Aujourd'hui, mes ami(e)s, nous allons voir de plus près, c'est le cas de le dire,
Je ne sais pas si, comme moi, vous avez déjà grincé des dents en lisant (ou entendant) cette faute qui résonne comme la roulette du dentiste : « Elle n'est pas prête de s'arrêter ».
Double aïe ! La bonne formulation, c'est « Elle n'est pas PRÈS DE s'arrêter ».
On pourrait dire à la rigueur « Elle n'est pas prête à s'arrêter » (même si le sens est différent, nous le verrons plus loin) mais en aucun cas « prête de », tonnerre de Brest !
Ça, c'est une formulation très vilaine, rigoureusement interdite. Souvenez-vous-en, mes ami(e)s, je vous en conjure. Jamais de « prêt/prête de », ou bien vous irez rôtir (de votre vivant, en plus) dans l'enfer des écrivains qui se prennent en plein ego des volées de commentaires acerbes sur Amazon. Chose à ne souhaiter à personne, même son pire ennemi.
Double faute, disions-nous. Pourquoi ? Parce que la phrase « Elle n'est pas près de s'arrêter » veut exprimer que le moment où se produira l'action est éloigné, et non pas que le sujet est prêt à l'action.
Si l'on écrit prête de, il y a donc non seulement faute de syntaxe, mais faute de sens. Double rôtissage en perspective ! Vous comprenez que je sois prête à tout faire pour vous éviter ça.
Bon, si mes affreuses menaces ci-dessus ont été efficaces, vous n'écrirez plus jamais « prêt de », même sous la torture, jusqu'à la fin de votre vie.
Comme dans :
Je ne suis pas près d'accepter.
Il n'est pas près de comprendre.
Elles ne sont pas près de se faire avoir.
Ou dans :
Je suis près du but.
Nous sommes arrivés près de chez moi.
Là, vous êtes très près de la faute.
Pour plus de certitude, il vous suffit de vérifier que « près de » pourrait être remplacé par « loin de », comme dans :
Il est loin de comprendre.
Je suis loin du but.
etc.
Pour plus de certitude, vérifiez si « prêt à » peut être remplacé par « prêt pour » :
Je ne suis pas prête à faire ce geste = prête pour ce geste.
Elle est prête à partir au bal = prête pour ce départ.
Il est prêt à réussir = prêt pour cette réussite.
Vous pouvez aussi remplacer « prêt à » par « préparé pour », « capable de », « disposé à », « décidé à » :
Ils sont prêts à tout = capables de tout.
Je suis prêt à vous suivre = disposé à le faire.
Nous sommes prêts au combat = décidés à nous battre.
Le char est prêt pour la parade = préparé pour.
me direz-vous avec un petit sourire en coin (si si, je vous imagine très bien), « Je ne suis pas prêt à faire ce geste », c'est aussi « Je suis loin de le faire », alors Elen, quand tu nous dis de remplacer par « loin de » pour déterminer quand il faut écrire « près de », ça ne sert à rien ! »
Comprenons-nous bien :
Si vous avez orthographié « près de » et que vous pouvez le remplacer par « loin de », c'est que votre phrase est correcte.
Pareil si vous avez orthographié « prêt à » et que vous pouvez le remplacer par « prêt pour », « capable de », « disposé à », « décidé à » ou « préparé pour ».
Maintenant, si vous vous demandez comment orthographier (« près de » ou « prêt à » ?), il faut vous interroger sur le sens de votre phrase, et je vous renvoie alors à la différenciation ci-dessus : soit il est question de proximité dans le temps et l'espace (près de), soit il est question d'état approprié pour passer à l'action (prêt à).
Comme vous êtes des petits futés, vous n'allez pas renoncer si facilement. Vous me lancerez donc avec un nouveau petit sourire en coin (et vous avez raison, sourire, c'est bon pour la santé) : « Tu es bien gentille, Elen, mais « Elle est près de craquer » (= elle est près du point de rupture), cela signifie aussi qu'elle s'apprête à craquer (= elle est prête pour le faire). Et vlan. Qu'est-ce que tu réponds à ça ? »
Vous n'avez pas tort en l'occurrence, et merci pour votre intervention si avisée : car c'est justement de cette proximité de sens qu'est née la confusion.
On peut dire indifféremment : « Elle est près de craquer » et « Elle est prête à craquer », parce que dans ce cas précis, le sujet est à la fois sur le point d'agir, très proche de l'action donc, et prêt – disposé – à l'accomplir.
Il y a ainsi des phrases où les deux formulations sont valides.
Remarque : je profite de ce débat pour attirer votre attention sur la différence de sens entre deux formes verbales qui ont pourtant la même racine : « s'apprêter » (qui implique une proximité de l'action dans le temps : « on va agir », littéralement « on se prépare en vue d'agir ») est très différent de « on est prêt à agir, préparé à agir » (notion d'état).
« Il est près de risquer sa vie » peut signifier aussi bien « il est en train de frôler la mort » que « il s'apprête à risquer sa vie ».
Dans le second cas, vous pouvez constater que « s'apprêter » signifie « être sur le point de » : on est toujours dans une notion de temps.
Pour exprimer la notion d'état (= il est décidé à risquer sa vie s'il le faut), il faudrait orthographier « prêt à ».
On finit avec quelques illustrations de fameuses différences de sens :
« Elle est près de se marier » (= elle va se marier bientôt) n'a rien à voir avec « Elle est prête à se marier » (= elle est mûre pour le mariage, comme on disait autrefois.)
« Il est près de gagner » signifie que la ligne d'arrivée est proche et que la victoire se profile (ou, au passé, « il était près de gagner » indique que cette victoire n'a tenu qu'à un fil).
Tandis que « Il est prêt à gagner » signifie qu'il est dans des conditions optimales pour gagner, ou décidé à gagner.
En cherchant d'autres exemples que les miens pour conclure, je viens de tomber sur cette innocente question sur le forum www.languefrançaise.net. Je ne la cite pas pour me moquer, mais pour montrer que la plus grande confusion règne sur ce sujet :
« L'adjectif "prêt" s'accord t-il [sic] en genre, dans la phrase suivante :
"Elle n'est pas prête d'y arriver" ou "Elle n'est pas prêt d'y arriver" ? Je pense qu'il y a accord, mais j'ai un doute...
Par ailleurs, peut-on écrire "Elle n'est pas près d'y arriver", dans le sens "Elle est loin d'y arriver" ? »
Aïe ouille aïe ! Vous avez bien lu : concernant la version doublement incorrecte, l'auteur de la question n'a qu'un petit doute à propos de l'accord. Et s'il évoque l'expression correcte, c'est pour demander si elle est valide... Comme quoi, mieux vaut toujours avoir le courage de demander.
Conclusion : Le message n'est pas près de passer partout, et j'espère au moins que vous, mes ami(e)s, vous sentez maintenant prêts à faire plus aisément la différence. Je file, j'ai un paracétamol à prendre !
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@VAY Céline
Ma chère Céline, vos adorables commentaires me touchent toujours infiniment ! Je suis très heureuse que vous trouviez votre miel dans mes petits billets, comme je trouve le mien à les écrire et les partager.
Amitiés,
Elen
@vespucci
Je ne pense pas qu'une poule soit très qualifiée pour juger d'une omelette. :-) En revanche, la pratique de la cuisine est un prérequis. D'après mon ex-mari, chef de cuisine, il n'est aucun critique gastronomique qui ne soit en mesure de démontrer sa maîtrise de l'art culinaire. (Le talent, c'est encore autre chose ; mais notre propos, si je ne m'abuse, concernait le savoir-faire.)
Vous savez que la découverte de nouveaux auteurs me passionne. Eu égard à votre verve critique, j'attends de vous rien moins que des prodiges, d'où ma légitime impatience de voir le maçon au pied du mur – pardon, le cuistot à ses fourneaux.
Bien cordialement
@vespucci
Excellente journée à vous aussi, cher inconnu. Après tous ces échanges si stimulants, je brûle de vous lire !
Bien cordialement,
Elen
@Letellier Patrick
Il est vrai que ces "bafouilleurs" ont une grande responsabilité dans certaines dérives. Merci pour votre commentaire !
Amitiés,
Elen
@lamish
Chère Michèle, vous savez bien que je m'adresse surtout aux auteurs débutants, lesquels n'ont pas toujours ces bases, lointaines ou non. :-) Merci à vous.
Amitiés,
Elen
@BOSSY
L'air dégagé vous sied, mon cher Bossy, alors soit ! :-D
Amitiés,
Elen
Je sais, mais j'opte tout de même pour prendre un air dégagé. On ne sait jamais...
@Michel CANAL
Merci, mon cher Michel. Je suis vraiment heureuse de rendre service.
Amitiés,
Elen
@Elen Brig Koridwen, au risque de me répéter chaque fois que vous nous faites l'honneur et le plaisir d'apporter votre contribution, un grand merci pour ce rappel que je ne suis pas près d'oublier. Puisse-t-il rendre service à tous les auteurs de mBS prêts à commettre ces fautes par ignorance.
Et pour moi une occasion de vous redire toute ma sympathie. Amitiés.
@monBestSeller
Dans ce cas, la prochaine fois je viendrai avec une règle et un paquet de bons points. :-D Mais c'est vraiment pour vous faire plaisir !
@Elen Brig Koridwen Chère Elen, c'est une façon de mettre un peu de piment dans nos révisions. Et de revivre avec émotion récompenses et sanctions du primaire :-)
Décidément, lorsque je lis les chapeaux rédigés par mBS pour mes articles, je me dis que j'ai l'air d'un ogre, alors que je n'ai même pas un tempérament de maîtresse d'école. :-D J'adopte un ton faussement grondeur par pur esprit de plaisanterie ; il n'y a aucune honte à faire cette faute-là ou une autre ; tout le monde en fait, moi incluse. Le principal est de s'informer – d'où ces petits billets, qui ne visent pas à donner des leçons, mais à offrir des raccourcis concernant quelques notions utiles.
@Ivan Zimmermann
Non, c'est juste. "Il était prêt à agir" (= prêt à l'action, disposé à, préparé pour, capable de) ; la phrase suivante souligne une ferme résolution, et non pas un acte sur le point d'être commis.
"Il était près d'agir" voudrait dire qu'il était sur le point de le faire : il ne semble pas que cela soit ce que vous voulez exprimer.
Quant à "il s'apprête d'agir", c'est une tournure fautive : la formule valide est toujours "il s'apprête à".
Ou bien vous avez en effet lu vite mon petit billet, mon cher Ivan, :-) ou bien je me suis mal expliquée !
Amitiés,
Elen