Voilà une autre manière d’aborder la question de la création des personnages de roman : Dumas, Stendhal, Flaubert, etc. auraient-ils puisé leur inspiration ailleurs que dans leur pur imaginaire ? Et de manière plus large : n’y aurait-il pas derrière les personnages de romans de véritables êtres de chair et de sang transfiguré par la plume des écrivains ?
La grande nouvelle, c’est que nous avons un enquêteur ! Ce brillant détective littéraire est Christophe Hardy. Dans son ouvrage, paru chez Novice, L’incroyable destin des héros de roman, Christophe Hardy se livre à un véritable travail d’archéologue, fouillant les écrits des auteurs eux-mêmes, épluchant les travaux de spécialistes, passant au crible les articles des critiques, il nous rapporte et met en lumière la part cachée des personnages littéraires de légende.
Lire L’Incroyable Destin des héros de roman, c’est découvrir les secrets de nos héros classiques : D’Artagnan, Julien Sorel, Emma Bovary, Cosette ou Capitaine Nemo ; c’est s’apprêter à l’étonnement !
Bonjour Christophe Hardy,
"Comment créer des personnages captivants" est un des questionnements qui mobilise notre communauté, cette année. Nous avons ouvert un dossier qui ne demande qu’à s’enrichir au fil du temps. Comment les personnages de romans viennent-ils à la vie ? Naissent-ils de "rien", de l’imaginaire seul, ou sont-ils inspirés aux auteurs par des personnes de chair et de sang ?
Votre ouvrage récemment paru aux Éditions Novice, L’Incroyable Destin des héros de roman, tendrait à démontrer que les auteurs se servent (parfois) de modèles. Et nous n’allons pas dévoiler les "scoops" contenus dans votre livre (soit dit en passant : les révélations à propos de D’Artagnan vaudraient à elles seules la lecture de votre ouvrage !), mais plutôt creuser les modalités de la "création" des personnages.
Notre première question est une méta question : que représentent pour vous les personnages de fiction ?
Christophe Hardy : Une méga question ! Question gigantesque…. Je vais vous donner quelques brefs éléments de réponse personnels, fruits de mon expérience de lecteur et d’écrivain. D’abord un personnage de fiction n’est pas un être de chair et de sang. C’est une créature de papier. Ma rencontre avec lui/elle n’a donc rien à voir avec la rencontre d’êtres réels, qui ponctue, structure une vie humaine — rencontres amicales, amoureuses, intellectuelles, etc.
Mais cela ne veut pas dire que les liens sensibles que j’établis avec un personnage de roman sont dépourvus d’intensité. Ils ont l’avantage de dépendre de mon seul bon vouloir, de mon entière liberté : si je veux retrouver un personnage de roman que j’ai apprécié, je reprends le livre, j’ouvre les pages et je renoue avec lui (ou avec elle...); à l’inverse, si je ne veux plus entendre parler d’un personnage qui, un jour, m’a fasciné, ému, effrayé ou irrité, il suffit que je le tienne loin de moi, à l’intérieur du livre qui l’enferme.
Il y a bien sûr, dans la rencontre avec un personnage, et spécialement à l’âge des découvertes et des premières fois, le phénomène couramment évoqué de l’identification avec toutes ses conséquences bienfaisantes : d’Artagnan réveille et entretient mon goût de l’aventure, de la vie aventureuse, nomade et imprévisible ; Jean Valjean nourrit mon sens de la justice, etc.
Mais au-delà de ce phénomène classique d’identification (ou de répulsion — ce qui revient au même, en négatif), ce que je trouve beau dans la rencontre avec un personnage de fiction, spécialement quand il est riche, quand il appartient à une grande œuvre, c’est que son épaisseur humaine née dans l’imagination d’un créateur — même si elle est construite par un agencement de phrases et de chapitres — a la capacité de m’accompagner dans le temps d’une vie entière. Si je prends l’exemple de Julien Sorel du Rouge et le Noir par exemple, je suis très heureux d’avoir pu, à l’occasion de cet essai sur les héros, renouer avec lui. J’avais gardé de mes premiers contacts avec ce jeune ambitieux le souvenir d’un être intransigeant, peu sympathique, assez violent. J’aimais mieux fréquenter Fabrice del Dongo, autre héros stendhalien (La Chartreuse de Parme). En relisant Le Rouge et le Noir pour écrire sur Julien, j’ai découvert, au-delà de la violence du jeune homme, une pureté admirable, et à la fin du roman quelque chose de bouleversant dans la façon qu’il a, condamné à mort, de s’ouvrir enfin à l’amour.
C’est très agréable de se dire, particulièrement avec de grands textes classiques, que leur relecture va sans doute nous révéler des surprises, tout simplement parce qu’avec l’âge, les expériences, nous nous transformons, et donc notre regard sur le monde se modifie, ce qui vaut aussi pour le regard que nous portons sur les mondes que nous proposent les romans.
Comment vous est venue l’idée d’enquêter et quelle a été votre première enquête ? Est-ce qu’un personnage vous a "interpellé" ?
L’idée de l’enquête est venue de mon éditeur, Timothé Guillotin. Il a proposé que j’établisse une liste de personnages — ou plus exactement de "héros" — de roman en me limitant à la littérature française — ce qui représente déjà un immense domaine, car notre littérature est riche de milliers de héros, hommes et femmes. La liste a été communiquée ensuite à un institut de sondage (BVA) qui a interrogé ce qu’on appelle dans le jargon des sondeurs un « échantillon représentatif de la population française » pour déterminer quels étaient les héros et les héroïnes préférés des Français. Les résultats ont été des confirmations (exemple d’Artagnan, champion incontesté dans la catégorie "aventuriers"), mais aussi des surprises (Cosette occupe la première place dans la catégorie "héroïnes féminines"). Beaucoup de personnages plébiscités appartiennent à la littérature du XIXe siècle (Dumas, Hugo, Zola, Balzac, Jules Verne…), qui est le grand siècle français pour le genre romanesque.
J’ai commencé à déterminer les différents chapitres du livre à partir des résultats. Le principe est, tout en respectant les choix issus du sondage, de s’accorder la liberté la plus grande pour parler d’un personnage : par exemple, pour évoquer les personnages d’ambitieux, j’ai construit le chapitre autour de Julien Sorel bien sûr (il est arrivé en tête dans cette catégorie), mais je ne me suis pas interdit d’y faire intervenir aussi le Rastignac conçu par Balzac ou "Bel Ami" (Georges Duroy) imaginé par Maupassant.
Pour ce qui est de "l’interpellation" : j’ai été surpris par quelques grandes absences (Meursault par exemple — je pense que les lecteurs de Camus retiennent L’Étranger, mais oublient que le héros s’appelle Meursault; le hussard, Angelo Pardi, de Giono a récolté peu de suffrages; idem pour Bardamu, le héros du Voyage au bout de la nuit de Céline; ou la Princesse de Clèves, tellement popularisée par les déclarations d’un ancien président de la République…) Surpris aussi de voir figurer Arsène Lupin comme n° 1 dans la catégorie Brigands, Hors-la-loi. La raison est certainement qu’au moment du sondage sortait une adaptation avec Omar Sy dans le rôle du gentleman cambrioleur.
Comment avez-vous mené l’enquête ?
La première étape de l’enquête sur le héros ou l’héroïne, c’est la relecture du roman. Le roman est l’écrin enveloppant celle ou celui dont je vais parler. Ou le terreau dans lequel il prospère. Parfois il s’agit de plusieurs romans : pour le capitaine Nemo par exemple, impossible de l’apprivoiser complètement si on ne se réfère pas aux deux romans où il apparaît, Vingt mille lieues sous les mers et L’Île mystérieuse. Pour d’Artagnan, impossible de se limiter aux Trois Mousquetaires. Il est indispensable d’aller voir aussi du côté de Vingt ans après et du Vicomte de Bragelonne, cela donne une vision complète du personnage, de ses métamorphoses à mesure qu’il vieillit. Cette relecture des romans, je la fais crayon en main pour choisir des citations, des extraits qui viendront éclairer mon propos général, et, si possible, donneront au lecteur l’envie de lire ou de relire le roman dont il est question. Ça me plaît beaucoup cette idée d’écrire un livre ouvert sur d’autres livres — c’est un beau principe, je trouve, et j’ai toujours cette image, en écrivant, que le livre est comme une chambre avec plein de fenêtres ouvrant sur une pluralité de paysages.
Je fais aussi des lectures complémentaires, sans souci d’exhaustivité : critiques, études savantes, brouillons, correspondances… Celle de Flaubert est passionnante et nous fait entrer dans le quotidien infernal de l’écrivain, cinq ans d’un chantier exténuant pour arracher son sujet trivial à sa peau originelle et en faire un objet de beauté. La correspondance de Jules Verne et de son éditeur Hetzel, les désaccords qu’elle fait surgir sont précieux pour faire comprendre le cheminement du romancier quand il conçoit le capitaine Nemo.
Et puis je mobilise ma culture personnelle, littéraire, historique, etc. Pour d’Artagnan, par exemple, le fait de connaître un peu l’histoire du duel et de l’escrime m’a aidé à mieux comprendre la création romanesque de Dumas. Pour Emma Bovary, le rapprochement avec La Femme de trente ans de Balzac, que j’avais lu par hasard peu de temps auparavant, m’a permis d’éclairer la façon dont certains romanciers (masculins) du XIXe siècle n’ont pas hésité à s’intéresser à la question du plaisir féminin (et de son absence dans le cadre conjugal).
Quel a été le personnage le plus passionnant à explorer ? Votre enquête qui vous a apporté le plus grand plaisir ?
Toutes les héroïnes et tous les héros plébiscités par mes compatriotes sont passionnants à explorer. Même un personnage touchant, mais un peu fade, comme Cosette, personnage sans grande épaisseur humaine, est passionnant à observer, à approfondir. J’ai donc pris beaucoup de plaisir à faire ce marathon de lectures et d’écriture — avec d’autant plus de plaisir que, régulièrement, je changeais de compagnon ou de compagne de voyage. De mémoire, la première fut Cosette, ensuite il y a eu Nemo, puis d’Artagnan, Emma Bovary et, pour finir, Julien Sorel. Ma plus grande fierté est double. À la fin du chapitre sur Emma Bovary, j’ai vraiment eu la sensation de lui avoir rendu justice, d’avoir mis en évidence sa grandeur (celle que Flaubert lui a donnée en l’imaginant, en la créant) et de l’avoir sortie des idées toutes faites, accumulées avec le temps, provoquées par de mauvais souvenirs scolaires parfois, notamment l’idée d’une Emma, petite bourgeoise dépressive, coincée dans le mariage et dans sa province, donc ennuyeuse; au contraire Emma est une femme de désirs, une guerrière très sensuelle et sa fin, aussi catastrophique soit-elle, est grandiose. L’autre fierté concerne Sorel. J’ai l’impression de l’avoir apprivoisé, de l’avoir dégagé du cynisme et de la tartufferie où l’on a envie souvent de l’enfermer, comme si — je ne suis pas le premier à le faire, mais c’est quelque chose qu’il faut refaire régulièrement pour une œuvre, pour un personnage — je lui redonnais son éclat véritable, sa pureté (si riche, si complexe) originelle.
Comment pensez-vous que les connaissances sur les origines de ces personnages peuvent influencer la lecture et la compréhension des romans ?
Je pars du principe suivant, et j’essaye de le respecter : quand on commente une œuvre, il faut toujours veiller à ne pas avoir le dernier mot. Celui-ci appartient à l’œuvre, pas au commentaire. Ce serait dommage que la révélation de (quelques) "secrets de fabrication" laisse penser que les héros sont des petites mécaniques agencées avec plus ou moins d’art par un romancier. Ceci dit, il est possible que la singularité d’un héros puisse être parfois mieux appréciée, mieux goûtée en la rapportant au processus de création dont il est l’aboutissement. Par exemple, Stendhal, de façon très surprenante, conçoit son Julien Sorel à partir de trois "sources", son imagination créatrice le conçoit en agrégeant deux personnages de fait-divers (deux auteurs de féminicides) avec une grande figure historique (Napoléon 1er) — trois personnages réels, mais largement fantasmés par le romancier. J’ai trouvé aussi très intéressant de suivre la figure de Cosette, figure iconique dépourvue d’une véritable intériorité : ce n’est pas parce qu’elle est un personnage assez inconsistant qu’elle n’est pas touchante. Pointer ses limites n’empêche pas d’être ému par son sort (quand elle est enfant), par sa désinvolture passagère (quand elle se marie et oublie son "père" Jean Valjean) et par son chagrin ultime.
J’ai entendu que votre ouvrage est devenu une ressource scolaire. Pensez-vous que votre travail puisse avoir un impact sur l’étude de la littérature et l’analyse des personnages ?
Un article a suggéré que le livre pouvait être utile aux futurs bacheliers. Tant mieux si ça se produit, mais ce n’était pas mon ambition première. Je ne voulais pas faire un ouvrage scolaire, mais un livre personnel, un livre de lecteur (ou de relecteur). Un livre qui donne l’envie d’aller se plonger ou se replonger dans des grands ouvrages classiques — plongée plaisante et rafraîchissante. Si, par surcroît, la lecture de certaines pages de mon essai éclaire ou aide de futurs bacheliers ou des étudiants, tant mieux.
Y a-t-il des personnages que vous aimeriez explorer ou des auteurs dont vous aimeriez dévoiler les secrets ? J’ai cru comprendre que cet ouvrage était le tome 1 d’une série à venir. Allez-vous enquêter sur des personnages actuels ?
La série se limitera à deux volumes ! Les personnages du volume II sont déjà définis (les Français ont tranché par sondage). Je vais donc me consacrer à eux (ils sont six, quatre hommes et deux femmes). Mais en prenant toute liberté d’introduire dans le tableau général d’autres personnages, moins plébiscités, comme je l’ai fait dans ce volume I. Le XXe siècle est absent du volume I. Il sera présent dans le volume II. Enfin, je pense faire un chapitre conclusif autour des "grands absents", des héros qui n’ont pas recueilli les suffrages de mes compatriotes, mais qui méritent d’être cités.
Christophe Hardy — © photo de Yann Bohac
Écrivain, poète, musicien, ancien élève de l’ENS, Christophe Hardy conjugue des passions et des talents diversifiés qui donnent régulièrement naissance à des ouvrages où le plaisir de l’écriture et l’humour le disputent à l’érudition soignée du propos.
Il a écrit sur la langue française (Les Mots de la musique, 2007 ; Les Mots de la mer, 2002, récompensé par l’Académie de marine) ; sur la littérature (À la rencontre des romans français, 2018), et sur la poésie (Anthologie de la poésie japonaise, 2007).
Parmi ses œuvres de création : La Mise en pièces, 2004 ; Questions à Don Quichotte, 2005. Il a également signé un livret d’opéra pour le Printemps des Arts de Monte-Carlo, 2017 : Mazeppa ou l’Amoureuse Échappée. Son dernier recueil de poèmes : Appétit d’espaces, 2017.
Engagé et militant pour la cause des auteurs, Christophe Hardy est administrateur de la SGDL depuis 2018 (Société des Gens de Lettres, association d’utilité publique qui défend et accompagne les auteurs depuis 1838). Il en devient le Président en 2020. Il s’est particulièrement investi lors de la liquidation judiciaire brutale des éditions Le Baron perché. Épaulé par le service juridique de la SGDL, il a organisé entre 2015 et 2020 la défense collective des auteurs de cette maison d’édition.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Bonjour@ANTALL je vous rejoins dans votre analyse. Étant donné que nous ne sommes pas des robots sans conscience, lorsque nous écrivons, nous puisions fatalement dans nos subconscients des situations vécues, des personnes de notre entourage ou rencontrées, dans nos lectures, et ce, sans forcément penser à de potentiels lecteurs ; on peut très bien écrire pour soi. J'ai dans mes fichiers des dizaines d'histoires que personne n'a lues et ne lira jamais. Sinon, le mur des nouveautés serait saturé pendant au moins trois mois ;-). Pour en revenir au sujet de la tribune, certains personnages de romans nous marquent plus que d'autres et pas forcément ceux cités dans la chronique. Chaque lecteur garde en mémoire ceux avec lesquels il est entré en osmose, relit régulièrement ses livres préférés dans lesquels il les retrouve, comme un ami qui a toujours quelque chose de nouveau à lui raconter.
Je crois qu'AUCUN héros n'est jamais né de la STRICTE imagination de son auteur. Il y a selon moi obligatoirement un lien, même ténu, avec quelqu'un qui existe ou qui a existé. Pour preuve : les personnages d'animaux Disney, l'Ours de JJ Annaud, Wall-E, et même Terminator ont tous adopté des travers humains.
Pourquoi ? Parce que même dans les pires travers, le lecteur doit s'identifier.
Les héros sont adaptés à l'aventure qu'ils vivent, de façon à évoluer. Outre cet indispensable arc narratif, l'attachement suscité ne peut fonctionner que si le protagoniste ressemble un tant soit peu à ses lecteurs, que s'il possède des défauts reconnaissables. Défauts que l'auteur aura puisé à l'envi auprès de son entourage, et recyclé selon les besoins de son intrigue.
Ne dit-on pas que rien ne se crée, tout se transforme ?
@Michel Laurent. D'accord avec vos remarques : "les héros et héroïnes des romans modernes seraient beaucoup moins positifs : Meursault, dont il est question ici en négatif, est froid comme une pierre, Folcoche de Bazin est une mère indigne et cruelle, Vernon Subutex de Despentes est un drogué et un marginal, les héros de Houellebecq sont pour la plupart, à l’image de l’écrivain, des angoissés..."
MAIS ne serait-ce pas un ajustement, une autorisation ou une licence d'explorer enfin le moins joli, la part d'ombre en l'humain ? Je daterais volontiers cette tendance à parti de Camus ; mais Le Mythe de Sisyphe nous éclairerait sur le tragique de cet éternel recommencement jusqu'à ce qu'il soit tranché par mesdames les Parques ?
@Christophe Hardy,
Merci pour cette interview qui me laisse imaginer beaucoup de choses concernant les personnages de romans et finalement l'attachement que l'on peut avoir envers l'un ou l'autre. Le lecteur ferme parfois le livre avec un pincement au cœur, une impression de connaître ce personnage fictif. Est ce que cela serait encore plus vraie lorsqu'il s'agit d'une biographie ?
La démarche est intéressante, mais pour moi curieuse. Enquêter sur « les héros et héroïnes préférés des français », déterminés à partir d’un sondage, cela me fait penser à un jeu concours organisé par TF1. Au moins est-on sûr, en procédant ainsi, de tomber sur des « classiques », des héros consensuels, dont tout le monde a entendu parler, ne serait-ce qu’à l’école. La patine du temps a lissé leur profil, ils sont devenus des héros positifs (je parle de ceux retenus par les ménagères de moins de cinquante ans, pas des héros « classiques » en général, Raskolnikov par exemple). Les héros et héroïnes des romans modernes seraient beaucoup moins positifs : Meursault, dont il est question ici en négatif, est froid comme une pierre, Folcoche de Bazin est une mère indigne et cruelle, Vernon Subutex de Despentes est un drogué et un marginal, les héros de Houellebecq sont pour la plupart, à l’image de l’écrivain, des angoissés, souvent misogynes, racistes et xénophobes, etc. Finalement, la vie est plus belle en s’en tenant à l’objectivité des sondages. Pour autant, explore-t-on ainsi véritablement la richesse et la diversité de la littérature, donc de la vie ?