Presque un réquisitoire posthume, la douleur d’une culpabilité qui tente de racheter des erreurs en se justifiant, en s’excusant, et surtout en avertissant. Ce qui fait la force de cette « lettre », en plus de cette belle écriture, réfléchie, précise et fouillée, c’est la puissance de ses contradictions. Elle prône la liberté tout en la restreignant quand elle supplie de suivre des conseils, des conseils si pressants qui, se multipliant, deviennent « mode d’emploi pour réussir son existence » alors qu’elle invite justement à se débarrasser de tout mode d’emploi. « Apprendre à dire non, à créer, tout en s’inspirant de vieux philosophes (à qui il faut dire oui ?). Le choix de cette tournure : ‘Consommer la liberté’ plutôt que ‘Vivre sa liberté’… Et tant de choses encore. Je pourrais citer presque l’ensemble du texte. J’imagine la descendance de cet homme lisant cette lettre… Comment pourrait-elle l’interpréter ? Comment suivre et vivre tant de leçons discordantes pourtant empreintes de la sagesse de celui qui a échoué et qui le sait. Prendre en compte ces leçons, c’est avant tout avoir le courage de les repousser, de les contredire, de reconstruire à partir de rien. C’est apprendre à dire non à cet héritage de mots et d’expériences. Apprendre à réinventer. Ce texte fourmille d’interrogations, il ne donne pas de réponses, il donne simplement envie de pousser plus loin la réflexion, de chercher… Ce qui est à mon sens constitue la raison d’être du philosophe. Merci pour ce beau texte.
Publié le 05 Juillet 2020