Interview
Du 17 jui 2016
au 17 jui 2016

Qu'est-ce qu'une performance en littérature ?

Regardez "performance en littérature" sur Google. On nous embarque dans des articles universitaires desquels on décroche au bout de cinq lignes. Et pourtant la "performance" au sens anglo-saxon du terme est un exercice passionnant, auxquels beaucoup d'entre nous se sont soumis volontairement ou pas.

Un tableau par jour, "vues des toits de New york" pour un peintre ; dix jours pour réaliser un album dans un sous sol pour un groupe pop de Liverpool ; 24 heures dans un tramway sur le "ring" de Vienne pour un écrivain expérimental ; cinquante tableaux sur le support i-phone pour David Hockney... 
La performance consiste à réaliser quelque chose, ou à exercer son talent dans le cadre serré d'un espace temps, d'un lieu ou d'une contrainte imposée par soi-même ou par l'environnement.
L'intérêt, ce n'est évidemment pas d'atteindre la perfection, c'est de tirer l'essence de ce que l'on peut produire en un seul jet. Une spontanéité pure, un diamant brut pas taillé mais reflet intact d'une pulsion d'artiste (ou pas). C'est aussi et surtout pour soi la possibilité d'évaluer ses capacités et ses limites. Et de se libérer d'une forme de censure et de contraintes sociales.

Audrey Alwett, alias Dali Valpogne, s'est prêtée à cet exercice, et aux critiques qui y sont associées. Elle témoigne.

> Deux chapitres par semaine, pendant deux mois et demi... un marathon littéraire en direct... Comment ça s'est passé ?

C'était un pari un peu fou, surtout pour une autrice comme moi qui ai une écriture fastidieuse. Je pense que ça aurait été plus simple pour certains auteurs qui écrivent « vite et bien » du premier coup, mais ça n'est pas du tout mon cas !
Je devais envoyer à monBestSeller.com mes chapitres d'un coup, avec un mois d'avance. J'ai donc dû livrer par lot de huit, huit et six.
Quand l'aventure a démarré, je n'en avais que dix d'à peu près finalisés, donc, quasiment pas d'avance, mais je comptais sur un synopsis très détaillé pour ne pas me laisser déborder. Évidemment, il y a toujours des imprévus... J'ai eu certaines idées en cours de route qui ont un peu allongé le récit, j'ai passé plus de temps sur la fin que je ne l'aurais cru (je me fais avoir sur chaque bouquin, mais il faut croire que je ne retiens jamais la leçon). En fait, je crois que j'ai un tantinet présumé de mes forces... Surtout que j'ai dû gérer en même temps le bouclage de trois de mes livres qui paraissent à la rentrée en librairie !

> Du coup, les chapitres parus en feuilleton n'étaient qu'un premier jet...

Oui, c'était le jeu ! Je n'avais pas de relecteur. Alors, évidemment, j'essayais de livrer le texte le plus propre possible, mais il restait toujours des erreurs...
Franchement, je ne me suis pas mis martel en tête pour les coquilles. De toute façon, je comptais revenir sur certains passages dont je n'étais pas satisfaite mais que je n'avais pas le temps d'affiner. Les dead-lines étaient trop proches, je ne pouvais pas m'attarder. C'était un peu comme écrire avec quelqu'un qui m'aurait hurlé dans les oreilles « LA CLEPSYDRE ! LA CLEPSYDRE ! »
C'est une autre façon travailler, qui n'est pas celle que je pratique d'habitude. Malgré tout, j'ai le sentiment d'y avoir gagné en efficacité narrative.

> Quel était le plus difficile dans cette aventure ?

La plus grande difficulté, c'était de foncer sans aucun recul sur un genre que je ne maitrisais pas. C'était presque impudique comme exercice et j'ai vraiment eu le sentiment de m'exposer en livrant un texte inachevé. Mais je suis favorable à une désacralisation de l'écriture et ma démarche allait dans ce sens. En France, nous avons encore trop le mythe de « l'auteur inspiré », qui écrit un chef-d'oeuvre du premier souffle, sans effort... Je trouve plutôt malsain d'entretenir cette croyance, qui a pour moi des allures de complot élitiste. Ecrire, c'est beaucoup de travail quelque soit le niveau qu'on ait, et il y a toujours des étapes intermédiaires.
Sur MonBestSeller, j'ai dévoilé l'une des miennes... Et encore, vous avez échappé à mes dix-sept versions de synopsis !

> Plusieurs lecteurs vous ont fait part de leur retour... ça vous a encouragé ?

Honnêtement, s'ils ne l'avaient pas fait, j'aurais été plutôt déprimée ! On écrit pour être lu, c'est bien naturel. Dans le cas de cet exercice, je travaillais vraiment dans la tension et c'était très difficile. Je crois que si les retours des lecteurs avaient été négatifs, ou simplement absents, j'aurais eu du mal à trouver la force de continuer.
Là, j'étais vraiment heureuse de retrouver quelques habitués d'un chapitre à l'autre, comme Yannick Fradin, Colette bacro, Hermann Sboniek, Bernard Morin, Mardje74 ou encore Sansimportance. En plus, ils me faisaient des remarques sur des choses qui les avaient dérangés ou qu'ils avaient au contraire appréciées, ce qui m'a permis d'affiner la version finale.

> En somme, ces primo-lecteurs vous ont été très utiles...

Ce n'est rien de le dire ! À eux tous, ils ont fourni un gros travail de bêta-lecture.
Quand vous écrivez un premier jet, vous êtes un peu obligés d'y aller « trop fort », parce que rien n'est pire que l'auto-censure. Je crois qu'il vaut mieux gommer certaines aspérités après coup, plutôt que de ce retrouver avec un robinet d'eau tiède qui présente une intention molle.

Du coup, j'ai eu la main lourde sur certains passages, je me suis plantée sur d'autres ou je n'ai pas réussi à concrétiser mes intentions. Avec le recul, ce sont des points que j'aurais fini par voir la plupart du temps (d'ailleurs, j'avais souvent un petit doute sur les passages problématiques)... mais pas toujours ! Par exemple, Colette bacro m'a signalé que c'était un peu bizarre que Marianne ne cherche pas à s'expliquer avec David, au début... Et j'avais complètement oublié ce passage ! Sans elle, je suis certaine que je n'aurais pas pensé à le rajouter dans la version finale.
De même, Sans importance, et Selma Bodwinger m'ont expliqué que j'en avais fait un peu des caisses dans la pédagogie féministe et que ça les sortait du récit. J'en avais vaguement l'intuition, mais comme c'était précieux à mes yeux, il n'est pas sûr que j'aurais autant expurgé le texte que je l'ai fait.
Enfin, je tiens tout particulièrement à remercier Yannick Fradin, qui non content de me faire un retour sur le monBestSeller presque systématique, a pris le temps, à chaque fois, de corriger le texte en ligne point par point et de me l'envoyer par mail.

Je dois également une fière chandelle à Bernard Morin qui m'a renvoyé la plupart de mes chapitres corrigés et dont les qualités de correcteurs m'ont vraiment impressionnée ! Bravo et merci à eux !

> Prête à renouveler l'expérience ?

Ha ha ! Non.
Ou alors, je prendrais beaucoup plus d'avance. Entendons-nous bien, je suis très heureuse et fière d'avoir tenu le rythme. Mais c'est comme le saut en parachute... une expérience un peu extrême qu'on ne recommencerait pas tous les quatre matins, même si on a été très satisfait des sensations.
J'ai fini le Dédain en petite culotte vraiment sur les rotules... au point que je n'ai même plus l'énergie pour communiquer dessus alors qu'il est maintenant disponible sur Amazon !
Tant pis ! Je m'en occuperai en septembre !
Entre temps, si les lecteurs qui ont apprécié la lecture veulent aller me mettre un petit commentaire, ça m'aiderait bien... Je dis ça, je dis rien...

> Cette aventure vous a fait souffrir tant que ça ? ;)

Oui, mais c'était bon ! ;) Je dois vraiment vous remercier pour le plaisir de cette belle expérience !

Et maintenant, j'ai enfin le temps d'aller lire les textes de quelques collègues sur mBS. C'était un peu frustrant de ne pas pouvoir le faire plus tôt. Après l'effort, le réconfort !

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@Dali Valpogne Je suis donc en train de faire le défi Bradbury comme vous dites, mais sans le savoir !!! Avant votre post, je ne savais pas qu'il existait !!! C'est un challenge perso que je me suis fixé au début de l'année 2016 pour me "rincer" la tête des autres romans que j'essaye d'écrire. Nous sommes la semaine 30 et j'ai posté 28 nouvelles, donc un tout petit peu de retard. Bon courage pour votre rentrée littéraire.

Publié le 25 Juillet 2016

Ah, vous faites le défi Bradbury (c'est comme ça qu'il s'appelle, non ?) ? Bon courage à vous, il est très difficile ! Et merci de m'avoir soutenue tout au long de cette aventure !

Publié le 24 Juillet 2016

A mon avis, challenge réussi !! Le "Dédain ..." a été agréable à lire tout du long des chapitres. Etant moi aussi en plein challenge en cette année 2016 (une nouvelle par semaine), je découvre la difficulté de l'écriture à un rythme élevé. Donc je dis bravo Dali :-) et à la prochaine expérience.

Publié le 22 Juillet 2016