Interview
Du 27 Jan 2021
au 27 Jan 2021

NE FAIS PAS L’INNOCENTE

Fanny Dumond a ce trait de caractère particulier, c'est qu'elle rentre de plain-pied dans les récits comme par effraction. Résultat : en quelques lignes : un lieu, des personnages, une intrigue, une histoire et une morale. Une participation incisive à l'appel à l'écriture "Faux- coupable"monBestSeller
Tu es dans le coup avec les autresTu es dans le coup avec les autres

 En cette fin de matinée, Marie vient prendre les clés de son bureau au poste de garde de l’usine où elle est secrétaire. Elle se plaît beaucoup dans ce job, qu’elle a eu tant de mal à obtenir, et dans lequel elle a enfin trouvé une bonne ambiance. Souriante, elle salue le sympathique gardien avec lequel elle fait souvent causette, et après avoir blagué sur ci et ça, il lui dit que Cédric, le chef de Marie, est dans les locaux. Un tantinet perplexe, elle se demande ce qu’il y fait, car à cette heure-ci il est toujours en pause-déjeuner à l’extérieur.

   Elle entre dans son bureau et trouve Cédric assis devant l’ordinateur. Elle est ébahie de le voir installé à sa place et, toute guillerette, le salue tandis que lui, les yeux toujours fixés sur l’écran, ne lui répond pas. Intriguée, elle lui demande ce qu’il se passe. D’une voix hargneuse, qu’elle ne lui connaît pas, il réplique :

               – Tu le sais bien ce qui se passe !

   Éberluée, elle s’assied sur la chaise en face de lui en se demandant si elle n’est pas encore dans son lit en train de cauchemarder. Jamais, depuis trois ans qu’il l’a recrutée, il ne lui a parlé sur ce ton méchant, voire agressif. Ils travaillent ensemble dans la bonne entente, aussi est-elle estomaquée de découvrir cet aspect de sa personnalité. Revenue de sa surprise, elle ose lui demander des explications.

   – Ne fais pas l’innocente. Si j’ai bien tout compris, tu es dans le coup avec les autres pour me faire virer et tu en es même l’instigatrice.

   – C’est quoi cette embrouille ? s’insurge-t-elle, le cœur commençant à battre la chamade.

   – N’as-tu pas dit à Nathalie, à Pierre et à Grégory que je te harcèle, que tu n’en peux  plus de travailler avec moi, que je suis ton esclavagiste, que je te sous-paye pour tout le boulot que tu abats et que tu envisages de te plaindre auprès des prud’hommes ? Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé ? l’interroge-t-il, furieux. 

   Afin de ne pas tomber à la renverse, Marie s’accoude au bureau et se prend la tête dans les mains.

   – Ça ne va pas ? s’inquiète-t-il. Tu es toute pâle.

   – Non, ça ne va pas ! s’écrie-t-elle. Je n’ai jamais dit ça. Au contraire, je me plais beaucoup ici et tu le sais. Je suis tellement déçue, car j’étais loin de soupçonner que tu me croirais capable d’une telle traitrise.

   Incrédule, Cédric la regarde et ne sait plus que dire. Continuant sur sa lancée, Marie enchaîne :

   – Je pensais que nous étions amis, et ça m’est insupportable de comprendre que ce n’est pas réciproque.

   – Je suis aussi l’ami des trois depuis huit ans, et ce n’est pas possible qu’ils aient ourdi un tel complot.

   – Oui, je vois, se désespère-t-elle. Je pense que tu n’as pas encore pigé que Grégory brigue ton poste.

   – Il veut ma place ? s’étonne-t-il.

   Cédric reste un moment perplexe et n’en démord pas. « Ce n’est pas possible », continue-t-il de marteler. Pour moi, Grégory c’est comme un frère.

   – Mais, nom d’un chien ! s’agace Marie comprenant qu’elle doit se défendre de cette accusation qui dépasse son entendement.

   –  Je déteste critiquer les autres, mais comment pourrais-je te faire admettre qu’une fois qu’il aura pris ta fonction, il me virera moi aussi et installera sa fille à mon poste. Lorsqu’elle a effectué son stage en secrétariat,  je la soupçonnais déjà de vouloir prendre ma place. Les femmes ont de l’intuition, s’efforce-t-elle de dire d’un faible sourire.

   Un long silence, qui semble durer une éternité, s’installe dans le bureau. N’y tenant plus, Cédric s’enferme dans le sien pendant que Marie, désorientée, se met au travail avec le cœur gros d’un immense chagrin et l’esprit hors de son job qui lui plaît tant. Elle ressasse cette si pénible discussion tout en s’interrogeant sur son devenir, et sur la nature humaine.

   En milieu d’après-midi, abattu, les traits tirés, Cédric apparait sur le seuil du bureau  et murmure :

   – Allez, Marie, viens on va prendre notre petit kawa.

   Durant cette pause-café amère, il rumine, s’indigne et finit par admettre qu’il est anéanti par tant d’hypocrisie.

 

 

 

Vous avez un livre dans votre tiroir ?

Publier gratuitement votre livre

Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…

16 CommentairesAjouter un commentaire

Bonjour@Sylvie Petitmarie je vous remercie de vos encouragements et comme un athlète, une danseuse, etc, je m'entraîne à cet art jusqu'à ce que les efforts ne se remarquent pas. Si l'écriture reste pour moi un amusement, il n'en reste pas moins que ce jeu a des règles compliquées à respecter. Je pense que tout travailleur, tout créateur est pris de doutes sur la qualité de ses réalisations, et si ce n'est pas le cas et ben... il restera toujours au même niveau qui, souvent, lui convient. Bon week-end à vous. Cordialement. Fanny, qui n'écrit jamais sous la contrainte et qui a pas mal de navets à son actif !

Publié le 30 Janvier 2021

Fanny Dumond, je vois que vous doutiez du
bien-fondé de l'envoi de vos écrits ...
Je pense que douter est une qualité qui permet de toujours se remettre en cause et donc de progresser .
Et qu'importe si parfois le succès n'est pas au rendez-vous. Surtout continuez à ecrire et surtout amusez-vous !
Merci pour ce texte.

Publié le 29 Janvier 2021

@suzie fong
/n
Bien sûr, Chère Amie; moi aussi. La vie serait bien trop triste sans plaisanteries.

Publié le 29 Janvier 2021

@suzie fong
/n
Chère Suzie, n'y voyez point de condescendance ! Je ne me le permettrai pas. Ce n'était juste qu'une petite pointe d'ironie. Car il fut un temps, vous me reprochiez de parler le javanais. Oui, le latin était pour vous, à l'époque, du Javanais. Amicalement.

Publié le 29 Janvier 2021

Bonjour@De Vos Philippe Sur ce coup là, je plaide coupable ! Vous le savez combien j'ai été peinée de votre choix de quitter mBS, de voir disparaître vos ouvrages, mais il y a une vie en dehors pour poursuivre notre belle connivence, dans l'entraide (qui nous est venue naturellement, comme une évidence), à partager sur nos lectures, sur la littérature, sur de multiples sujets et sur les petits riens qui font le sel de la vie. Je vous remercie infiniment de votre furtif passage qui me fait énormément plaisir ! Je vous souhaite un bel après-midi, peut-être les doigts sur le clavier, à poursuivre votre prochain roman dont j'ai eu la primeur de lire les premiers chapitres, et comme vous savez combien je suis impatiente de connaître la suite, je vous dis : au boulot, Philippe ! vous l'instigateur de la remise au goût du jour du genre romans/feuilletons sur notre site. Bien cordialement. Patricia

Publié le 28 Janvier 2021

Bonjour@Catarina Viti c'est moi qui vous remercie beaucoup de votre appréciation sur ma façon de me servir de mon écumoire (c'est la cuisinière qui ressurgit en cette période de pot-au-feu). Je vous souhaite un bel après-midi Catarina. Cordialement. Fanny

Publié le 28 Janvier 2021

J'aime bien votre façon de dégraisser un texte. Merci pour le partage, Fanny.

Publié le 28 Janvier 2021

Bonjour@Michel CANAL @Guy Margraff @Kroussar @suzie fong @Saint-Bleyras et à toutes et tous ! J'ai le plaisir de vous envoyer un grand merci ! Que vous dire de plus, sinon que je suis éberluée et en même temps ravie de tant de compliments qui me touchent. Pour tout vous avouer, après avoir lu les premières participations à cet appel à l'écriture, j'ai regretté d'avoir envoyé la mienne et je n'avais que l'envie de me cacher dans mon trou de souris. Et je me pose une question : ne seriez-vous pas coupables de mes douleurs dans les chevilles que je ressens depuis deux jours ? si, oui, dans ma grande mansuétude je vous acquitte ;-) Quant à la pensée de Plaute, elle figure en exergue de mon deuxième ouvrage (en français ! parce que je n'ai jamais fait latin, à mon grand regret). Je vous souhaite une toute belle journée occupée à aiguiser vos plumes, parce qu'elles ne sont pas encore passées aux 35 heures ! Bien cordialement. Fanny/Patricia

Publié le 28 Janvier 2021

@suzie fong
/n
C'est bien, progressivement, vous utilisez le latin. Mais la phrase est incomplète : "Lupus est homo homini, non homo, quom qualis sit non novit", avait écrit Plaute, dans sa comédie Asinaria. Par la suite elle fut abrégée... Bien à vous.

Publié le 28 Janvier 2021

@FANNY DUMOND,
/n
Eh oui, la plume de Patricia mérite d'être connue, reconnue même ! Une belle plume, de qualité, qui sait nous emporter rapidement dans des scénarios prenants et réalistes. Amicalement, Jean-Claude.

Publié le 28 Janvier 2021

@FANNY DUMOND, je suis personnellement séduit par cette idée audacieuse et novatrice de "rentrer de plain-pied dans les récits comme par effraction" pour composer un récit cohérent, sans descriptions superflues. Pas facile à réussir, j'imagine. Mais ici c'est réussi, ce qui n'est guère étonnant car, comme j'ai pu le découvrir dans votre livre "Dans le courant de ma plume", vous savez créer rapidement des ambiances prenantes et réalistes, et c'est une qualité que j'apprécie tout particulièrement.

Publié le 28 Janvier 2021

@FANNY DUMOND, un magnifique scénario de "Faux-coupable", bien écrit de surcroît. Une belle illustration du thème qui colle parfaitement, hélas, à une réalité que l'on peut observer dans beaucoup de milieux et de professions, qu'il s'agisse des PME, des services de collectivités territoriales, des médias, et jusqu'aux plus hauts sommets de l'Etat. A combien de trahisons et de coups bas assiste-t-on régulièrement ?
Un phénomène qui s'est développé depuis que l'emploi s'est fragilisé après la mise en oeuvre des 35 heures, les réductions d'effectifs imposées, l'incertitude de l'avenir, la raréfaction des possibilités de décrocher un emploi...
Merci pour ce partage.

Publié le 27 Janvier 2021

Bonsoir@Alexis Arnaud je suis désolée d'avoir fait remonter à la surface vos mauvais souvenirs de ce monde impitoyable du travail. Nous avons tous connu ces horribles ambiances dans ces microcosmes où toutes les rivalités sont exacerbées. Et les femmes ne sont pas en reste pour tailler des costumes ou faire battre des montagnes ! Telles vos deux péronnelles, Sabine et Maryse, qui vous ont laissé un souvenir impérissable ! Je vous remercie de votre passage sur ce moment vécu, un parmi tant d'autres. Et Vive la retraite ! (en ce qui me concerne). Cordialement. Fanny

Publié le 27 Janvier 2021

Bonjour@monBestSeller je tiens à vous remercier d'avoir publié ma participation à votre appel à l'écriture, de votre introduction sur mon caractère, qui me rassure sur mes capacités rédactionnelles, et de votre image qui illustre parfaitement le sens de cette nouvelle rédigée avec grand plaisir. Bien cordialement. Fanny qui possède un passe-partout ;-)

Publié le 27 Janvier 2021

Vos Nathalie, Pierre et Grégory, je les ai rencontré(e)s, elles s'appelaient Sabine et Maryse ! Hum ! Des personnages de roman, elles dégoisaient plus vite que leur ombre ! Sans état d'âme !
Tout ça sent le vécu. Ça me donnerait presque des frissons en y repensant.
Alexis

Publié le 27 Janvier 2021

Bonjour@lamish C'est tellement vrai que c'est déstabilisant au possible d'être le bouc-émissaire et qu'il est, parfois, très difficile d'être entendu pour prouver une innocence et, surtout, d'être réhabilité. Il ne faut jamais désespérer de rien. Le Capitaine Dreyfus n'a-t-il pas attendu 12 ans avant de l'être ? C'est moi qui vous remercie de votre appréciation sur ce petit texte et de la belle citation de Gérard Klein que vous faites vôtre. Une qui me parle, parmi tant d'autres : "Ainsi nous-mêmes, nous passons, hélas ! Sans laisser plus de trace que cette barque où nous glissons sur cette mer où tout s'efface" Alphonse de Lamartine. A mon tour, je vous souhaite une bonne soirée. Cordialement. Fanny

Publié le 27 Janvier 2021