Tu me demandes à nouveau : quel est ton plus beau souvenir de Noël ?
Une nouvelle fois je te réponds : aucun, la mémoire tu sais, ça va ça vient...
Je vois ton regard se voiler, cette petite moue boudeuse attrister ton visage et ta petite voix d'enfant têtu insister : Peut-être plus tard, la mémoire parfois ça part et parfois ça revient, tu sais.
Peut-être oui, qui sait, je réponds et ma réponse est un mensonge, mais chut, il ne faut pas que l'enfant le sache. Les mensonges sont souvent les plus beaux des mystères. Mon seul et unique souvenir de Noël n’appartient qu'à moi et le restera à jamais.
Je ne sais plus pourquoi j'étais seul dans ce désert immense, du sable, des pierres et l'ondulation infinie des dunes jusqu'après le bout du regard. À deux pas, un serpent avait effleuré le sable et la courbe ondulée de son passage était, pour moi, la signature de la peur. Peut-être de la mort.
Dans cette nature démesurée, sous un soleil incendiaire qui ne laissait à la vie que d’infimes espoirs d’existence, je n'étais plus qu'un souffle épuisé qui pourtant espérait encore. Quoi ? je l'ignorais, mais l'espoir dépasse la raison, il est comme ces racines invincibles qui s'ancrent au cœur des roches les plus durs et ne les quittent jamais. Est-ce que je m'étais endormi ? Est-ce que, assommé de fatigue, j 'avais sombré dans une sorte de semi-coma ? Est-ce... je ne pourrai jamais le savoir mais ce que je sais c'est qu'une pluie furieuse m'avait brutalement sorti de ma torpeur.
J'avais d'abord cru à une illusion, à un délire de mon cerveau affaibli car la chose était impossible, pas une goutte d'eau n'était tombée sur cette terre aride depuis... personne, même les plus vieux, ne s'en souvenaient. Alors je m'étais levé et j'avais laissé couler sur moi ce déluge insensé, puis je m'étais allongé, bras en croix sur le sol devenu vivant tout à coup, j'avais senti les crevasses assoiffées se remplir d'eau et la terre désolée sentait soudain l'odeur forte des champs après la pluie. J'avais fermé les yeux, peut-être m'étais-je endormi, je ne sais plus mais lorsque j'avais rouvert les yeux, la pluie avait cessée. Encore tout étourdi de cette fureur soudaine partie aussi vite qu'elle avait surgi, j'avais mis un certain temps avant de réaliser que j'étais assis au milieu d'un gigantesque parterre de fleurs mauves. La terre entière en était recouverte, effaçant le désert, remplaçant la majesté stérile des longues crêtes des dunes par un interminable tapis violet qui ne durerait peut-être que l'espace d'une illusion. J'étais abasourdi, plongé au plus profond d'un émerveillement qui annihilait toute conscience du reste du monde. Je ne sais combien de temps je demeurais dans cet état de presque béatitude, inconsciemment j'aurais aimé qu'il ne s'arrête jamais.
C'était le 25 décembre 1999, nous allions basculer dans un autre millénaire. Et pour moi, pour moi seul, la nature s'était embrasée.
25 décembre 2020, je viens de partir au pays des nuages et je regrette soudain de ne pas avoir dit à l'enfant devenu grand que ...
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Je ne connais du pétrichor que la version provençale, après les longues journées de canicule. Un parfum qui se grave dans la mémoire, comme celle, à l'opposé, de l'incendie. Je n'ose imaginer le pétrichor dans le désert d'Acatama. Merci pour cette très belle nouvelle ! Bonne fin d'année, Antonia.
Un texte comme une invitation à la rêverie. Et peut être un hommage inconscient (ou pas) à Jim Morrison?
@Antonia Delpopolo
la question, la vraie question est : qu'est-ce que vous foutiez seule, en plein désert un soir de noël ?
Antonia a ses secrets mystérieux comme la fête de Noël à ses mystères mystérieux secrets.
c'est pour ça, qu'il a plu cette nuit là dans ce désert dans cette belle histoire mystérieuse.
Bravo !
FF
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