Interview
Le 13 Jan 2021

Relèves toi Majda !'

Ce texte va clore l'appel à l'écriture monBestSeller "Je ne me suis pas reconnue". Il est hors format, hors norme; nous l'avions écarté, et puis après tout, on fait ce que l'on veut, ici. ! C'est chez nous. Mais surtout ce récit n'existerait pas sans la libre expression, sans des espaces comme monBestSeller libres de toutes contraintes, éditoriales ou autres, mais avec une puissance de diffusion. Alors voilà le témoignage pur et dur d'une femme, Amal Bakkar, qui ne s'est pas reconnue le jour ou elle a décidé de se sauver d'une vie de souffrances
L'amour se marie-t'il avec la tradition ?L'amour se marie-t'il avec la tradition ?

MAJDA

Ce jour-là, Je ne me suis pas reconnue. Cheveux dans le vent, j'ai avalé les kilomètres en écoutant "être une femme" de Michel Sardou.

Ce n'est pas ma voiture. Mahmoud a 3 ans. Il est à l'arrière. La veille, deux policiers m'ont accompagné pour le récupérer à mon domicile conjugal.

Je n'avais plus l'envie, le désir de rentrer chez moi. Le dehors faisait sa vie et dans le dedans, c'était le chaos.

Je m'arrête sur une borne d'arrêt d'urgence et me rappelle chaque détail de l'avant ; ma vie défile sur un fil.

Troublée par le silence des policiers, je mets deux minutes à trouver mon trousseau de clés.

Le monde dans lequel je vivais était en train de s'écrouler. La peine au cœur, la violence dans les mots, j'étais allé au commissariat. Nous étions, avec mon fils, en danger...danger de mort.

Les blessures qu'il avait inscrit jusqu'à aujourd'hui sur mon corps me qualifiait auprès des voisins de rebelle. Ils ne savaient pas ce qu'il se passait. Personne ne savait. Sauf moi.

Des années étaient passés à subir, gérer avec difficulté ses humeurs, ses violences dans les mots et dans les actes.

Les humiliations, les plaintes, les claques, les coups ou quand il rentrait tard le soir de la mosquée et que le repas du soir n'était pas encore réchauffé il m'attachait au radiateur. Tout y passait. Les injures, les coups de pieds et la vaisselle qui claque. J'étais son putching ball, sa serpillière, son défouloir…. Même enceinte jusqu'au fond des yeux, rien ne l’arrêtait et mes larmes coulaient.

Je ne pouvais rien à dire, rien faire sinon un jour il partirait un matin loin...très loin avec notre fils.

J'avais peur. Peur du regard des autres, de la famille, peur de mes parents et de ce qu'ils pourraient dire et penser.

Mes parents sont religieux. Le couple ? C’est ensemble pour le meilleur comme le pire. Chaque épreuve est à traverser et on en ressort grandit. Sauf que moi, j'étais en train de briser mon moral de l’intérieur. Ça n’allait plus du tout. En façade tout allait au mieux, en dedans c’était fracassé déjà.

Mes sœurs et moi, nous nous croisions lors des fêtes de fin d'année, comme si on ne s'était jamais quitté. En dehors de ce rituel familial, il n’y avait pas un appel pour savoir si la sœur aînée que j’étais, allait bien. C'était toujours à moi, comme disaient mes amies, de renouer contact et de prendre des nouvelles régulièrement.

En vous racontant cela, je m'aperçois que les aînés portent beaucoup et qu'on se soucie très peu d'eux finalement. C'est ainsi. Aucun soutien moral.

Jusqu'au jour où ma meilleure amie Siham s'est aperçue des bleues indélébiles que je portais au corps, que je cachais. J'apprenais à vivre avec.

Je vivais l'étrange drame de vivre avec le complexe d'être une femme. Il m'avait transformé jusqu'à me forcer à porter le voile, à cacher ma féminité, mes rêves, mes envies et m’apprendre à ne plus me regarder dans le miroir quand je me croisais par hasard…Ce n’était pas mon choix, mais le sien.

Je n'étais pas une séductrice. Alors, pourquoi ? Avec du recul, je me suis même demandé si ce n'était pas moi qui avais provoqué cette situation.

Il disait que j'étais sa femme. Il hurlait qu'il avait droit de vie et de mort sur moi. Et je le croyais…

Enceinte jusqu’au coup, désespérée, je m'enfermais plusieurs fois dans la journée prétextant les nausées ou les contractions pour pleurer.

 

Lui, c’était un dévoreur d'âmes, d'âmes pures par excellence.

 

Je n'étais plus une femme ou sa femme mais sa chose. Parfois, je m'imaginais femme championne du monde de boxe, femme championne de judo, maîtriser à fond un art martial qui me libérait.

Parfois, je rêvais en pleine nuit de changer de sexe et de le tuer !

Étrange drame d'être une femme avec lui !....

Comment se reconstruire après, quand on a été désarticulé pendant des années sous sa coupelle ….et vécu dans son ombre ?!

***

Des pulsions ? oui, j’en ai eu et j’en ai toujours. Enceinte, jusqu'au fond des yeux, j'ai eu envie de sauter du 9è étage et vivre quelques secondes de liberté avant d'atterrir comme un œuf éclaté.

J'aurais voulu appeler Oumi Zineb (maman), papa Momo et leur dire au secours mais je ne trouvais pas les mots. Comment leur dire ce que je vivais au quotidien ?! J’avais la honte que je portais sur moi, en moi.

La religion que l’on m'avait transmise était bien ancrée et bien présente... solide comme un roc.

Accepter son mari tel qu’il était n’était pas subir. On partageai tout dans la vie avec son autre, son double de compagnon ….le meilleur et surtout le pire.

Se plaindre aurait été un affront ! pour eux... pour lui... comme pour moi aussi !

Alors, pendant des années j'ai fait ce que j'avais à faire ... faire semblant d'aller bien, masquer mes véritables émotions, Le paraître avait pris le dessus en hiver et pendant le doux vent d’été. Chaque saison, j'espérais un accident, le téléphone qui sonne et que l'on m'annonce qu'il ne reviendra plus.

Dans les murs de l'appartement, je sentais cette fragilité que j'avais en moi. Cette folle envie de faire le choix, partir un jour si j'en avais le courage au-delà de moi, survivre malgré tout.

Quand j'allais à la boulangerie le matin, rare fois où je sortais seule, la boulangère me disait souvent aimer mon regard d'enfant… que j'étais une femme enfant. Je lui répondais en souriant que c'était mon fol espoir de vivre qui s'y reflétait. Puis, je repartais aussi vite en courant ; je ne voulais pas m’arrêter et me faire remarquer.

La pause est finie.

Je redémarre de la bande d'arrêt d'urgence et je roule, roule, roule larmes à l'œil sur l'autoroute de ma vie ;

J'accélère...je suis libre maintenant, cheveux dans le vent.

***

Notre rencontre aura donc été la plus belle que l'on puisse imaginer.

J'avais les cheveux courts, car ma mère disait toujours que les cheveux longs attiraient les poux.

On me prenait pour un garçon sans hésitation car je n'étais pas encore formée complètement...un petit retard hormonal et un visage mi-angélique mi- androgyne.

Mes parents avaient accepté que j'aille dormir, pour le week-end, chez ma copine Siham. Une métissée. Moitie auvergnate par son père et moitié marocaine par sa mère.

Je fêtais ainsi mes 18 ans en même temps qu'elle. Nous étions nées le 12 juin, toutes les deux, la même année.

Je n’étais encore qu’une enfant dans ma tête. L'innocence même. Je n'aimais pas l'humour au second degré, ni les pics...juste les relations sincères.

Quand l’anniversaire a commencé, la boum battait son plein. Musique hip hop, rap, funk et de temps en temps des slows. Un putain de regard bad boy posé sur moi. Un sourire angélique. Le blond parfait aux yeux bleus que j’avais imaginé et qui venait me visiter dans mes rêves les plus fous.

C'était lui. Je l’avais reconnu avec son déhanché assuré sous un air des valses de Vienne de François Feldman, il s'est approché de moi, lentement mais sûrement. Un côté sexy et perdu qui m'a touché. La délicatesse du mauvais garçon qu’on a envie de connaître !

Pour une fois qu'on s'intéressait à moi ! d'habitude c'était Siham.

ça pouvait coller entre nous.  Je pensais. Mais, à la place, un rapport de force des mots s'est installé dès le départ.

Des échanges un peu compliqués. Il aimait bien mon look mais détestait mes cheveux courts. Je faisais garçon manqué, il trouvait.

J'avais besoin de quelqu'un. Il était là pour m'écouter. Il était têtu. J'espérais le changer et vivre avec lui de vieux jours heureux.

***

ANNA

Je finissais ma pause déjeuner dans mon bureau quand elle a débarquée sans frapper à la porte. Musique de fond : The Verve - Bitter Sweet Symphony

JUIN 2003. Centre d'action Sociale Rue Armand Moisant à Paris. Une après-midi ensoleillée. En plein dans mes paperasses de personnes en difficulté, je reçois Mme Majda DJELALI.

Quand je l'ai rencontrée, je l'ai ramassé à la petite cuillère dès les premiers instants.

Elle m'avait en quelques minutes touchée en plein cœur. Son histoire, sa manière de raconter, son envie d'avancer et de sortir de son cycle infernal. En larmes, Elle avait utilisé intégralement mon paquet de mouchoirs tout en allaitant son fils Mahmoud, si j'avais bien compris le prénom.

Elle me racontait en même temps son parcours, son histoire. Mon rendez-vous d'après était déjà là mais je sentais que si je l'a lâché, je ne la reverrais plus.

Madame Majda DJELALI était, malgré les apparences trompeuses, très organisée. Elle m'avait amené une copie de son dossier médical, trace de ses multiples hospitalisations dues aux coups et blessures subies par son mari. Une expertise du suivi avec son psychologue et son psychiatre, suivi CMP rue des cévennes à Paris.

Ainsi qu'un CV retraçant son expérience d’assistante en crèche rue Cauchy dans le 15ème à Paris.

Je sentais que j'étais son dernier recours, sa dernière porte de sortie.

Majda ne suppliait jamais. Fière de sa double culture, elle expliquait simplement qu'elle était femme battue et violentée et que les nombreuses mains courantes et plaintes déposées avaient été classé sans suite. Elle voulait s'en sortir.

Il l'avait menacé de mort à plusieurs reprises, de la tuer devant son fils. De toutes les façons disait-il, il retrouverait assez vite une autre femme qui saurait le comprendre et l'écouterais.

Toutes les démarches qu'elle avait entreprise pour sortir des mailles du filet de ce Yann BRETINI, son dit mari faisait d'elle et de ses fragilités : une force.

La justice était-elle débordée, ou bien considérait elle qu'il y avait des dossiers plus urgents à traiter ?!

On ne saura jamais.

L'urgence était autre.

Je devais, avec ma position, la guider dans ses démarches et lui trouver un lieu où elle pourrait enfin se poser et avoir les idées plus claires pour demain, pour son avenir.

Je me suis absentée quelques minutes du bureau pour consulter ma responsable et voir si on pouvait la placer quelque part avec son fils. Elle était à genoux et moi debout pour l'aider à se relever. Je connaissais cette douleur en elle, d'autant plus que j'avais été témoin il y a quelques mois du départ d'une femme battue que le centre n'avait pas pu aider. Elle s'était suicidée.

 

                                                                       ***

Douze minutes plus tard, quand je rentre dans le bureau, elle me dit qu’elle ne se sent pas bien. Elle a la gorge nouée et le ventre gonflé de stress. Je lui annonce ce qui a été échangé par téléphone quelques minutes avant :

- Je viens d'avoir la directrice du Palais de la Femme. Vous connaissez cet endroit ?

- non...

- c'est sur Paris, rue de Charonne dans le 11ème

- Je ne comprends pas...

- Il est destiné à l'accueil des jeunes filles et femmes seules.

 

Silence

 

- J'ai mon fils. Je ne le lâcherai pas ! Je ne lâcherai rien. Il ne me reste que lui pour qui je me bats.

- Vous vous occupez bien de votre fils. On voit que vous l'aimez. Ne Vous inquiétez pas. On vient d'appeler le Palais de la Femme. La directrice accepte de vous recevoir au Centre d’hébergement et de stabilisation (CHS) avec votre fils, pour une courte période... le temps de vous remettre de ce chaos et d'y mettre de l'ordre.

Des larmes montent dans les yeux de Majda.

 

Je continue pour la rassurer :

- un studio de 13 m².  Ça ira pour démarrer ? Des travailleurs sociaux seront présents pour vous accompagner dans vos démarches pour trouver un logement et un travail. Là-bas, personne ne vous agressera. C'est un espace protégé.

Majda n'a plus de voix. Le combat s'arrête là. Un pas de côté et elle s'écroule.

Fondant en larmes, comme si la carapace avait explosé en plein vol, je l'aide à se relever. Son fils pleure. Il sent que quelque chose ne va pas ou du moins que quelque chose se passe, quelque chose qui pourrait changer leur vie pour toujours. Son monde va changer, leur monde va avancer maintenant dans l'ordo.

***

MAJDA

 

Les prémices du changement sont là. Même si je ne comprends pas encore tout.

Tout ce que je sais, c'est que j'y vais maintenant à petit pas et non plus à tâtons.

J'ai très peu d'économies sur moi. Mahmoud a faim. J'ai oublié les biberons et le lait « Guigoz « chez mon ancien chez nous.

Là, une remontée de lait explose pendant que je prends la sortie de la première aire d'autoroute qui se présente.

Je me pense un peu folle de partir avec comme seul bagage mon fils et mon histoire.

J’ai peur, oui mais j’ai surtout l’audace du renouveau et que je veux sauver notre peau.

Peur de lui, de ce qu'il pourrait faire.

Je viens de découvrir qu’il est fiché S pour radicalisme et qu’il est surveillé depuis plusieurs années par les services de police.

Voilà, je me suis arrêtée. Garée et toujours dans la voiture qui devient mon cocon. Plus de gens pour me juger. Plus de gens qui me voient toucher le fond. Plus de gens qui me voient triste. Juste mon petit bonhomme que j'allaite pendant que ses images violentes me viennent avec un écho sans lendemain :

C'est le début d’une nouvelle relation.

***

LA RENCONTRE 

 

Après mes devoirs chez Siham, on se voit en cachette Yann et moi. Trente minutes tous les jours sauf le week-end. Siham me couvre avec plaisir.

Ma vraie vie a commencé quand il a ‘demandé ma main’ à mes parents. Je m’en souviens comme si c’était hier. Sept mois de joyeuse relation.

Nous sommes en juin. Un super soleil pointe le bout de son nez à l'horizon. Yann vient d’obtenir ses résultats.

Il est diplômé avec mention bien en tant que commercial.

Sa société de stage, AB Communication, souhaite le garder au vu des bons résultats, des efforts fournis ses deux dernières années passées en alternance.

Je suis la plus heureuse des jeunes femmes pour lui, pour nous. Je me souviens de la danse de la joie sous un air de Savoir Aimer de Florent Pagny. Ça sentait bon la libération, le départ du cocon familial et une nouvelle vie se présentait avec une liberté de sortir quand je voulais, tenir Yann par la main sans me cacher. Je pensais à moi, avant tout le reste. Pour moi, l’engagement et ce que cela englobait je m’en fichais. J’allais être libre.

Je donne sans reprendre, sans attendre, juste aimer. Là, Yann est là. Il a réussi. Il est motivé pour que l’on vive ensemble.

Il n’aime toujours pas ma coupe de cheveux très courte à son goût. Il me demande de laisser ma chevelure s’exprimer, me répète t’il souvent en riant.

On rêve. Oui. On rêve pour deux.

On s’installe, rue du colonel Oudot et on profite l’un de l’autre. De notre mariage marocain, on en garde un très bon souvenir festif. J’étais une vraie princesse et lui mon roi d’âme.

J’ai beau savoir que nos différences sont là, j’y crois quand même. J’ai beau chercher ce qui ne pourrait pas aller, je ne vois que nous et ce que l’on construit au quotidien…une relation de confiance et un amour fragile qui se dessine en fond. Une main de fer dans un gant de velours, j’essaie d’avoir même si parfois je suis vexée qu’il y a toujours des choses à améliorer chez moi alors que je l’accepte comme il est.

Deux années passent. Des années légères et pleine de joie même si l’incompréhension est là parfois. Nous les femmes n’avons pas le même langage que vous les hommes. Et c’est ce qui fait son charme quand on a trouvé le bouton du décodeur.

Je suis enceinte et scelle officiellement le pacte qui nous unis. Nous sommes pour moi officiellement fait l’un pour l’autre malgré ses voyages répétitifs à l’étranger, ses déplacements professionnels ou amicaux à l’étranger et j’espère en silence que ce bébé qui arrive et pointera le bout de son nez saura le faire rester le plus longtemps prêt de moi.

 

J’arrive à oublier ses absences, ses voyages au Liban, en Jordanie, au Yémen, en Algérie quand je vois dès son retour son sourire et sa beauté…et la manière dont il me fait l’amour. L’amour révèle réellement l’état intérieur de la personne avec quoi vous vivez. On ne peut pas tricher.

Sur un air de 'besoin de rien, envie de toi' de Peter & sloane .... On sort tous les week-ends.

Quand il est là, on répond aux invitations d'amis à la campagne, à la famille pour voir mes parents et la fratrie.

Yann a perdu ses parents, il y a quelques années. Il avait été placé à la DASS. C'était un accident.

Un chauffard avait accéléré pendant un virage et n'avait pas repéré leur voiture devant. Yann en garde un souvenir indélébile.

Il est seul rescapé survivant dans cette épreuve. Il a donc beaucoup d'amour à donner.

Parfois, quand il avait bu un coup de trop à l'apéro je voyais enfin qui se cachait derrière le masque de bad guy. Je comprenais ses fragilités.

***

 ROUAGE AU COMPTEUR

Y a des gens mystérieux dont fait partie mon mari, maintenant. Chaque soir, il sort avec ses amis pour aller répondre au l’appel à la prière. Je ne l’ai jamais connu ainsi mais j’accepte.

Chaque soir, avant le coucher du soleil, il retrouve ses amis devant la mosquée et passe une bonne partie de la soirée à explorer ce rituel où il y a trouvé sa place, où on le reconnais en tant que tel me dit il parfois quand on en parle…

Plusieurs semaines se déroulent calmement. Tout roule. J’attends le bébé. Je ne veux pas savoir si c’est un garçon ou fille. Dieu nous offre l’opportunité d’une âme. Du moment qu’elle est en bonne santé.

Puis, un soir j’ai voulu faire une surprise en allant à la mosquée attendre la sortie de Yann et ses amis. Je voulais lui proposer de prendre un kebab et le manger sur la route en rentrant, comme au bon vieux temps….comme quand on venait de se rencontrer et quand en cachette on allait manger une chichtaouk ou un kebab.

Je pensais lui faire plaisir. Un réel plaisir de couper la quotidienneté avec ma proposition. Voici comment je l'ai récupéré, il y a quelques semaines après son intégration dans la mosquée du quartier.

Yann avait des paroles qui ne lui correspondait pas. Il m'aimait pour le meilleur et pour le pire mais je devais et c'était une obligation me reconvertir à son islam...un islam où je devais porter le voile et je ne devais plus voir mes copains d'enfance. Pas d'amis masculins et rétrécir le champ des amies, en sélectionnant selon leurs pratiques.

 

Mon âme, à cet instant, à commencer à brûler à petit feu.

Je ne comprenais pas. Comme s’il voulait m'enfermer dans une cage dorée.

Voulait-il me protéger de la violence, la violence des autres et celle de la folie extérieure ?

Je ne sais pas. Je ne sais plus.

 

Le téléphone pourrait sonner, y a plus d'abonnés. Juste le silence pour respirer.

Comment ai je pu me retrouver dans cette spirale infernale ? Moi qui étais libre et qui adorais profiter de la vie. Je me trouve coincée avec un enfant et de la pitié m’envahit quand je pense à Yann.

 

Il aurait encore ses parents, tout serait probablement différent. Certainement.

 Quand on perd ses parents, une fracture se crée et des fragilités renaissent.

Les larmes, maintenant, ne peuvent rien changer.

Je me souviens des jours heureux vécu avec lui. Avant, chaque chose, chaque émotion était à sa place. Je ne réfléchissais pas. Juste j’avançais et çà allait entre lui et moi. Nous étions bien. Nous étions un et à la fois chacun de nous avançait.

Avant, Yann me faisait des petites surprises. Quand il sortait, il revenait toujours avec un bon petit plat que j’aimais bien ou encore un joli bouquet de fleurs.

 

C’était la place à la délicatesse, l’attention et l’intention du plaisir.

Puis, de jour en jour, de heure en heure, la vie a commencé à basculer…les choses ont commencé à changer…comme ci quelqu’un avait voulu noircir le tableau et se mettre entre nous. Un être invisible qui était là pour tout casser.

L’amour entre nous était tout simplement en train de se briser pour laisser place à  une violence sous-jacente. Une violence psychique comme on en voit peu.  Chaque jour, il me rabaissait. Je devais m’estimer heureuse d’être avec quelqu’un comme lui, et que quelqu’un s’intéresse à moi.

Quand j’ai voulu me rebiffer, c’est là que les coups ont commencé. Dans le dos, puis petit à petit dans le ventre et au visage. Je portais les stigmates de sa violence, sa manipulation, sa perdition et l’humiliation grandissante je n’osais rien dire quand je croisais les voisins, ma famille, mes amies. Personne n’a fait e rapprochement quand il s’est blessé à la main et que je suis tombée dans les escaliers et que je me suis fracturé l’arcade sourcilière.

Je me suis demandé, au plus profond de moi, si je n’avais pas autorisé cette violence et l’avait entretenue pendant les années qui ont suivi notre rencontre.

***

OUVRIR SON COEUR

 

Musique : Every Breath You Take de Sting

 

Retour à mes origines, en vacances...le Maroc. Voilà dix ans que je n'y ai pas mis les pieds. Mon fils à 13 ans maintenant. Tout a grandi, changé dans ce pays.

Tout est ouvert. La tolérance et le respect y règnent. La photo du roi est toujours là... dans les boutiques et l'administration.

Les femmes se promènent librement. Chacune porte sa sensibilité au regard extérieur, celle des hommes...de manière différente.

Il y a celles qui portent le voile par choix et celles qui portent leur charme de manière décente. Elles travaillent en s'habillant comme elles veulent, accèdent au pouvoir suprême de travailler avec leur charme caché ou révélé.

 

Je me rappelle ici, à Meknès la ville d'origine de mes parents, que c'est grâce au Palais de la femme à Paris et à Anna l'assistante sociale que j'ai réussi à rebondir et tisser de nouveau ma vie. J'ai pu utiliser ce tremplin pour trouver un job et créer un cocon avec ma seule raison de vivre : mon fils.

 

5 ans d'enfer avec Yann, 7 ans de joie au palais de la Femme qui sont loin derrière moi maintenant. Des années de souffrances, de combat, de larmes et de 'relèves toi Majda !' ont criée toutes ses femmes que j'ai eu la chance de croiser dans ce palais de la Femme.

Chacune portait sa douleur et continuait d'avancer. Elles avaient la niaque, la volonté de combattre et de sortir du lot.

Elles avaient pour la plupart eu des hommes qui les avaient broyés. Elles avaient, comme dans un ring de boxe, encaissé les coups et après quelques chaos avaient eu le déclic : mourir ou se relever !

 

Il aura fallu qu’Ange, la directrice du palais de la Femme qui me suivait de près, me propose un jour un stage d'un jour à la boxe thaïlandaise pour que je comprenne l'état d'esprit et la philosophie des boxeurs.

 

La confiance est revenue en moi et fait écho comme un toit. Ayant été blessée, la confiance en l'autre est plus compliquée.

J'aurais appris plusieurs choses : que l'on a toujours besoin des autres pour se connaître et pour avancer, quelques soient les épreuves.

Les plus beaux jours restent à venir, maintenant.

 

Amal BAKKAR

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Waw tres beau texte,
Je me suis plongée dans la lecture de ce texte, comme si je suis entrain de vivre ces moments infernals du personnage.

Publié le 13 Janvier 2021

On adore, belle écriture !

Publié le 13 Janvier 2021