Ceux qui ont découvert l’autoédition il y a un peu plus de 10 ans, quand monBestSeller naissait, ont mémorisé des noms. Charlie Bregman fait partie de ces noms. Alors que nous étions dans l’exploration d’un nouveau monde apparaissait son livre-enquête "L’autoédition pourquoi comment pour qui" qui fit un tabac sur Amazon. D’ailleurs les trois guides proposés par Charlie de 2013 à 2015 (avec leurs rééditions et mises à jour régulières) ont rencontré le succès.
Mais écrire des guides pour l’autoédition, ce n’était pas la voie de Charlie.
Charlie est une sacrée bestiole : parfois zèbre, souvent caméléon.
Un burn-out pour ses 38 ans siffle la fin de la décréation. Charlie reprend sa vie en main, et, bientôt, entame le deuxième cycle de sa production d’écrits "exploration de conscience".
Fin 2015, paraît, toujours en autoédition et sur Amazon L’envers de nos vies qui sera classé au Top 50 des meilleures ventes Amazon, catégorie "Développement personnel sur les émotions". Il s’agit d’un recueil de 9 nouvelles, qui invitent à une meilleure connaissance des 9 états émotionnels qui nous sont accessibles.
Charlie se définit comme un passeur. S’il adore raconter des histoires, c’est dans un but précis : accompagner ses lecteurs à passer d’un état d’esprit "négatif" à un nouvel état d’esprit "plus positif". Passer d’un état d’inconscience, qui génère des souffrances ou des luttes, à un nouvel état de conscience plus propice à l’épanouissement de soi et à la paix avec les autres.
C’est dans cet état d’esprit qu’il va continuer l’exploration du cycle "exploration de conscience", et se lancer dans son troisième cycle, qu’il nomme "reconnexion à soi", avec sa série "Ma vie est un sketch" : Vivement l’amour, et "Seul le résultat compte".
Charlie est un explorateur généreux. J’aime quand il nous dit : "la peur est un cadeau déposé au pied de l’arbre de Noël. L’ennui est que sur le paquet est inscrit le mot “bombe”". Et quand il conclut ainsi : "S’il y a un avenir dans cette civilisation, on ne peut pas le trouver dans les peurs"
Question:
Bonjour Charlie Bregman, ta venue à l’autoédition a des motivations assez originales, pourrais-tu nous en parler ?
Réponse:
Charlie Bregman : Mon premier roman a d’abord pris forme sur un blog.
Quand j’ai terminé le tapuscrit, le choix entre édition traditionnelle et autoédition s’est posé. L’édition offre un accompagnement précieux, mais l’autoédition permet une liberté totale, un aspect crucial pour moi. Malgré mes doutes et surtout face aux statistiques concernant la publication des premiers romans, j’ai décidé d’envoyer le livre à la seule maison d’édition qui me paraissait apte à accueillir ce roman un peu atypique.
Être accompagné, ou rester libre ?
Mais plus l’attente de la réponse se prolongeait, plus la peur qu’on me dise oui s’intensifiait. Je ne me sentais pas du tout prêt à me retrouver sous les projecteurs. Je n’avais aucune envie de vivre ça, parce que je crois que je n’avais pas encore vraiment compris qui j’étais. J’avais besoin de temps ; d’y aller à mon rythme.
Au bout trois mois d’attente, la réponse est arrivée : le livre était jugé atypique, difficile à intégrer. Soulagement immédiat : je pouvais me lancer dans l’autoédition, créer ma couverture et matérialiser mon livre à ma manière…
C’est jouissif, l’aventure de l’autoédition, pour un auteur.
Question:
Parle-nous de cette liberté d’auteur autoédité
Réponse:
Charlie Bregman : Nous, les auteurs, nous sommes des privilégiés. En matière de liberté, nous avons d’abord la page blanche, et lorsque le livre est écrit, il nous reste encore l’autoédition !
L’écriture et l’autoédition, c’est comme un monde parallèle auquel on a accès pour expérimenter la liberté, sans autres limites que celles que l’on se fixe, que ce soit par décence ou par convention.
Indépendance et autonomie
Un auteur autoédité est dans sa bulle, du début à la fin. Il est amené à endosser toutes les casquettes, à apprendre sans cesse de nouvelles compétences, à se familiariser avec de nouveaux outils…
Moi, j’ai besoin d’apprendre, de me confronter à de nouveaux défis et m’enrichir pleinement du temps que je traverse. Quand on fonctionne par habitude, je trouve qu’on se déshumanise. L’être humain n’est pas fait pour l’habitude. Il devient une espèce d’intelligence « artificielle ». Un programme.
La liberté, c’est tout le contraire. C’est quelque chose de vital pour tous. Quand on est libre, on est forcé d’endosser la pleine responsabilité de nos choix, de notre parcours, de nos difficultés et de la manière dont on se renforce dans les obstacles et les épreuves que nous traversons.
La liberté nous apprend la résilience. Elle pousse à la rencontre avec soi, et à la rencontre véritable avec les autres, parfois dans la confrontation et parfois aussi dans l’évidence d’une reconnexion.
À travers l’autoédition, j’ai eu la chance de pouvoir explorer des thématiques différentes, comme elles s’imposaient à moi et non comme on aurait peut-être pu me l’imposer dans une maison d’édition traditionnelle qui a besoin de poser une étiquette fiable sur un auteur pour en parler correctement.
Question:
Quelle place tient l’écriture dans ta vie ? Comment harmonises-tu l’écriture et tes activités sociales et professionnelles ?
Réponse:
Charlie Bregman : J’écris depuis l’âge de 13 ans, et l’écriture est une nécessité vitale pour moi. Les rares périodes où je n’ai pas pu écrire m’ont donné l’impression de m’éteindre à petit feu.
J’ai beaucoup de textes non finalisés, mais je choisis de publier seulement ce qui donne de l’énergie et ouvre des horizons.
Un besoin d’accomplissement
L’équilibre entre l’écriture et la vie sociale ou professionnelle dépend des priorités, qui évoluent avec le temps. L’écriture répond à un besoin d’accomplissement, et j’aspire donc forcément à en faire mon activité principale. Depuis un certain temps, des défis personnels m’ont contraint à reléguer momentanément l’autoédition au second plan. Mais l’écriture est restée mon refuge et mon soutien. Sans elle, je n’aurais pas pu tirer un bénéfice de ce que j’ai traversé.
Question:
Est-ce que le succès remporté par tes guides pratiques a influencé ta décision de continuer dans l’autoédition ? Est-ce que le « succès » est une donnée qui t’importe ?
Réponse:
Charlie Bregman : Je vois le succès de deux manières. D’abord, comme une quête de reconnaissance, liée à un besoin d’estime de soi et de validation par les autres. Ce succès est un objectif, une sorte de carotte à atteindre. Ensuite, il y a le succès plus personnel, détaché du regard des autres, plus intime et confidentiel, que je qualifierais presque d’ineffable.
L’important, c’est l’écho
J’aime lorsque la littérature s’aventure à au moins essayer de l’exprimer, cet « ineffable ». De le partager. De le ramener au monde comme un trésor remonté des plus obscures profondeurs de soi. C’est ce succès-là qui m’importe. Il relève de ma réalisation personnelle.
Le succès (que je qualifierais personnellement de très relatif) de mes guides pratiques m’a encouragé à continuer dans l’autoédition parce que j’y ai trouvé la légitimité dont j’avais besoin pour écrire des livres pas seulement pour moi. Quand nos publications trouvent un écho chez nos lecteurs, tous nos efforts prennent leur sens.
Question:
Ton travail te conduit à explorer les peurs humaines et les blocages qu’elles créent. Qu’est-ce qui t’a poussé à te concentrer sur ce thème ?
Réponse:
Charlie Bregman : Notre intégration sociale, de la famille à la vie professionnelle, altère d’une certaine manière notre cerveau en nous imposant des croyances limitatrices.
L’écriture, par le pouvoir des mots, permet de s’en libérer en trois phases.
L’écriture m’apporte la lumière
D’abord on prend conscience des programmations en les couchant sur le papier, en les matérialisant à l’extérieur de soi. Ainsi, on peut faire face aux peurs qui nous limitent et aux blocages qui nous emprisonnent dans des schémas de vie sclérosés, répétitifs. Sans cela, nous tournons en boucle, sans capacité d’évolution… mais surtout de libération. C’est cette phase, chez moi, qui regroupe les écrits que je ne publie pas.
Ensuite, nous pouvons explorer la nature de notre monde intérieur nettoyé de ces filtres encrassés. Notre perception du monde s’en trouve modifiée, élargie. Nous adoptons un nouveau point de vue sur la réalité. Lorsque j’écris un roman, par exemple, je suis dans cette deuxième phase. J’ai l’intuition que je suis dans la bonne thématique à explorer mais je considère que tant que le roman ne m’a rien appris que je ne savais déjà, le travail n’est pas bouclé. C’est l’écriture qui m’apporte la lumière. Un nouvel éclairage.
Et enfin, une fois que nous avons appris quelque chose de ce nouveau point de vue, nous pouvons le partager avec les autres, pour les enrichir ou parfois pour les heurter, mais ça, c’est une décision ou une réaction qui leur appartient, en fonction de leur capacité à interroger la réalité plutôt que de la renforcer sans cesse dans ses certitudes.
L’écriture est directement liée, pour moi, à l’exploration de ce que nous appelons la conscience. Pour comprendre la nature de la conscience, nous sommes forcés d’aller explorer ce qui se cache de l’autre côté de nos peurs, c’est-à-dire d’aller titiller les multiples blindages de notre ego.
Question:
Pourrais-tu nous expliquer ta métaphore de la peur "cadeau déposé au pied de l’arbre de Noël" mais avec le mot "bombe" inscrit dessus. Dans quelle mesure reflète-t-elle ton exploration de la psyché ?
Réponse:
Charlie Bregman : La peur est comme un cadeau mal emballé : on voit l’étiquette « bombe » et on fuit. Mais tant qu’on n’ouvre pas, on ne sait pas ce qu’il y a vraiment à l’intérieur. Affronter ses peurs, c’est accéder à un supplément de conscience, ce que j’appelle un supplément d’âme. L’âme, c’est ce que nous sommes derrière notre ego, qui est en fait la matérialisation de nos peurs.
Courage, ouvrons !
Dans un monde qui nous pousse à être forts et à ne pas douter, je me demande : et si le vrai courage consistait à interroger plutôt qu’à cultiver des certitudes ?
Question:
Ton empathie et ta proximité avec les gens transparaissent dans tes écrits. Comment cette empathie influence-t-elle ton processus créatif ?
Réponse:
Charlie Bregman : On confond souvent hypersensibilité et empathie. L’hypersensibilité est centrée sur nos propres réactions, nous faisant sur-réagir à des stimuli que d’autres ignorent. C’est la première étape vers la reconnexion à l’autre : connaître la douleur nous permet de comprendre celle des autres. L’empathie naît lorsque cette hypersensibilité dépasse notre ego pour ressentir les émotions d’autrui : on devient hypersensible aux autres, au sens humaniste du terme.
L’écriture comme prolongement de l’empathie
L’écriture est un prolongement de l’empathie, elle permet à la fois de développer et de matérialiser cette reconnexion aux autres.
Question:
Penses-tu que tu pourrais développer un des « cycles » (Exploration de conscience, ou reconnexion à soi) dans une maison d’édition. Penses-tu parfois à chercher un éditeur, ou as-tu définitivement opté pour la liberté de création ?
Réponse:
Jusqu’à présent, j’avais besoin d’explorer mon monde intérieur à mon rythme, sans influences extérieures. Cette liberté m’a permis d’avancer à ma manière. Je crois qu’il y a des cheminements qui ne nous épargnent pas la solitude. Avec les autres, nous allons très difficilement explorer nos parts obscures, et ce travail est tout aussi nécessaire.
Maintenant que j’ai le sentiment d’avoir beaucoup de choses à partager, collaborer avec un éditeur pourrait être bénéfique, car l’autoédition demande une présence sur tous les fronts que je ne peux pas assurer pour l’instant.
Mais je crois surtout aux vertus de la patience. Tout arrive au bon moment, et si un partenariat avec un éditeur doit se faire, ce sera quand nous serons tous deux prêts. Pour l’instant, la liberté me convient, et j’ai déjà beaucoup à faire.
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Ajoutons que toute lecture, autre que superficielle, est aussi source de profonds changements psychiques.
Charlie Bregman nous parle des vertus thérapeutiques de l’écriture dans son parcours d’auteur. Il évoque cette écriture qui ouvre à une meilleure connaissance de soi, à une connexion plus fine à soi et, par élargissement, aux autres.
Dans cette perspective, il porte le projet par ses textes d’amener ses lecteurs à un changement d’état psychique, une transformation intérieure permettant une nouvelle façon de se voir et de percevoir le monde.
J’aime ce chemin de l’écriture et je rejoins l’auteur sur ce point : l’écriture apprend à connaître ce Cœur (avec un grand c) qui nous habite et, à travers cette connaissance, à transmettre un message qui pourrait aider d’autres. Avec ce type d’écriture nous plongeons dans un registre à la fois psychothérapeutique, spirituel et humaniste, qui comme l’exprime Charlie Bregman, vient ouvrir des horizons.
Cependant, cette écriture étant, pour moi, l’un des miroirs de l’âme reflétant l’intimité de son auteur, elle ne peut être le prolongement de l’empathie, mais bien plutôt son terrain d’expression et de renforcement. Les mots, les phrases sont des véhicules d’émotions aptes à relier les âmes dans une sorte de communion des sentiments, celle d’appartenir à la communauté humaine.
D’ailleurs, la personne que l’on qualifie ‘d’hypersensible’ (comme s’il s’agissait d’une pathologie) est déjà dotée de cette capacité d’empathie car sa réception accentuée du monde par ses sens lui ouvre de fait à une perception plus fine d’autrui.
Effectivement notre parcours est un moteur ... pour ma part le journal édité était de base pour me libérer... puis j'ai tenté de le proposer sur ce site et je mensuis rendue compte qu'il avait "aidé" certains lecteurs ...
Merci pour ce partage d'expérience très intéressant !
L'auteur autoédité n'est plus soumis à une ligne éditoriale imposée par les maisons d'édition. Mais je ne pense pas que l'écriture soit un prolongement de l'empathie ; on écrit d'abord pour soi, c'est une sorte de rébellion contre les autres et c'est pour cela que l'écrivain est solitaire. @Sylvie de Tauriac
C'est vraiment une incroyable opportunité pour découvrir l'avis de lecteurs objectifs et progresser dans son écriture.
Merci @Gwenn A. Elle.
Je crois que tous les auteurs possèdent la particularité de tirer parti de la richesse de leur parcours et de leur observation singulière du monde.
L'écriture est une sage discipline, telle l'exploration silencieuse et patiente de l'âme qui effleure derrière les protections que nous mettons inconsciemment à l'œuvre au contact de celles et ceux que nous n'identifions pas encore comme nos semblables.
Merci à Charlie Bregman et à mBS pour cet article. Le parcours est aussi intéressant que les idées... Ca amène à réfléchir. Belle continuation !
Gwenn