Chris Simon et Cyril Godefroy, tous deux, surveillent, reportent rôdent et interviennent sur le net, particulièrement du côté des auto-édités.
On a posé à ces deux auteurs, rompus aux techniques de l’autoédition, les mêmes questions. Résultat : des accords, des nuances, mais aussi des perceptions différentes.
Le partage en autoédition ?
Chris Simon : Le partage a un sens large. Il faut se fixer des objectifs par rapport à ce qu’on veut partager. On doit avoir un but pour aller quelque part, soit pour soi, soit pour les autres. Souvent les gens pensent que le partage, c’est la gratuité, mais ce n’est pas tout à fait ça non plus. C’est beaucoup plus que cela, c’est une mission qu’on s’assigne.
On parle beaucoup de l’économie du partage, c’est la prochaine économie, je pense, et je ne suis pas la seule à le penser. Il faut changer notre façon de faire, inventer de nouvelles façons de travailler, de consommer, de vivre. L’auto édition, est pionnière. On peut tous, en pionniers apprendre cette nouvelle économie, et même l’inventer.
Cyril Godefroy : Le partage c’est un enrichissement. S’il y a un partage, c’est qu’il y a création à l’origine. On ne peut rien partager si ça n’a pas été créé. Il y a un premier enrichissement de soi-même parce qu’on a créé ou appris quelque chose. Ensuite, en partageant son savoir faire, sa connaissance, son expérience, en donnant de soi, on va initier de nouvelles idées, de nouveaux comportements ; permettre aux autres d’aller plus loin dans ce qu’ils font.
En terme de marketing, le partage, c’est ce qui permet de se créer ou de créer une communauté et de faire que les gens adhèrent à sa propre idée. Le partage c’est aussi un don.
Donner ses écrits à lire gratuitement, est-ce une solution ?
Chris Simon : C’est intéressant, il y a dans la gratuité une idée de partage, et une notion démocratique. Donner à voir ce que l’on est, ce que l’on fait. On ne naît pas auteur… on peut rencontrer l’écriture à un moment de sa vie, il faut donc se mesurer à un lectorat, se plier à une discipline. A quel moment est on prêt ?
Une plateforme comme monBestSeller peut être la première étape de sa position d’auteur et donc être lu par des lecteurs que vous ne connaissez pas. C’est une très bonne chose, c’est un très bon départ.
Cyril Godefroy : Il n’est rien qui soit véritablement gratuit. Puisqu’il y a une ressource que nous possédons tous de la même manière, la seule que nous ayons vraiment en commun et chacun librement, c’est le temps. En mettant à disposition son écrit sur mBS, on partage son temps et en échange, on reçoit du temps des gens qui lisent, donc, on voit que même dans le concept de gratuité, il y a le partage d’une ressource essentielle : le temps, un temps qui permet d’accélérer, d’aller plus vite pour se réveler au public. Du temps, qui, si on ne le partage pas avec les autres, aboutit à une forme de stagnation dénué de toute dynamique collective...
Construire sa communauté de lecteurs.
Chris Simon : Oui, c’est quelque chose qui existe vraiment : une chose, un bien, un savoir, des lecteurs, des services, des échanges à partager. Pas de communauté sans leader. Si elle n’est pas organisée, la communauté n’a pas de règles, de limites, elle n’existe pas, pis elle pourrait dériver et soit disparaître, soit être dangereuse. Et en l’occurrence, chez monBestSeller cette communauté existe, elle fédère des auteurs et des lecteurs sur des thèmes.
Cyril Godefroy : Les communautés, elles sont multiples et elles se connaissent, elles échangent beaucoup ensemble. La communauté des auto-édités est en train de se construire. Elle se fonde sur des projets précis, des intérêts, des échanges pratiques, des échanges techniques.
Il faut à un moment donné un leader d’une action pour la structurer, mais je pense que les leaders doivent alterner contrairement à une entreprise traditionnelle. Et justement en fonction de cette économie du partage, il faut qu'il y ait des relai : quelqu'un a une idée, il la mène jusqu’au bout dans la communauté, mais ensuite un autre peut prendre la suite avec une autre idée, un autre concept et le mener à son terme … ça aussi c’est du partage… une question qui se pose aussi dans la société d’aujourd’hui.
Qu’est-ce que le numérique va changer dans l’écriture, dans la lecture ?
Cyril Godefroy : La différence fondamentale, c’est que ce sont les lecteurs qui font le bouche à oreille, ils disent pourquoi ils ont aimé… Le lecteur est capable de s’éduquer dans la lecture, si on lit jeune, on forge son jugement, on est capable de savoir si un livre est bon, on apprend à maitriser les codes du genre… Certains lecteurs les maitrisent parfois mieux même que plein d’auteurs. Jusqu’ici il y avait la prédominance de prescripteurs de l’édition qui choisissaient pour nous des livres –qui étaient bons, ou qu'ils jugeaient bons pour nous (ce n’est pas une question de qualité)- En fait, ils oublient sans doute le rôle central du lecteur initié, qui a des goûts, qui est capable de dire si un livre est bien fait ou conforme à ce qu’il aime… Dans l’avenir le lecteur pourra choisir beaucoup plus, comme sur monBestSeller et d’autres plateformes, c’est le lecteur qui met en avant les textes et dit à un autre lecteur « c’est super bien, lis-le ».
Chris Simon : C’est une guerre économique évidemment qui est en train de s’organiser. Et in fine, ce sera le lecteur qui gagnera cette guerre. C’est lui qui imposera l’organisation économique de la lecture. Le numérique… on peut écrire différemment, le numérique lève les contraintes… il donne naissance à une autre manière d’écrire.
Dans ma série « Lacan et la boîte de mouchoirs »… J’ai travaillé 2 ans… tous les mois un épisode… 3 000 mots, trop court pour imprimer… Le numérique permet de lever les contraintes du papier, puisqu’ensuite on peut imprimer tous les épisodes et faire une saison complète, donc un livre. D’autres inventeront des manières d’écrire différemment. Le papier restera toujours une façon de présenter son travail qui aura pu être fait sur le net ou ailleurs… C’est une guerre économique évidemment qui est en train de s’organiser. C’est le lecteur qui imposera l’organisation économique de la lecture. Car la guerre va se dérouler autour des best-sellers. Les éditeurs veulent des livres qui se vendent et les trouvent souvent parmi les auteurs du digital, et les auto édités.
Propos recueillis lors de la conférence donnée sur le stand monBestSeller au salon Livre Paris 2016.
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Le partage est communion. C’est un acte gratuit, totalement désintéressé. Je suis d’accord sur ce que dit Cyril Godefroy à ce sujet, sauf quand il parle de marketing. La marchandisation va à l’encontre du partage, et plus que jamais de nos jours. Cet article est intéressant de bout en bout. Merci à mBs de nous faire connaître par le biais du site les impressions et commentaires de ces excellents intervenants que sont Cyril Godefroy et Chris Simon. Une conférence à laquelle j'aurais bien aimé assister.
Très intéressante, cette notion de guerre économique autour de l’auto édition, qui met en avant la victoire finale du lecteur, libre, grâce au numérique, de choisir parmi un panel d’auteurs dont il n’aurait pas connaissance par le biais de l’édition classique.
Il est vrai que garder un manuscrit dans un tiroir dans l’attente de la bonne étoile qui amènera un éditeur à le publier n’a rien d’enrichissant. Ecrire est un exercice parfois douloureux, parfois jubilatoire, mais dans tous les cas, le but final est de partager ses idées, ses impressions. De faire connaître au plus grand nombre le roman ou la nouvelle ou tous autres écrits qui ont demandé tant de temps et d’efforts, de recueillir la récompense d’avoir intéressé autrui.
L’échange, par le biais d’une plateforme telle que MBS, sort l’auteur de son anonymat, le stimule et, en comparant son style à celui d’autres auteurs, lui permet de se situer, voire de se corriger et de s’améliorer.
Il y a donc deux gagnants dans cette formule : le lecteur, d’une part, auquel il est donné de choisir ses lectures et de les commenter en ligne directe avec l’auteur, et l’auteur d’autre part, qui trouve une audience immédiate, soulagé de la course aux éditeurs, laborieuse et le plus souvent décevante. Et la cerise sur le gâteau, le but final, évidemment, c’est le succès tant attendu qui pourrait être au rendez-vous.