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Le 25 avr 2025

Portrait d'une rencontre fortuite avec "C…"

Une nouvelle qui trouve son espace dans les cabarets parisiens. La luxure des années 70 avait un piquant et un goût particulier, et ses incarnations empruntaient autant aux excès libératoires de 68 qu'aux charmes élégants plus formels du siècle dernier
J'appris au fil des mois où je fus son amant : qu'elle était l'épouse divorcée d'un chef d'orchestre de l'Opéra de Paris dont elle portait le nomJ'appris au fil des mois où je fus son amant : qu'elle était l'épouse divorcée d'un chef d'orchestre de l'Opéra de Paris dont elle portait le nom

Il est des rencontres inoubliables. Celle-ci en fut une, dans les années Pompidou. Mai 68 avait fait souffler un vent de liberté.

Auditeurs détachés à Paris le temps d'une spécialisation, mon collègue et moi tentions l'aventure dans un des rares dancings avec orchestre, où des femmes bien installées venaient s'encanailler. Proche de l'Opéra Garnier, il avait une excellente réputation.

La tablée d'à côté accaparait notre attention. Une blonde sublime, ressemblant beaucoup à une actrice connue pour ses beaux yeux, semblait en materner d'autres, plus jeunes, dans une langue nordique. Après quelques échanges de regards encourageants, je me suis risqué à inviter la dame pour une série de tangos.

J'étais subjugué par sa classe, son charme et sa conversation, surpris qu'elle ne soit pas Suédoise. Elle, séduite par mon aspect soigné, blazer à armoiries, chemise bleu clair, cravate club, avait cru que j'étais Canadien. Nous nous sommes spontanément accordés pour danser avec aisance et plaisir. Elle m'a demandé de venir l'inviter à nouveau, puis de revenir le lendemain soir.

Arrivé le premier, j'ai eu le plaisir de la voir descendre le grand escalier en captant tous les regards, encore plus éblouissante que la veille. J'étais flatté d'être celui à qui elle réservait l'exclusivité de sa présence. Elle avait prévu un prolongement plus intime à cette soirée, habilement suggéré. Je n'étais pas au bout de mes surprises.

Elle résidait dans un hôtel particulier proche de l'Hôtel Drouot. Le provincial que j'étais, jeune officier, découvrait le luxe haussmannien de la demeure où avait séjourné l'illustre cantatrice Hortense Schneider, triomphante dans les rôles de La Belle Hélène et de La Grande Duchesse du Gérolstein.

S'étant excusée qu'elle ne pouvait se donner à fond en raison d'un problème cardiaque, elle se révéla être au contraire habitée par un désir lubrique. Dans cette chambre éclairée par un faux feu de cheminée rougeoyant, la très raffinée "C…" en public se lâchait au lit dans un langage des plus salaces, où nos ébats se reflétaient à l'infini par le jeu des miroirs.

J'appris au fil des mois où je fus son amant : qu'elle était l'épouse divorcée d'un chef d'orchestre de l'Opéra de Paris dont elle portait le nom ; la descendante d'une famille d'aristocrates ayant donné un maréchal à Louis XV ; qu'elle avait été la voix de la France dans un pays d'Amérique du Sud, et une meneuse de revue (d'où son port remarqué pour descendre l'escalier) ; qu'elle était historienne spécialiste de l'Empire byzantin (elle me dédicaça un livre), mais qu'elle vivait de son métier d'antiquaire.

Elle me fit découvrir le Paris des cabarets et des théâtres, rencontrer quelques personnalités dont Jacques Chazot, Jean-Claude Brialy et la célèbre Fernande Grudet, plus connue sous le nom de Madame Claude.

Qui a dit : Je ne crois pas aux rencontres fortuites (je ne parle évidemment que de celles qui comptent) !

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Merci @Albert H. Laul pour votre commentaire, mais ce ne sont que des souvenirs inoubliables... de vieux souvenirs auxquels un thème d'écriture m'a permis de redonner vie.
Des souvenirs d'une époque hélas révolue. À l'époque de la nouvelle, le Président en exercice préconisait de ne pas emm... les Français. Aujourd'hui c'est tout le contraire. Il y a trop d'interdits, parfois une sur-interprétation de mesures initiées par la technocratie européenne, une liberté qui se restreint dans beaucoup de domaines (la dernière en date, aberrante, est la poursuite contre un artisan boulanger qui avait ouvert le 1er mai... jusqu'où ira-t-on dans l'absurde ? D'autant que les restaurants et les grandes surfaces sont ouverts).
Et le monde n'est plus ce qu'il était. On n'entend parler que de violences, d'attentats, de conflits, de harcèlement, de féminicides, d'effondrement des services publics...
J'espère que vous avez profité, au moins un peu, de cette période heureuse où on croquait la vie à pleines dents, où on mettait en pratique certains slogans clamés en mai 68. On faisait l'amour plutôt que la guerre, on jouissait sans entraves... on savait se faire un bien fou.
MC

Publié le 25 Avril 2025

La frontière entre fantasme et souvenir est à plusieurs reprises franchie avec habileté.
Merci à vous,
Albert

Publié le 25 Avril 2025

Merci @Zoé Florent pour ton commentaire signalant au passage la mise en ligne tardive et l'intervention du bouffon de service. Oui, quelle chance d'avoir vécu cette époque si douce qui malheureusement aussi précédait de peu la fin des trente glorieuses. J'apprécie d'autant plus ton commentaire, chère Michèle et amie de longue date, que nous avons traversé cette période, comme tu le soulignes, dans deux univers très différents : moi dans le monde en vue, sélect, huppé, toi dans le mouvement hippie. Et aujourd'hui, la rencontre de ces extrêmes dans cette communauté d'auteurs a donné lieu à une sincère amitié riche de ses différences.
Merci @Phillechat 4 pour votre ressenti à la lecture de cette nouvelle qui a provoqué des vibrations infinies. J'en suis heureux !
MC

Publié le 25 Avril 2025

Chère @Ennemonde Patatras, vous noterez au passage tout le respect que j'ai pour ce pseudo qui vous sied pourtant très mal. J'ai suffisamment vécu pour me rassurer que je n'ai été à l'égard des femmes (de toutes les femmes que j'ai côtoyées dans ma longue vie)... ni un goujat, ni un mufle. Je pense au contraire avoir été un grand admirateur, amoureux parfois, et leur avoir témoigné le plus grand respect, une reconnaissance légitime, conscient que je leur devais beaucoup pour ce qu'elles m'ont appris.
Merci d'avoir fait cet effort louable pour m'être agréable. Il vous reste donc à corriger... si vous souhaitez continuer d'être agréable, ce que j'apprécierais au plus haut point.
PS : amabilité pour amabilité, je vous signale qu'il aurait mieux valu écrire... "soit" très crédible. Une erreur qui m'étonne, plutôt habitué à votre attachement à la perfection grammaticale.

Publié le 25 Avril 2025

Des vibrations infinies !

Publié le 25 Avril 2025

@Michel CANAL Eh bien, voici une mise en ligne tardive mais très appréciée... Elle évoque une douce époque marquée par la libération des moeurs. Tu l'as vécue en cotoyant des milieux huppés, tandis que j'embrassais pour ma part le mouvement hippie, mais le confort de l'absence de jugement était le même...
Moins agréable par contre est l'intervention du bouffon de service, bien qu'elle ait le mérite de prouver une fois de plus qu'il est bien le harceleur et non le harcelé, comme il se plaît à le faire croire en de vaines inversions accusatoires.
Merci pour cette contribution empreinte de nostalgie et fort bien écrite, au demeurant.
Bises et bonne journée,
Michèle

Publié le 25 Avril 2025

Je ne suis pas certaine qu'un goujat qui prétend qu'il n'est pas un goujat est très crédible. Mais peut-être que mufle vous siérait mieux ? N'hésitez pas à me le dire, et je corrigerai illico. Que ne ferais-je pour vous être agréable...

Publié le 25 Avril 2025

Mais oui, Pépère Troll @Ennemonde Patatras ! C'est curieux, ton absence de commentaire mesquin, goujaterie habituelle, m'aurait surpris. Combien d'heures as-tu passées à chercher, en vain ?
Son nom est impossible à trouver, précisément parce que je suis tout le contraire d'un goujat.
Un conseil bienveillant, parce que cette mise en ligne a éveillé ma bonne humeur : retourne papoter avec toutes tes copines alias sur tes pages, puisque l'auto-congratulation constitue ton théâtre miniature... des fois que de vos conciliabules pourraient émerger des pistes à creuser.
Et une orientation : son prénom a "C" pour initiale... mais ce n'est pas un scoop !
Bonne journée, monsieur Troll !
PS : merci @monBestSeller d'avoir mis la nouvelle de ma participation... au risque de provoquer de l'urticaire à certaines personnes, la concierge de service ayant déjà ouvert les hostilités.

Publié le 25 Avril 2025

C'est drôle, M. Canal : vous donnez tous les renseignements qui permettraient à un curieux de retrouver aisément l'identité de la grande bourgeoise encanaillée, mais n'aurait-il pas été plus simple de nous donner directement son nom ? Quoi qu'il en soit, je ne sais pas chez vous, mais chez moi cela porte un nom : goujaterie.

Publié le 25 Avril 2025