Remanier un premier jet constitue pour certains auteurs, dont votre humble servante, la partie la plus enthousiasmante de leur travail. Pour d'autres, c'est une corvée, un casse-tête.
Parmi ces derniers, certains bâclent cette étape pour s'en évader au plus vite et publier enfin.`C'est une erreur : on ne le répétera jamais assez, un peaufinage attentif est indispensable pour soumettre aux éditeurs ou aux lecteurs un ouvrage dans sa forme optimale, ou presque.
S'il est indispensable de laisser courir librement sa créativité au cours de la rédaction du premier jet, il serait suicidaire d'en rester là.
Certains, à l'inverse, vont s'attarder à modifier et remodifier leur manuscrit jusqu'à saturation, avec l'impression tenace qu'il n'est pas assez abouti. C'est également une erreur : à pinailler sans fin sur chaque mot ou chaque virgule, on finit par perdre de vue l'ensemble, voir se faner la fraîcheur de ses émotions et transformer son œuvre en quelque chose d'artificiel et de figé, parfois même plus bancal que la version originelle.
On peut d'ailleurs se rendre compte que, très souvent, plus on corrige et plus on se concentre sur de menus détails, au détriment de ce qui est essentiel.
Il m'a donc paru utile de vous proposer une petite méthodologie du remaniement, sous forme de liste-résumé non exhaustive.
À mon avis, il est difficile pour un débutant en écriture, et même pour un écrivain confirmé, de se relire en cherchant à corriger tout à la fois : l'orthographe, la cohérence, les répétitions, etc.
L'attention ne peut guère se porter que sur un point précis, sous peine de dispersion et de moindre efficacité. On se trouve alors obligé de procéder à d'innombrables relectures, au cours desquels certains détails nous échappent toujours, immanquablement…
En outre, devoir pratiquer toutes sortes de modifications simultanées entraîne un risque de coquilles supplémentaires : qui ne s'est jamais retrouvé avec des bouts de phrases chamboulés par les rajouts, les copier-coller, les changements de dernière minute – dégâts passés inaperçus malgré de multiples relectures ?
Mieux vaut procéder par ordre, en effectuant un nombre limité de relectures qui viseront à résoudre un type de problème à la fois…
Et en respectant cette règle d'or : toujours prendre son temps !
- Pendant, afin de travailler sans bousculade, à tête reposée.
- Après, afin de s'accorder la réflexion qui s'impose (« Tiens, et si Cunégonde, au lieu de couler dans le béton son Enguerrand infidèle, se contentait de le vendre comme esclave sexuel ? Ce serait plus intéressant… ») ; et aussi, de laisser s'écouler entre deux relectures un intervalle suffisant pour porter un œil nouveau sur votre manuscrit.
PREMIÈRE RELECTURE : « Est-ce que ça tient la route ? »
Étape entièrement vouée à l'intrigue et en particulier à sa cohérence :
- Tout est-il à sa place et bien ficelé ? N'y a-t-il pas d'invraisemblances, d'anachronismes, de contradictions ?
- Est-ce que des personnages supplémentaires apporteraient quelque chose ?…
C'est le moment de corriger d'éventuelles erreurs de narration ; de consolider, si besoin est, la qualité de l'intrigue et les indices donnés au lecteur.
Ainsi, vous vous assurerez de ne pas avoir à réécrire des paragraphes entiers après avoir tout corrigé, ou pire, après avoir recueilli l'avis de vos bêta-lecteurs…
Il ne s'agit pas, bien entendu, de laisser pour plus tard les fautes que l'on pourrait remarquer en passant (ce qui est fait n'est plus à faire), mais de s'obliger à se concentrer sur l'histoire elle-même.
De mon côté, je me contente à ce stade de surligner, pour être sûre de ne pas les oublier, les coquilles et autres scories surlesquelles je reviendrai ensuite. Cela peut se faire à chaque étape avant celle des corrections proprement dites.
● DEUXIÈME RELECTURE : « Est-ce qu'il ne manque rien ? »
(Un auteur expérimenté peut réaliser ce travail dès la première relecture.)
C'est l'occasion de compléter sa documentation si le besoin s'en fait sentir. Parfois, cela conduira l'auteur à enrichir son livre de détails ou de pistes imprévues.
L'on pourra aussi étoffer l'histoire en ajoutant des passages si cela semble utile : explications, descriptions, lignes de dialogue ou tout ce qui pourra ajouter de la vie aux personnages, de la densité à l'ambiance, de la réalité au décor.
Pendant qu'on y est, demandons-nous également si certains paragraphes, tels que des développements inutiles qui égareraient le lecteur, ne devraient pas être supprimés.
● TROISIÈME RELECTURE : « Est-ce que les temps sont appropriés ? »
Il est temps de vérifier, en particulier, la concordance des temps.
Je déconseille aux débutants d'examiner cet aspect en même temps qu'ils effectueraient une relecture orthographique, car pour bien évaluer l'adéquation des temps employés, il faut rester concentré sur le récit.
À ce stade, se repèrent des erreurs très fréquentes chez les néophytes qui ne maîtrisent pas bien la conjugaison et/ou la narration :
- Les passages intempestifs du passé au présent ou vice-versa.
- Les passages où une rupture chronologique dans l'intrigue mériterait un changement de temps, ne serait-ce que par souci de clarté : c'est le cas lors des flash-back ou réminiscences (le narrateur, ou un autre personnage, se souvient de quelque chose).
L'emploi d'un temps plutôt qu'un autre à certains moments permet non seulement de clarifier la chronologie du récit, mais aussi d'approfondir et nuancer la narration. Mais ce sujet-là mériterait un billet à lui tout seul, j'y reviendrai donc une autre fois.
● QUATRIÈME RELECTURE : « Est-ce correctement écrit ? »
À présent qu'il n'y a plus d'ajouts ni de gros remaniements à prévoir, que rien de grave ne freinera la lecture courante, il est temps de traquer les fautes d'orthographe et de syntaxe :
Tout est-il correctement rédigé ? N'y a-t-il pas de coquilles, de répétitions, de lourdeurs, de virgules absentes ou mal placées, de formulations maladroites – par exemple, des phrases mal agencées, dont les termes gagneraient à être inversés ? (Un prochain billet listera les malfaçons les plus répandues.)
Je conseille de laisser passer un petit - ou gros - laps de temps avant de passer à cette étape, de façon à l'aborder avec un regard aussi neuf que possible.
Même en vous relisant avec attention selon la procédure fortement recommandée : deux fois minimum, à au moins quelques jours d'intervalle pour ne pas saturer, dans un environnement calme, sans fond sonore ni risques d'interruptions, ne vous faites pas d'illusions : il vous sera impossible de débusquer toutes les scories. Nous en reparlerons plus loin.
● RELECTURE FINALE À VOIX HAUTE : « Est-ce que ça sonne bien ? »
Ce dernier travail s'impose, afin de :
- S'assurer de la musique d'ensemble
- Vérifier l'adéquation des rythmes (voir ce billet)
- Traquer les dernières longueurs
- Éliminer les répétitions passées inaperçues.
● RELECTURE PAR DES TIERS : « Est-ce que ça plaît ? »
L'étape de vérité !
À ce stade, je vous conseille de recourir à un ou mieux, plusieurs correcteurs qualifiés, qu'ils soient bénévoles ou rémunérés.
Au minimum, sollicitez plusieurs bêta-lecteurs choisis parmi des lecteurs exigeants, aux goûts et domaines de compétence aussi variés que possible.
En effet, une lecture attentive permettra à l'auteur d'éliminer la plupart de ses fautes, mais, connaissant son texte par cœur, il en laissera forcément passer ; sans compter celles qu'il ne pourra pas repérer s'il ignore que ce sont des fautes…
Pourquoi plusieurs intervenants ? Parce que chaque personne porte un regard spécifique sur un manuscrit : les unes seront très sensibles à certains aspects de l'orthographe, d'autres aux répétitions, etc.
Nul n'étant infaillible, plusieurs relecteurs multiplieront les chances qu'aucune coquille ne soit oubliée et que tous les aspects de votre ouvrage soient passés à la loupe.
Cerise sur le gâteau, vous aurez une idée assez complète des réactions des lecteurs dans toute leur diversité.
Voilà, mes amis. J'espère que ce petit mémo vous aidera à mener à bien vos relectures/remaniements jusqu'à parfait achèvement de votre « bébé ».
Et vous, quelle est votre méthode pour corriger votre manuscrit ? N'hésitez pas à partager votre expérience en commentaire.
Excellente écriture et réécriture à toutes et à tous !
Vous avez un livre dans votre tiroir ?
Publier gratuitement votre livre
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@monbestseller
Ne vous fustigez pas, cher ami, j'avais bien compris que la restitution des tirets est aléatoire, et j'ai assez subi de problèmes de mise en page, aussi bien sous wordpress qu'avec blogger, pour savoir qu'à moins d'être expert, l'on n'obtient pas toujours ce que l'on veut…
Je ne dis pas que gratuité doit rimer avec fautes, ce serait contraire à mes principes. Ce que je disais, c'est que je ne tiens plus compte de celles relevées dans les billets généreusement partagés par des auteurs amateurs. En tant que pro, je n'ai pas leur excuse. Et si les fautes listées par James ne me sont pas imputables, j'ai tout de même relevé dans mon fichier-source "d’innombrables relectures, au cours desquels…" (au lieu de "desquelles"). À l'origine, j'avais écrit "d'innombrables passages", puis j'ai changé le mot à la dernière minute en oubliant de rectifier l'accord. Il s'agit d'ailleurs de l'une des causes de coquilles les plus fréquentes, et il n'est pas inutile d'attirer l'attention des auteurs là-dessus : évitez de modifier un texte in extremis ; si vous le faites quand même, relisez le passage concerné avec une vigilance accrue… même si vous êtes pressés. Nous travaillons souvent trop vite, pas toujours dans les meilleures conditions. En prenant le temps nécessaire, on évite bien des coquilles… mais c'est un luxe que la vie nous accorde rarement !
Amitiés
@Charlotte De Garavan
En effet, j'avais omis de signaler que relire sur différents supports facilite le repérage des fautes, comme tout ce qui, en nous plaçant dans des conditions nouvelles, annihile la routine de notre mémoire visuelle. Merci beaucoup pour cet ajout, Charlotte !
Amicalement
@James Ballyhoo
@Elen Brig Koridwen
C'est ma faute, ma très grande faute...En revanche Elen, ce n'est pas parce que c'est gratuit qu'il doit y avoir des fautes. Ce que j'apprécie, c'est qu'on me les signale gentiment. Il est vrai que les déplacements d'articles sur des formats nouveaux engendrent pas mal d'erreurs. Par ailleurs malgré le signalement, il y en a encore une que je ne trouve pas. Preuve que...
@Elen Brig Koridwen merci pour ce rappel d'une étape indispensable et si pénible aussi qu'est celle de la relecture. Juste pour apporter mon expérience : j'ai remarqué qu'en relisant sur papier je pouvais m'apercevoir de certaines choses qui n'allaient pas alors que sur écran ça ne m'était pas apparu. Il peut s'agir aussi bien de fautes, coquilles ou tournures de phrases. Par ailleurs, je trouve aussi que la relecture après une pause (pouvant aller jusqu'à plusieurs mois) permet de prendre un certain recul. Très souvent on est pressé de publier (surtout si on s'est fixé une date de parution) et la plupart du temps le travail n'est pas abouti.
@James Ballyhoo
Je n'y ai vu nulle ironie, et je répète à l'envi que nous avons tous besoin d'yeux extérieurs pour ne rien laisser passer. Oui, Antidote permet de faire un premier tri, à condition de ne pas s'y fier aveuglément. Merci encore pour votre commentaire.
@Elen Brig Koridwen
Il n’était pas question par mon commentaire d’ironiser, mais au contraire de renforcer le sujet de votre article par un appel à la vigilance. Bien sûr, j’ai moi-même commis cette faute (bien-sûr...) que vous relevez à juste titre, mais nous devons tous être humbles quand il s’agit d’orthographe, notre belle et si riche langue n’étant pas la plus facile à écrire correctement.
Ceci dit, je voulais bien dire « lecteurs » et non pas « lectures ». Vous le dites vous-même, relire plusieurs fois son propre texte, au point de le connaître par cœur, n’avance à rien, car notre cerveau est ainsi fait qu’il passe outre des inversions de lettres — on trouve facilement des exemples sur Internet — surtout sur un texte qu’il connaît. C’est pour cela que, comme vous le conseillez, faire relire par quelqu’un d’étranger au texte que l’on a écrit est pertinent. Et c’est mieux par plusieurs lecteurs qui de plus feront des remarques en fonction de leur propre « lecture », tant au niveau de l’orthographe que de la syntaxe, sans parler du contenu, bien entendu.
C’est aussi ce que vous dites dans votre article et j’y souscris pleinement !
Pour Antidote, que vous connaissez il me semble, il est vrai qu’il pose aussi des problèmes avec les tournures de phrases complexes. Mais, il met tout de suite le doigt sur les erreurs de ponctuation, sur pas mal d’erreurs d’orthographe, même s’il n’est pas parfait, il est tout de même plus performant que les simples correcteurs orthographiques de LibreOffice (que j’utilise) ou de Word.
Tout comme vous, j’apprécie le partage d’expérience, comme vous le faites.
Cordialement,
James
@James Ballyhoo
Cher monsieur,
Merci pour votre commentaire, inspiré, de toute évidence, par le souci de m'aider à progresser. Moi qui aurais besoin de journées de 48 h, je ne laisse pas d'être émerveillée par la généreuse capacité de mes semblables à offrir à des inconnus le concours de leur vigilance.
Vous me donnez l'occasion de quelques précisions, afin d'éviter à d'autres auteurs de perdre leur précieux temps dans des interventions de cet ordre.
– Étant en longue maladie et manquant de loisirs pour mes propres écrits, je rédige mes billets d'entraide à la hâte et il peut, certes, y subsister quelques coquilles, d'autant que je subis de petits épisodes de confusion. Les lecteurs de mon blog en sont régulièrement avertis. Je préviens donc aussi les lecteurs de mbs que ce cas peut se présenter ici ; qu'ils veuillent bien me le pardonner.
– Je n'insère pas moi-même les textes sur ce site, et ce n'est pas la première fois que, urgence du bouclage et caprices de la mise en page aidant, un billet se retrouve avec des scories non préexistantes (le problème des tirets non conformes et des espaces manquantes, notamment, semble récurrent). Tel est le cas de tous les problèmes que vous listez, sans exception, je viens de le vérifier sur mon fichier-source.
Étant assez perfectionniste, je me suis d'abord émue des coquilles sur mbs. Puis je me suis dit que ce qui compte, c'est le partage d'expérience : nous sommes sur un site gratuit, convivial, utile aux auteurs, c'est l'essentiel…
– Antidote peut être pratique, mais présente un grave inconvénient pour un écrivain : il considère comme fautives de nombreuses tournures littéraires.
Merci encore, quoi qu'il en soit, pour votre regard désintéressé. Vous avez raison d'insister sur ce point, une coquille est vite arrivée : à preuve, ce "bien-sûr" fautif dans votre commentaire. Je suppose aussi que vous vouliez dire "sept lectures" et non "sept lecteurs", car une aide aussi nombreuse est rarement envisageable. :-) Mais il nous arrive à tous de taper trop vite, c'est certain.
Excellente journée !
Bien cordialement
@Elen Brig Koridwen, Votre article sur la nécessité de la relecture est bien-sûr très utile. Et bien qu'il ne s'agisse pas d'un "roman", je constate que vous-même êtes tombée dans le piège en laissant passer trois fautes : "siurlesquelles" (pas besoin d'expliquer...), puis : "-Tout est-il à sa place..." (manque une espace entre le tiret et le premier mot) et enfin : "passer un petit-ou gros-laps de..." (manque les espaces entre les tirets). Je précise sur ce dernier point que je l'ai repéré à la première lecture de votre billet et que j'ai eu ensuite beaucoup de mal à retrouver la faute de typo ! J'avais lu quelque part qu'il fallait au moins sept lecteurs pour espérer expurger un texte des fautes d'orthographe et de typographie. Une autre technique, assez astreignante consiste aussi à lire les paragraphes à l'envers (en remontant), phrase par phrase. En sortant les phrases de leur contexte du déroulement de l'action on repère plus facilement les fautes... Mais c'est un peu barbant, il faut bien le reconnaître ! Enfin, il existe un logiciel canadien (je ne suis pas leur commercial !) qui se nomme Antidote qui permet de débusquer pas mal de fautes. Merci pour vos conseils. James
P.S. J'ajoute qu'en revenant sur ma messagerie j'ai encore trouvé autre chose : "... la faute et améliorer soin livre..." "soin" à la place de "son"... Comme quoi... malgré tout le SOIN qu'on apporte à la rédaction...
Cordialement,
James
@Patrice Dumas
Cher Patrice, merci pour ce judicieux commentaire. En effet, je pense que le principal écueil qui guette les auteurs perfectionnistes, c'est de vouloir tout faire en même temps, et sans laisser reposer la pâte, dans leur impatience de voir leur manuscrit enfin conforme à leurs espérances. Il faut sérier les questions et permettre au temps de faire son œuvre pour nous offrir le recul nécessaire.
Amitiés
@Michel CANAL
Merci, cher Michel. La relecture est une étape cruciale, mais je pense que les auteurs habitués à se remettre en question pratiquent déjà plus ou moins comme je le recommande. Pour eux, le conseil est surtout de ne pas se relire cent fois en essayant de tout vérifier à la fois.
Amitiés
Chère @Elen Brig Koridwen, si vos billets précédents étaient tous très utiles à notre monde "indé", celui-ci est à classer en tête des priorités à observer par les auteurs souvent inexpérimentés que nous sommes.
Je loue une fois encore votre dévouement et l'intérêt que vous nous manifestez. J'ose espérer que ce nouveau billet tellement important sera lu (et surtout ses conseils appliqués) par un grand nombre d'auteurs publiés sur cette plate-forme.
Avec toute ma considération, chère Elen. Un grand merci pour ces conseils.