Cette femme à la fenêtre

C’est chouette d’avoir son coin de ciel à soi. Depuis 25 ans que je vis ici, c’est ma première année de chambrée à bénéficier d’une telle exposition. Demain, ç’aurait été l’opportunité de ma première demande de conditionnelle. Je n’ai pas postulé. Ma place n’est plus dans le monde extérieur. Il vaut mieux que je continue à rouler ma peine en ce jardin de béton et de fer, tout autour de la cour carrée, rectiligne, imperturbable, même si les détenus ne sont pas plus tendres avec les handicapés qu’avec les autres. Au moins, mon œil peut s’évader par cette lucarne de rédemption, sans personne pour en obstruer la vue, entrouverte sur l’azur insondable où l’être n’est plus seulement un misérable assemblage de chromosomes héréditaires assujettis à ses racines. Et ça me va parfaitement.