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Le 10 oct 2024

Les tendances lourdes de la littérature 2024 et la course aux Prix littéraires

Les courants de genres littéraires des dernières années montrent un recentrage sur des valeurs dominantes qui structurent l’offre des romans. Les jurys littéraires accompagnent et amplifient ces phénomènes. Goncourt, Renaudot, Académie Française et Femina sélectionnent les candidats finalistes pour les futurs prix
Kamel Daoud. En Pole Position pour un grand PrixKamel Daoud. En Pole Position pour un grand Prix

>> Les récits introspectifs et d’auto-fiction dominent l'offre

L'auto-fiction est une passerelle idéale qui permet aux auteurs de traiter des sujets personnels avec authenticité mais en toute liberté. Sans carcan.
En période de transformation sociale et de questionnements identitaires, ce style littéraire permet une connexion entre fiction et réalité. L’'intimité et la construction personnelle revêt une dimension universelle dans laquelle beaucoup se reconnaissent.
Les lecteurs sont attirés par des récits qui semblent vrais : famille, sexualité, traumatismes. Ils font écho aux questions de subjectivité et d’identité.

Des auteurs comme Annie Ernaux, récompensée par le Nobel de littérature, et Édouard Louis l'illustrent. Ils ont popularisé l'auto-fiction.
Cette tendance se retrouve aussi dans les prix des dernières années, où les œuvres introspectives qui explorent les thèmes de la mémoire et de l’identité ont souvent été primées comme le dernier Goncourt de Jean-Baptiste Andrea et son roman "Veiller sur elle" 

 Aujourd'hui, Thibault de Montaigu, dans son nouveau roman, "Coeur", l’un des chevaux de course de la Maison Albin Michel, sélectionné au deuxième tour du Goncourt 2024 se plonge dans l’histoire de sa famille et en particulier celle de son arrière grand père, capitaine de hussards, décédé lors d’une charge héroïque en 1914.
Secrets enfouis et valeurs chevaleresques s’inscrivent dans cette recherche d’identité.

De même "Cabane" d’Abel Quentin raconte l’histoire d’un homme qui se reclut au bord d’un lac pour fuir une civilisation envahissante et qui doit faire face à ses propres contradictions. Il y aborde les thèmes du désenchantement de la vie contemporaine et la découverte de vérités inattendues

Enfin, Maylis de Kerengal, déjà finaliste au Goncourt avec « Réparer les vivants » aura sa chance encore cette année. "Jour de ressac", très bien accueilli par la critique pour son écriture émotive, émouvante raconte la douleur d’une femme qui se rend en Australie pour identifier le corps de son fils. Un voyage intérieur.

>> Thématiques Sociales et Engagement Politique : des thèmes sur lesquels de nombreux romanciers se retrouvent

>> La littérature contemporaine tend à explorer des questions d'injustice, de racisme, de féminisme, de crises migratoires, de guerres et de massacres sanglants. Cela résonne avec les lecteurs et critiques dans un contexte mondial de plus en plus conscient des questions de justice sociale.
Les romans qui abordent des questions de société et des causes politiques comme Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, ont été acclamés.
Ils montrent que les jurys des grands prix littéraires valorisent les récits qui confrontent la société à ses dilemmes.
Un phénomène qui continue de dominer les sélections. 

>> Le nouveau roman de Gaël Faye, "Jacaranda" est bien placé pour les Prix, Il décrit les conséquences durables du génocide rwandais sur quatre générations. Comprendre l’histoire de sa famille et de son pays à travers un récit de reconstruction et de résilience.
>> Sélectionné et dans un esprit similaire, Delphine Minoui relate dans "Badjens", l’histoire d’un groupe de jeunes femmes Afghanes déterminées à changer leur avenir, marquant leur volonté et leur courage. Elles défient les dangers pour leurs rêves, leur liberté et leur indépendance.
>> Enfin, bien placé, le Bastion des larmes d’Abdellah Taïa raconte le retour au pays d’un jeune exilé marocain qui se confronte à son passé et particulièrement à son premier amour. Ce roman met en avant les défis et répressions auxquels sont soumis la jeunesse homosexuelle de l’autre côté de la Méditerranée

Puis, sans doute le favori, "Houris", de Kamel Daoud (Ancien Prix Goncourt des lycéens), (plus vraiment le bienvenu dans son pays) explore à travers une fiction déchirante de l’une de ses victimes  la décennie meurtrière 1990-2000 en Algérie. Une décennie presque cachée par les pouvoirs publics au profit de la guerre d'indépendance. Plus facile d'accuser sans risque des coupables qui font maintenant partie des livres d’histoire.
Un livre pour la cause des femmes qui ré-éclaire l'histoire.

>> Récits historiques et Mémoires collectives déferlent...

Dans un monde en rapide transformation, les récits historiques sont un moyen de réexaminer le passé pour comprendre les enjeux d’aujourd’hui. Ils offrent des perspectives sur la mémoire collective, et revisitent les moments de l'histoire avec un regard critique.
Ils ont une place de choix dans les sélections des grands Prix. Par exemple, L'Ordre du jour d'Éric Vuillard, qui explique les coulisses de l'Anschluss, a remporté le Goncourt en 2017.

 >> Aujourd'hui, dans ce genre, l’un des sérieux Goncourables est « Vous êtes l’amour malheureux du Führer"  de Jean-Noël Orengo. Ce livre étudie l’ ambiguïté du personnage d’Albert Speerl’architecte préféré d’Hitler. Manipulation, séduction.
C'est la mise en scène de la complexité psychologique de personnages de l’histoire qui pose la question de dilemmes moraux.

>> Des œuvres comme celles de Philippe Jaenada explorent des histoires vraies et des faits divers du passé, re-contextualisant des éléments historiques à la lumière contemporaine​.
La désinvolture est une bien belle chose, dans le peloton des "primables", retrace la vie d’une femme apparemment insouciante de l’après-guerre, qui met fin à sa vie.
Une enquête historique qui se mêle à un portrait psychologique sans qu’on sache lequel domine..

Et demain ?

>> Auto-fiction, engagement social et récits historiques sont des « tendances lourdes », profondément ancrées dans les choix de thèmes d'auteurs et a fortiori des jurys des prix littéraires. L'accent est mis sur des thèmes universels qui trouvent une caisse de résonance avec les lecteurs et explorent les tensions entre l’individuel et le collectif. 
 
>> En revanche, la montée des préoccupations environnementales émerge aussi. Elles influencent la littérature, avec des auteurs qui explorent la relation entre l’homme et la nature.
Des romans comme Le Climatiseur de Nina Bouraoui et des essais d'auteurs comme Pierre Ducrozet traitent de thèmes environnementaux et trouvent un écho auprès des jurys. Et du public.

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11 CommentairesAjouter un commentaire

Merci MBS ! ;)

Publié le 14 Novembre 2024

@Marie Berchoud
Demandé si gentiment, on ne peut qu'obtempérer :-)

Publié le 14 Novembre 2024

@tous&toutes : qui pourrait corriger dans la chronique ce segment "un homme qui se reclus": c'est fou, quand même !

Publié le 07 Novembre 2024

@Phillechat3 : Oui, bien d'accord, le social et le politique ont leur place elle est essentielle : et, une place vue d'ailleurs que depuis Paris-bons arrondissements, l'approche serait plus juste.
@ Patrice Dumas : un prix pour un autoédité ? impossible, car ce sont les ME qui gèrent le bizness

Publié le 16 Octobre 2024

@Marie Berchoud
Chère Marie, je vous remercie pour ce retour qui ouvre un débat passionnant. Vous soulevez une question cruciale : après la publication, qu'est-ce qu'on bâtit réellement ? La course aux prix et à la publication semble parfois être une fin en soi, mais n'est-elle pas une illusion éphémère ? Peut-être que la véritable force créatrice réside justement dans ce que l'on bâtit sur le long terme, indépendamment des récompenses extérieures. L'acte d'écrire reste, au fond, une quête de sens plus qu'une quête de reconnaissance.
Amicalement,
Alice Houan

Publié le 15 Octobre 2024

@Patrice Dumas : cela n'arrivera pas ; pourquoi ? il faut être présenté par un éditeur, donc...

Publié le 14 Octobre 2024

@Patrice Dumas. Etant donné que les auteurs sont présentés aux prix par les maisons d'édition, je me demande comment un auto-édité pourrait y accéder: impossible, non ?

Publié le 14 Octobre 2024

@Alice Houan. merci pour ces mots, que je partage: en effet, il règne une sorte d'autocensure en vu de la conformité, autrement dit, en vue de *maximiser ses chances d'accéder à la publication. Mais n'est-ce pas une illusion ? être publié, et après ? La vrai question me semble être : qu'est-ce que je désire (ou dois) bâtir ?

Publié le 14 Octobre 2024

Peut-être qu'une prise de conscience est en train d'éclore dans les têtes et que nous récoltons des tendances littéraires qui sont à son image : nous sortons de la contemplation d'un reflet pour ouvrir les yeux sur un monde qui nous file entre les doigts.

Publié le 13 Octobre 2024

Article intéressant, qui met bien en lumière les dynamiques actuelles du monde littéraire. La réflexion sur la course aux prix, notamment, m’a interpellée : entre la reconnaissance nécessaire et le danger de formater les œuvres pour plaire, c’est un équilibre délicat. Je me demande si cette tendance ne finira pas par impacter la créativité à long terme. Merci pour cette analyse qui pousse à la réflexion !

Publié le 12 Octobre 2024

Le retour du social et du politique est plutôt une bonne nouvelle : on sort d'un pur égocentrisme lassant.

Publié le 12 Octobre 2024