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Le 16 aoû 2024

Ces écrivains qu'on oublie : Alphonse Daudet, Jules Romain...

Notre série en impatiente plus d'un...car elle semble remettre en question de grands écrivains. Elle est, je vous rassure, sans doute la meilleure opportunité pour ré-éclairer des auteurs qui entrent doucement dans l'ombre. Leur talent, leur mérite n'est en rien remis en question. C'est au contraire l'opportunité de les (re)découvrir, et surtout de comprendre pourquoi l'époque les porte moins
Alphonse Daudet : l’observateur sensibleDaudet : l’observateur sensible

Les raisons du déclin de ces auteurs sont multiples : les mouvements de notre Société, les périodes décrites, la mutation de nos jeunes lecteurs, l'exposition à des formes de divertissements visuels et numériques, donnent davantage d'espace à l'instantanéité qu'aux analyses profondes. Mais soyons patients, ils reviendront. Et comme disent les Chinois : Un moment de patience peut préserver de grands malheurs.

Alphonse Daudet : réalisme et naturalisme littéraire

La notoriété d’Alphonse Daudet, au-delà de son talent vient de son ambiguïté. Au carrefour de mouvements littéraires, il puise à la fois dans le mouvement du réalisme et du naturalisme, 
Ainsi pionnier d’un genre nouveau, il s'inspire de ces deux écoles avec talent pour construire son identité d'auteur.
Sa vision de l’écriture : l'observation précise et la documentation minutieuse. Il obéit à quelques lois essentielles des naturalistes, en particulier celle du déterminisme.
Selon lui, le  milieu social, l'hérédité, les évènements et circonstances sont déterminants pour la personnalité et le caractère d'un homme.

Daudet dépasse le naturalisme par sa tendresse, sa sensibilité et son humanité. Il s'intéresse à l'homme, et le réel est sa matière première.
Dépeindre tous les aspects de l'homme et de son environnement pour dénoncer les injustices de la vie.

Alphonse Daudet a donc en quelque sorte un but scientifique : étudier les mécanismes de la société, tels qu'ils influencent les hommes, et les restituer dans toutes leurs vérités, sans manière. C’est un observateur du réel et un expérimentateur.
A travers ses romans, Il devient un analyste qui retranscrit la réalité avec précision et compassion, souvent.

Le Petit Chose est une autobiographie à peine déguisée. Celui qu’on appelait le Dickens français, dépeint la vie d’un jeune enfant provincial, cruellement et consciemment déclassé par son milieu social dans un environnement favorisé.
L'histoire est celle d'un jeune garçon pauvre et fragile dont on va suivre le parcours semé d'épreuves, d'une enfance difficile à une maturité douloureuse. Souvent impuissant  devant l’ école de la vie. Le style, de facture classique, fait de cette œuvre un des romans les plus représentatifs de la littérature du 19e siècle.

Alphonse Daudet, célèbre pour ses œuvres telles que "Les Lettres de mon moulin" et "Tartarin de Tarascon", occupe  une place clef dans la littérature française. Porté au pinacle des années trente aux années 70, on se pose la question aujourd'hui de son « actualité ». La question est complexe et subjective.
Si ses récits offrent un portrait « hyper réaliste » de la France du 19ème siècle, avec des descriptions poétiques de la Provence et des personnages pittoresques parfois "précieuses", on peut s'interroger sur leur portée pour les jeunes lecteurs en herbe.

Daudet : un rythme lent, une langue parfois précieuse

Le style et les thèmes peuvent paraître désuets aux lecteurs contemporains habitués à des rythmes narratifs plus rapides. Certains aspects des écrits de Daudet peuvent être considérés comme surannés. Les descriptions détaillées et le rythme plus lent de ses histoires impatientent parfois les lecteurs modernes

Si Daudet reste une source inestimable de connaissances et d'inspiration, la valeur de Daudet aujourd'hui réside principalement dans son rôle de témoin historique et culturel. Ses œuvres offrent un aperçu essentiel de la vie rurale et des mœurs françaises du 19ème siècle. Cependant, la langue parfois archaïque et les références culturelles spécifiques peuvent apparaitre comme un obstacle à son accès.

Ce qui perdure de l'œuvre d'Alphonse Daudet, c'est avant tout son talent pour la narration et sa capacité à évoquer des paysages et des personnages avec une acuité remarquable. Ses contes et nouvelles, notamment ceux de "Les Lettres de mon moulin", continuent d'être appréciés pour leur charme et leur poésie.
Les aventures de Tartarin de Tarascon, avec leur humour et leur critique sociale, restent des lectures populaires, d'un humour académique souvent perçu comme passéiste et désuet. 
Les histoires de Daudet capturent des émotions humaines universelles et des expériences de vie qui restent pertinentes, même si le contexte a changé.
C'est aux générations précédentes de les prescrire aux futures générations

 

 

Jules Romain : un humaniste visionnaire

Jules Romain : un humaniste visionnaire

Jules Romain : un nom brumeux pour beaucoup. En mentionnant Docteur Knock, ça va mieux, d'autant plus qu'un film amusant l'a remis au goût du jour.

Les hommes de bonne volonté, cela vous revient ? C'est le pilier fondateur de l'oeuvre de Jules Romain. C'est un cycle romanesque, des analyses sociales et psychologiques explorant les thèmes de la nature humaine, la société et les interactions sociales.
Le but de l'auteur est de rendre compte, à une date donnée, de la vie de chacun. Jules Romains se met dans la peau de tous ses héros, avec des interrogations, des pensées quotidiennes, et des sentiments. Il les fait vivre.

Pour Jules Romain : les individus forment une âme collective 

Jules Romain étudie la Société minutieusement par couches dans le même espace-temps.
Les points de vue sont multipliés et les réflexions sont a la fois objectives et générales mais aussi subjectives et sentimentales. Généreuses, souvent.
La particularité de cette fresque en 27 volumes, c’est le lien et la connexion qui tient les personnages entre eux. Une âme collective de Société s’en dégage.

Jules Romain appartient ainsi au mouvement littéraire de l’unanimisme, un mouvement officiel et co-fondé qui décrit la communion de l’individu avec la collectivité. C’est donc l’interdépendance des êtres humains entre eux, leur foi dans l’âme collective à travers les dynamiques sociales qui constituent l’innovation révolutionnaire de son œuvre
La réception et les critiques de ses œuvres sont globalement positives même si son style d'écriture, aujourd'hui, souvent dense et détaillé, peut sembler lourd et peu accessible pour les lecteurs contemporains habitués à des récits plus rapides et succincts. La complexité et la longueur de ses textes peuvent être des obstacles.

Une conception de la Société à l'opposé des mouvements d'avant-garde d'aujourd'hui

Cette série est un monument de la littérature pour sa profondeur et son ambition philosophique et sa dimension holistique et réconciliatrice.

Et c’est peut-être là que le point de divergence avec une génération montante se révèle. L’unanimisme décrit la communion de l’individu avec la collectivité.. C’est donc l’interdépendance des êtres humains entre eux, leur foi dans l’âme collective et donc dans un destin commun et porteur.

Aujourd’hui, et c’est une tendance lourde, la cancel culture consiste à détruire les acquis et les postulats de la culture passée pour les reconstruire et les refonder.
Les nouvelles interactions sociales doivent se régir par l’observation de deux castes : les dominants et les dominés. Et ce serait à nous, les individus, de rééquilibrer cette inéquité de l'histoire.
De ce constat : il faut observer les injustices et les réparer, plutôt que d"en comprendre les raisons..
 Une vision bien éloignée des réconciliations et des visions globalisées de l’unanimisme. C'est peut-être l'une des explications de la désaffection progressive de l'auteur, car la mode est plus à la confrontation et au jugement qu'au débat et à la conciliation

Mais comme disent les Chinois : Un moment de patience peut préserver de grands malheurs.

 

 

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@gaetan_b

Publié le 22 Septembre 2024

Merci pour ce bel article qui met en lumière les ombres de notre époque ...

Publié le 10 Septembre 2024

Merci pour cette série d'article qui remet à l'honneur ces écrivains pas tant oubliés que ça...

Publié le 27 Août 2024

Cet article est très intéressant. Je ne suis pas une fan d'Alphonse Daudet, je reconnais ses qualités notamment dans l'évocation de la Provence mais je suis rebutée par son étroitesse d'esprit. Par contre j'admire Jules Romains. Ayant lu les 28 volumes des Hommes de bonne volonté, j'ai été subjuguée par la force de ces récits dans lesquels je vois deux sommets absolus : les combats dans les tranchées en 1914 et la terrible scène décrivant l'avortement clandestin d'une bourgeoise. Le romancier se montre souvent en avance sur son temps pour les problèmes sociétaux. On y trouve aussi de belles pages sur l'engagement politique.

Publié le 16 Août 2024

Article très intéressant, bien documenté, une opportunité de réviser nos classiques en même temps... et peut-être de les faire découvrir à d'autres. C'était bien de le faire.
Les époques se suivent, la nouvelle chasse la précédente, pour resurgir plus tard et c'est heureux.
La nôtre est marquée par l'accélération de la vie et la dispersion tant les centres d'intérêt sont nombreux. On assiste aussi, et ça a été souligné, à une "cancel culture" qui peut aller parfois très loin, jusqu'au déboulonnage ou jusqu'à la réécriture pour des questions de "genre". Cette séquence prendra fin à son tour, peut-être parce que le balancier repartira à l'opposé pour retrouver des valeurs un temps refoulées.
Concernant ces deux auteurs, Alphonse Daudet et Jules Romain auteurs qui pour certains d'entre nous ont marqué notre enfance, on peut supposer que comme pour Marcel Pagnol, la télévision, peut-être le cinéma, les remettront à l'honneur, ainsi que l'éducation nationale au primaire et au secondaire.
Merci pour cette série : Les écrivains qu'on oublie. Justifiée car s'adressant à une communauté d'auteurs de tous âges. MC

Publié le 16 Août 2024

Cette série vient de prendre un tournant.
Elle passe (me semble-t-il) de l'anecdotique, voire de la provocation, à une réelle interrogation sur notre époque, sur le temps qui passe (si vite pour un pauvre humain), sur les trous dans la raquette de la mémoire, l'accélération des particules, la course à l'échalote, la contemplation des ruines après le déluge de feu, la cruche qui finit par se fendre et casser, tant elle est allée à l'eau (admirez l'allitération), les regrets, la peur de devenir lucide, un jour, peut-être, sur un malentendu...
Bref, merci à celui qui en a la paternité. Et, surtout, continuez !

Publié le 16 Août 2024