis deux, puis trois…

Pas la peine de vous dire que quand on refait le monde on ne pense plus aux autres, on comprend mieux pourquoi Dieu a eu besoin d'une journée complète de repos. Lorsque je suis rentré, fatigué et l'esprit embrouillé par ces discussions et par l'alcool qui l'accompagnait, je n'avais pas la tête à me disputer. Alors, quand elle s'est approchée de moi dans son pyjama, les joues rouges et le regard furieux, je n'ai rien dit. Je me suis dirigé vers le lit sans dire un mot et sans répondre à ses questions.

Elle me reprochait de ne pas lui avoir dit où j'étais, elle me disait qu'elle s'était inquiétée pour moi, puis elle en est venue à m'accuser de la tromper, de ne plus faire attention à elle, de ne plus l'aimer…

Ses paroles bourdonnaient dans ma tête, résonnaient dans mon crâne mais, moi j'avais décidé que cette discussion attendrait le lendemain. Je me suis couché et j'ai fermé les yeux en l'ignorant. Je pensais qu'elle finirait bien par se calmer et qu'on en reparlerait tranquillement plus tard.

Mais, ce n'était pas du tout son intention. Elle s'est approchée de moi et m'a tirée par le bras pour me lever en me disant que je pouvais aller dormir dans le canapé si c'était ça. Je suis tombé à plat ventre par terre en me cognant le front à la table de nuit.

Quand je me suis relevé péniblement, le sol tournait autour de moi, les objets étaient flous, je n'entendais plus rien. Quelque chose en moi me faisait cependant tenir debout, quelque chose de chaud, quelque chose de brûlant même, ce quelque chose, c'était la colère. Qu'avait-elle à s'en prendre à moi ? Dieu s'est-il fait emmerder par une bonne femme quand il s'est reposé tout un dimanche ? Ne peut-elle pas attendre demain pour discuter de ça ?

Je n'ai même pas eu à y penser que ma main s'est levée et abattue sur sa joue brutalement envoyant sa tête en arrière en faisant voleter ses cheveux autour d'elle.

Lorsqu'elle s'est retournée vers moi la main sur sa joue, son regard plein de peur et de colère m'a fait mal. Bien plus mal que le choc de la table de nuit contre mon front. Je n'ai pas pu supporter ce regard. Alors, j'ai fait un pas vers elle et cette fois-ci c'est mon poing qui s'est abattu sur son si beau visage. Elle a levé les bras pour se protéger mais mes poings se sont abattus et abattus jusqu'à ce que l'image de son regard disparaisse de mon esprit. Puis, fatigué par cette débauche d'énergie je me suis recouché et endormi comme une masse.

 

Quelques heures plus tard, je me réveille et lorsque mes yeux se posent autour de moi, elle n'est plus là. Seules subsistent quelques traces de sang et la porte du placard qui s'est effondrée lorsqu'elle a chuté. Je prends soudain conscience de ce qu'il vient de se passer et je me mets à pleurer en silence. Soudain, je ne suis plus que la moitié de l'homme que j'étais.

Kailijinn

Vous avez un livre dans votre tiroir ?

Publier gratuitement votre livre

Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…

Bonjour@Kailijinn je passe par hasard sur votre réponse passée aux oubliettes et je pense que vous n'avez pas à vous excuser d'avoir écrit cette nouvelle et vos précisions du pourquoi du comment me confortent dans l'idée que j'avais de votre intention, à savoir celle de dénoncer ces actes odieux et criminels. J'ai toujours pensé qu'il est bien de témoigner ou de s'investir selon nos faibles moyens pour des causes dérangeantes ! Tant de personnes préfèrent se voiler la face et continuer leur petite vie bien pépère, tant que ça ne les touche pas de près. Fort heureusement, je n'ai jamais subi de violences conjugales, mais d'autres... Bonne journée à vous. Cordialement. Fanny

Publié le 17 Décembre 2020

Bonjour à toutes et à tous, (plutôt à toutes à priori ce qui en soi dit beaucoup de la société dans laquelle nous vivons où ce sont principalement des femmes qui s'expriment sur un tel sujet)

Je dois d'abord m'excuser de ne pas avoir répondu plus tôt mais je n'avais pas vu les commentaires qui allaient avec la publication de mon texte. Je tiens également à vous remercier pour vos retours et à apporter quelques précisions.

Ce texte n'est en aucun cas là pour excuser, expliquer, justifier ou prendre la défense de qui que ce soit. Ce genre de comportements est bien évidemment condamnable pénalement, moralement et de toutes les manières possibles... Je me suis juste posé la question de comment répondre à l'appel à écriture et il s'avère que le jour où j'ai rédigé ce texte c'était la journée mondiale contre les violences faites aux femmes et que, au moment où je commençais à écriture j'ai entendu la chanson Yesterday des beatles et cette phrase "Suddenly, i'm not half the man i used to be" a résonné dans mon écriture.
Si cette utilisation est maladroite car elle peut faire penser qu'il s'agit d'une manière d'excuser ce geste je m'en excuse.
Mon envie à travers ce texte était juste de m'imaginer ce qui peut se passer dans la tête d'un connard (car oui c'en est clairement un) lorsqu'il est confronté à ce basculement évoqué par le thème de l'appel à écriture.
J'aurai effectivement pu aller plus loin dans l'histoire mais comme le cadre de cet appel à écriture est contraint il me semblait que terminer sur ce basculement dans la tête de cet homme correspondait à l'esprit de ma contribution.
Je m'excuse si j'ai pu faire croire à certaines personnes que je défendais cet acte odieux et j'espère avoir pu quand même montrer l'horreur que l'alcool, une société patriarcale qui diffuse des idées perverses depuis des siècles et la connerie de certains hommes peuvent provoquer de manière émotionnelle, car c'était l'idée.

Belles lectures à vous,

Kailijinn

Publié le 16 Décembre 2020

@lamish
Loin de moi cette idée. En tant que modérateur, j'essaie de comprendre les aspects possibles d'un texte. Et surtout dans certains cas, quand ils embarrassent, de les laisser à leur place. Qui peut imaginer un instant qu'on puisse avoir une larme de compassion pour ce personnage ?
Gardons en tête que cela arrive dans des dizaine de foyers, et que ce texte est un clignotant alarmiste et alarmant qui montre des réalités sur l'absence de contrôle. Inquiétons nous de ces réalités qu'évoque ce texte, plutôt que du texte lui même. C'était mon point
Amicalement.

Publié le 09 Décembre 2020

Bonjour@la miss 9 Effectivement, je vous rejoins et j'avais bien compris vos propos. J'ai tenté d'analyser ce texte sous un autre angle, et ce n'est pas facile. Cette ordure n'a aucune compassion pour sa compagne qu'il a massacrée. Il s'apitoie sur son sort, tout pour sa gueule et c'est en cela que ce type est ignoble. Peut-être que l'auteur aurait pu changer la fin, mais ce genre de comportement machiste existe, malheureusement ! Je vous remercie pour cet échange. Cordialement. Fanny

Publié le 09 Décembre 2020

Eh ben, dis donc, ça y va !
Allez, je vais ramener ma science (crénom !)
Je crois que ce texte horripile à cause de la vision que le narrateur a de la femme globalement.
*
Hier, elle était belle, parce qu'elle avait figé sur sa jolie trogne un sourire qui vous fait bondir de joie. Avec cette robe bleue qui fait ressortir ses hanches ... irrésistible. Quand elle la portait on avait, comme ça, envie de la serrer contre soi et d'embrasser son cou quitte à sentir dans sa bouche le goût de son parfum pourri. Hier, elle avait détaché ses cheveux blonds qui retombaient sur ses épaules et bougeaient sans arrêt lorsqu’elle dodelinait de la tête en me parlant de ses ennuis au travail. J'en avais rien à carrer, je ne l'écoutais pas.
Bref, c'est la poupée Barbaille, on l'aura compris.
Je crois que c'est là, depuis le début qu'elle couille cette histoire.
Reprenons : le type croit vivre avec la poupée Barbaille. De son coté, la poupée se rend compte de rien. Sont heureux... y a rien qui cloche...
Bon, après, c'est sûr, le mec à Barbie à un coup dans le nez. Grosse murge. Faut bien c'qui faut pour refaire le monde en technicolor.
Et là. Zut. Plus de robette bleue, à la place un vulgaire pidjam' et en plus, Barbaille se met à parler. Et pourtant, elle devrait savoir, poupette, qu'elle n'est autorisée à parler que dans une seule condition: si elle a sa robette bleue qui etc. les hanches etc. et qu'elle nous refait la pub L'Oréal. Elle peut dire ce qu'elle veut que de toute façon, on l'écoute pas !
Alors après, c'est sûr que pyjama + joues rouges + regard furieux. Nardin! Dieu s'est-il fait emmerder par une bonne femme quand il s'est reposé tout un dimanche ?
Non, en vérité, je vous le dis : la seule possibilité pour ce type de ne pas se reconnaître aurait été de réaliser qu'il avait en face de lui une gonzesse, une meuf, une nana, un truc en chair et en os, quoi. Disons, un être humain ?

Publié le 09 Décembre 2020

Je vous propose ma lecture de ce texte percutant, affreusement difficile à lire et courageux (si, si) qui, à mon avis, décortique bien le processus de la violence conjugale, en l'occurrence. Il met en évidence ce fléau qu'est l'alcoolisme (ne dit-on pas : avoir le vin mauvais) et la dualité des âmes qui ne sont jamais parfaitement belles. Quant à la chute de ce texte, j'y lis que l'orgueil de ce type le porte à croire n'être plus que la moitié d'un homme, alors qu'à nos yeux, il n'est plus RIEN ! Puisse cette nouvelle éveiller les consciences des tortionnaires. Cordialement. Fanny

Publié le 09 Décembre 2020

@la miss 9 Et bien voilà enfin un commentaire qui me convient sans ambages. Profitez de l'amour, vous avez raison.

Publié le 08 Décembre 2020

Eh, les amis, c'est de la littérature, une histoire. Et si ça vous révolte, c'est peut être fait pour ça. ... C'est inquiétant. En tout cas, à voir vos réactions, c'est un récit crédible qui expose le narrateur sans qu'un instant vous ne mettiez en doute que l'auteur est le personnage principal de sa fiction.

Publié le 08 Décembre 2020