Fulgurant dès le départ, maîtrisé, taillé en diamant, le texte garde l’écart juste de l’auteur à l’objet. La souffrance vécue et distanciée en est d’autant plus poignante. L’autofiction est ici sublimée, dans une observation calme et implacable du tragique. Pas d’apitoiement, pas de fioritures : faits, réactions, conséquences, et le lancinant retour des pièges dans lesquels le personnage s’enferre encore et encore, comme happé par le modèle du premier leurre portant les habits de la mère, première adorée, première bourelle. L’amer. Sans majuscule, pas sans majesté. Qui règne sur la souffrance règne sur l’âme, et la fait plier. Au fil des pages, le roseau plie mais ne rompt pas, la moindre brise d’affection, de beauté, lui fait redresser la tête, car sa faiblesse l’oblige à la victoire ou à la mort. Faut-il aimer son ennemi comme soi-même ? Impossible de lâcher le livre une fois commencé : Dora Moor a écrit un page turner.
Publié le 29 Novembre 2022