Interview de Bernard Werber par Stephan Ghreener L'écriture pour toi : cela représente quoi après toutes ces années de succès ? Un travail, une nécessité, un plaisir ?
J'écris tous les jours depuis l'âge de 16 ans. J'en ai 53. De 8h30 à 12h, j'écris mes dix pages. C'est une nécessité physiologique. J'ai besoin de ce rendez-vous quotidien. Il y a une montée d'énergie tout au long de ma matinée d'écriture. Ensuite, dans l'après-midi, il y a comme une rechute. Je consacre alors le reste de la journée à faire des recherches et des repérages. En fin de journée, je vais faire du sport ou me promener en forêt. Ces rituels font aussi partie de l’activité d'écrivain, cela permet de continuer à réfléchir au roman en cours. Je vis de mon écriture depuis 1991. Cela reste avant tout un plaisir. C'est une joie de se retrouver tous les matins avec son intrigue, ses personnages, son suspense.
Tu es un auteur lu dans le monde entier. As-tu une pression particulière de ta part à chaque nouveau roman ?
Cela ne change rien. Si je me retrouvais sur une île déserte, sans lecteur, sans éditeur, sans imprimeur et que je trouvais ce qui pourrait ressembler à un parchemin, avec un peu d'encre de pieuvre, j'écrirais. Ecrire est un besoin, ce n’est pas qu’un travail. C’est un moyen de relacher la pression de toutes ces idées que j’ai en permanence dans la tête.
Si tu avais un seul conseil à donner à un auteur débutant ?
La régularité. C'est la seule façon de s'améliorer et de progresser dans son art. Je considère mon métier comme un artisanat au même titre que l'horlogerie. Il faut de la constance dans l'écriture et dans la relecture. Plus on pratique plus on est simple et efficace. J'essaie de m'amuser en écrivant et aussi en me relisant. Si je n'ai pas de plaisir en me relisant, comment le lecteur peut-il en avoir ? Même l’inspiration est un muscle qu’on peut entretenir grace à la régularité. C'est comme pour un boulanger. Je ne crois pas qu'il puisse faire du mauvais pain tous les jours. Au bout d'un moment, il peaufine son modus operandi et au final s’améliore.
Donc si tu te relis et que tu n'es pas satisfait tu recommences ?
Pour chaque roman publié, j'ai une vingtaine de versions., avec des personnages différents, une intrigue et des rebondissements différents. Le cas extrême, c'est "Les Fourmis". J'en ai écrit une bonne centaine de versions. Le manuscrit que j'ai présenté à mon éditeur faisait 1500 pages. Il m’a demandé de reduire cet opus. J'ai donc réécrit une version de plus, puisque que le texte publié fait 350 pages.
Ton actualité ?
Comme chaque année, je sors un nouveau roman, début Octobre. Cette année, c'est un peu particulier car le roman que je sors le 1er Octobre, "La Voix de la Terre" clôture une aventure qui a duré plusieurs années. " C'est en effet le troisième volume de ma trilogie "Troisième Humanité"
En tant qu'auteur à succès, la promotion doit être importante. Tu le vis comment ?
La communication passe de plus en plus par les blogs de lecteurs. C'est une bonne chose, c'est une redistribution des cartes en quelque sorte. De toute façon, la seule critique à laquelle je crois vraiment, c'est le temps. Aujourd'hui encore, on lit Jules Vernes. Son œuvre a survécu aux modes et aux années. On a oublié bon nombre de ses contemporains pourtant stars à l’époque. Un écrivain professionnel doit se libérer de la pression des médias à chaud pour ne penser qu’avec la perspective de faire une œuvre qui resiste au temps et à l’espace.
L'avenir de l'édition tu l'imagines comment ? Quid du papier vs numérique ? Internet, est-ce un atout ou une menace ?
Le « livre papier à l’ancienne » va probablement vivre encore une dizaine d’années mais à long terme il est peu probable qu’il survive à la deferlante numérique. Faut-il se réfugier dans ce que j'appelle la nostalgie du parchemin pour autant, je ne crois pas. On n'achète plus de Cds mais on continue à écouter de la musique. Beaucoup d'éditeurs ne voient pas le web d'un très bon œil mais on a tort. En Russie, "L’Empire des Anges " a été le texte le plus téléchargé gratuitement sur des sites de pear to pear. Un éditeur local s'en est aperçu. Il n'avait jamais entendu parler de moi ou lu un de mes livres. Il a décidé de publier "L’Empire des Anges". Il s'en est vendu plus de deux millions d'exemplaires. Cela veut dire que le système fonctionne aussi dans ce sens. Le web fait découvrir le livre papier. Le seul combat est celui d’interesser les gens au livre que ce soit papier ou numérique.
Le livre que tu as préféré écrire ?
En ce moment, bien sûr, c'est celui qui sortira en 2015, il occupe déjà toutes mes matinées. Je viens d'en finir le synopsis. Maintenant, je vais l'écrire et le réécrire.
Retrouvez le site de l'auteur http://www.bernardwerber.com/
Photo: Michel Restany
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