Vous l'aurez deviné, il ne s'agit pas d'une lecture réalisée par un lecteur un peu ahuri.
Bêta est à prendre ici dans son sens informatique : « la version bêta d'un logiciel est une pré-version. Elle n'est pas commercialisée car elle n'est pas encore stable et peut comporter quelques bogues que des bêta-testeurs sont chargés de détecter. Il est parfois déconseillé d'installer une telle version pour éviter des problèmes sur son ordinateur ».
La bêta-lecture, c'est une lecture qui a pour but de détecter des coquilles, que ce soit sur la forme comme sur le fond. On pourrait parler de lecture tatillonne, de lecture attentive, de lecture pour chercher la petite bête.
Mais attention, il s'agit d'une lecture visant à apporter un regard extérieur, en quelque sorte une aide, un avis de lecteur qui se veut aussi objectif que possible. Quand on se prête à l'exercice, il convient de le faire dans l'esprit d'apporter une plus-value, d'aider l'auteur à repérer ce qu'il ne parvient pas à voir lui-même, de lui donner des pistes de réflexion à partir d'éléments concrets.
Une bêta-lecture est donc un exercice à la fois bienveillant, précis et argumenté.
Quand j'ai terminé le premier jet du premier volet de mon cycle de fantasy, je l'ai bien sûr relu. Avec le recul et un début d'expérience, je me suis rendu compte que c'était là que commençait le véritable travail : réécrire le tout pour le rendre plus professionnel, plus « propre », plus agréable à lire. En un mot, plus abouti. Or, j'ai trouvé la tâche particulièrement ardue. Autant il peut s'avérer aisé de voir les coquilles des autres au fil de la lecture, autant voir les siennes peut s'annoncer d'une difficulté toute particulière. On est très vite pris par ses propres mots, ses propres tournures, son histoire. Bientôt, on finit par ne plus rien voir ou en tout cas par passer à côté de plein de choses, quelquefois tout à fait énormes. Dans mon cas par exemple, j'avais le sentiment de redondances régulières dans mon récit, sans parvenir à mettre le doigt précisément sur les passages concernés. Par endroits, j'étais gêné sans trop savoir par quoi et donc incapable de repérer sur quoi intervenir. Comme j'avais toutes les peines du monde à identifier les éléments précis qui me permettraient justement d'améliorer mon texte, je me suis mis en quête de lecteurs tatillons (un avis global n'était pas suffisant). Mes recherches m'ont mené vers des forums et blogs où la bêta-lecture se pratique (à différents niveaux). Voilà pour la motivation.
Quant à ce qui m'intéresse dans le rôle de bêta-lecteur, eh bien c'est justement cet apprentissage réalisé via la bêta-lecture. Or le fait de découvrir un texte, ce qui en soit est déjà fort sympathique, on le lit dans l'idée de signaler tout élément qui nous interpelle ou nous a gêné (on signale aussi ce qu'on a particulièrement aimé, c'est également important !). Cela permet de prendre du recul, de repérer rapidement des éléments clés qui reviennent souvent dans tout type d'écrit, des tics d'écriture, des tournures alambiquées, etc... Avec un peu de pratique, quand on en revient à se relire soi-même, on applique tout simplement ce regard de bêta-lecteur et on se surprend à voir toutes sortes de choses qui nous échappaient auparavant, dont on n'avait parfois tout simplement même pas conscience. Une sorte de transfert s'opère automatiquement.
Autre point très intéressant et très enrichissant quand on est bêta-lecteur : les échanges avec l'auteur bêta-lu. Et oui ! On ne se contente pas de rendre une copie sans forme de communication. On fait remonter ce qui nous interpelle et assez souvent, une discussion intervient pour approfondir ou préciser un point, une idée. De ces échanges naissent des richesses de toutes sortes.
C'est probablement variable et on pourrait répondre (je vais répondre) que les qualités dépendent de deux éléments :
- d'un côté les besoins des auteurs, leurs attentes, leur capacité de remise en question, leur capacité d'absorption, etc.
- de l'autre côté, le degré d'investissement du bêta-lecteur, ses forces et faiblesses, sa capacité à communiquer son point de vue et son ressenti, la pertinence de ses interventions.
Pour donner une réponse plus personnelle à cette question, je dirais que les qualités d'un bêta-lecteur pourraient être (notez le conditionnel^^) : attention, sérieux, bienveillance, ouverture d'esprit, volonté d'aider utilement, précision, honnêteté (être bienveillant n'empêche pas d'être honnête et de secouer parfois un peu l'auteur dans ses convictions, si on pense que ça peut lui rendre service et qu'il saura l'entendre).
Là encore, il n'y a pas d'obligation (je prends toujours des pincettes avec cette notion de « devoir »), mais plutôt des possibilités, qui dépendent de ce que chacun est capable de donner, et de recevoir.
Comment l'appréhender : comme un enrichissement réciproque ; une opportunité de rencontre d'une part, d'échange d'autre part.
Accepter tout ce que dit le bêta-lecteur : certainement pas et surtout pas ! Là, je suis absolument catégorique.
Garder de l’indépendance sur certains points : oui, et pas que sur certains points ; sur tous les points !
Une bêta-lecture est une aide, un point de vue qui va rester somme toute très personnel. Quand bien même la bêta-lecture peut comporter des éléments très pertinents et très utiles, elle va forcément heurter certaines convictions de l'auteur et perturber certains de ses choix ou positionnements.
Mon conseil : laisser le bêta-lecteur s'exprimer librement mais en lui demandant de ne pas émettre de jugement et en évitant de donner des conseils (on peut tout à fait lui en demander ensuite si on on ressent le besoin). Pour bêta-lire efficacement, je pense qu'on doit se limiter à donner un ressenti et mettre le doigt sur tout ce qui interpelle, sans chercher à donner son opinion (tu devrais faire comme ça ; à ta place, j'aurais dit ça, etc... ce genre de chose est à mon sens à éviter et même proscrire, sauf sollicitation explicite de l'auteur pour avoir votre avis). Bien ou pas bien, bon ou pas bon, ce n'est pas l'objet de la bêta-lecture. Ce qui a gêné ou non, oui. Ce qui a été apprécié ou non, oui. Ce qu'on n'a pas compris, oui. Mais il appartient à l'auteur de faire ce qu'il veut des éléments reçus. C'est sa liberté et son travail de faire ce qu'il veut des retours obtenus (ça peut n'être rien du tout d'ailleurs).
À mon sens, en tant qu'auteur, il est essentiel de se positionner en ouvrant grand les yeux et les oreilles, mais en conservant la totalité de son indépendance vis à vis des interventions des bêta-lecteurs. Ils nous font l'honneur de passer du temps sur nos écrits et de nous faire part de leurs réflexions, merci à eux. Après, libre à chacun de tenir compte ou non des remarques portées à son attention.
Comme on le dit souvent dans le cadre de bêta-lectures : prends ce que tu veux et jette le reste !
En tant que lecteur, c'est un peu difficile à exprimer. Si je me suis lancé dans la bêta-lecture, c'est avant tout dans l'idée d'essayer d'améliorer mes écrits. Bêta-lire est un exercice très exigeant, fatigant même et potentiellement frustrant quand l'auteur ne semble tenir aucun compte de vos remarques. Si l'on peut apprécier la lecture de l'ouvrage bêta-lu, on l'apprécie probablement moins (en tout cas différemment) que si on le lisait sans ce regard tatillon, à l'affût du moindre élément susceptible de faire l'objet d'une remarque. Par contre, quelque part, on a un peu l'impression de découvrir une œuvre en avant-première, de lire un auteur sans filtre et sans censure. C'est intéressant et ça a, au-delà des imperfections, un certain charme.
En tant qu'auteur, ça m'apporte de nombreux outils qui m'aident énormément à réfléchir sur mes écrits, à les améliorer. Cela m'aide aussi à mieux envisager et préparer les suivants, car je suis « fort » de cette expérience et de ce recul dont je ne disposais pas avant. À mon sens, se livrer à des exercices de bêta-lecture aide à mûrir son style, à limiter progressivement la présence de potentielles coquilles (nous en avons tous !), à prendre un peu de confiance en soi (ça fait du bien de constater qu'on n'est pas tout seul à ramer, à faire des fautes énormes, des répétitions affreuses, etc.). Indirectement, cela permet aussi de se faire quelques contacts. Non négligeable, n'est-ce pas ?
Yannick Fradin vous donne rendez-vous sur le site
Mardi 12 juillet : La bêta-lecture
Qu'est-ce que c'est ? À quoi ça sert ? Comment ça marche ? À qui profitent les bêta-lectures ?
Lire l'article "La bêta-lecture qu'est ce que c'est"
Mardi 26 juillet : Le bêta-lecteur
Qui peut être bêta-lecteur ? Pourquoi bêta-lire ? Comment bêta-lire ? Où trouver des livres à bêta-lire ?
Lire l'article "Le bêta-lecteur, un animal doué de raison, dévoué, précis, et sans ego"
Mardi 9 août : L'auteur bêta-lu
Qui peut être bêta-lu ? Quand proposer un texte à la bêta-lecture ? Où trouver des bêta-lecteurs ? Comment choisir ses bêta-lecteurs ? Que faire des bêta-lectures ?
Lire l'article "L'auteur face à la bêta-lecture"
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Avec plaisir @midji kabalewski, et pardon de vous répondre aussi longtemps après votre message... On a souvent tendance à vouloir aller trop vite, surtout quand on est arrivé au bout de son premier écrit. Si on ne le propose qu'à ses proches, ce n'est pas très grave, mais si on le propose au reste du monde (soyons fou^^), on peut vite déchanter si on ne s'est pas suffisamment préparé.
La bêta-lecture n'est aucunement un passage obligé, mais c'est un outil riche pour tous les participants, et un texte ne peut qu'en bénéficier !
Bêta-lire les autres est aussi riche d'enseignements. Ca aide à adopter un regard plus critique, à prendre plus de distance, et à voir bien des choses dont on n'avait même pas conscience auparavant.
Pour moi, ça a été une étape de professionnalisation, et si je bêta-lis beaucoup moins qu'à mes débuts, je continue à le faire en cercle restreint. C'est comme la mémoire ou le vélo, plus on s'entraîne régulièrement, mieux on s'en sort ;-)
Merci pour votre article très riche, pour une novice comme moi. Je me rends compte que j'ai peut-être été trop rapide dans la publication numérique de mon récit. Je me doute bien qu'il y a forcément des coquilles, mais je pensais à tort que j'aurai des retours assez rapidement… Je me rends compte que pour comprendre ce qu'est la bêta-lecture, il aurait mieux valu que je teste cette activité avant de poster mon récit, cela m'aurait déjà appris beaucoup de choses. Ce n'est pas grave, je vais le faire maintenant et je pourrai toujours corriger par la suite, mon récit. Ces articles devraient être mis sur la page d'accueil du site pour les novices comme moi.
Bonjour à tous et désolé de répondre avec quelques jours de retard. J'ai pris une semaine de vacances sans connexion et je rentre tout juste.
Je suis content de constater que cette interview a suscité des commentaires. Permettez-moi de rebondir sur vos interventions (merci de les avoir formulées d'ailleurs !).
@Marguerite Rothe : comment devient-on bêta-lecteur ? J'espère que les trois articles sur le sujet vous donneront des réponses satisfaisantes. Si ce n'est pas le cas, nous pourrons toujours en discuter :-)
@lamish : la bêta-lecture est forcément réalisée par quelqu'un d'autre que l'auteur. La bêta-lecture intervient avant tout et surtout sur le fond. C'est la première étape. Mais j'empiète déjà sur l'article suivant, que je vais vous laisser découvrir :-)
C'est intéressant en tout cas que vous parliez de corrections et de financement. La bêta-lecture n'est PAS une correction, mais une aide préliminaire (voire parallèle) qui peut y préparer. Cela ne remplace pas la qualité du travail de correcteurs professionnels, mais peut rendre l'écrit concerné plus facile et rapide à corriger. Je pense que c'est une étape à ne pas négliger, qui intervient en amont de la correction mais après les premières relectures de l'auteur.
@Colette bacro : cette série d'articles, introduite par la présente interview, a surtout pour but de faire découvrir le concept à ceux qui ne le connaissent pas. J'en profite pour donner quelques exemples et j'ai mis des liens vers différents sites intéressants et pertinents traitant du sujet (dans les articles sur le bêta-lecteur et l'auteur bêta-lu). Personnellement je trouve que c'est une étape très enrichissante pour tous ceux qui aiment écrire et souhaitent travailler leur plume. A l'issue de la série, les auteurs (et lecteurs) intéressés pour creuser le sujet ou tenter l'aventure disposeront de tout un choix d'idées et de lieux numériques où pratiquer la bêta-lecture de manière structurée (liste non exhaustive bien sûr, mais j'en ai quand même mis un certain nombre).
@Mel Pilguric : l'exigence et la passion de l'écriture (et de la lecture !), c'est tout à fait ça :-)
@Claude CARRON : ravi de vous avoir fait découvrir la formule via cette interview. En espérant que les trois articles vous apporteront des éléments utiles :-)
@monBestSeller : un grand merci à mBS qui m'a proposé de me livrer à cet exercice intéressant, qui je l'espère se révèlera utile à au moins certains des auteurs et / ou lecteurs du site.
@ Yannick A. R FRADIN : Je ne connaissais pas la formule. Très intéressant. Bravo. CC
@Yannick A. R. FRADIN
Voilà un magnifique article qui souligne le travail énorme réalisé par les Bêta-lecteurs de monBestSeller. Cette performance n'est pas donnée à tout le monde, mais ceux qui s'y adonnent avec succès participent pour beaucoup à la qualité du site. Alors merci à vous, à Colette et à tous ceux qui mettent en avant l'exigence et la passion de l'écriture. On attend la suite avec impatience ! Amicalement, Mel.
Bonjour @lamish Bonjour @Colette bacro Bêta-lectrice... J'avoue que c'est tentant, mais... comme le dit très bien Michèle, j'ai peur que mes écrits soient phagocytés par ces lectures en profondeur.... Colette : Oui, je commente, j'essaie de le faire bien, le plus honnêtement possible, mais serait-ce suffisant pour être bêta-lectrice ? Je ne le crois pas. Il me manque une dose supplémentaire de confiance en moi-même, pour envisager des re-lectures véritablement efficaces. Il n'empêche que je trouve cette activité, avec toutes les qualités qu'elle requiert, vraiment très intéressante ! Bien amicalement, Marguerite
Excellent article ! Je suis votre travail de bêta-lecteur, et aussi celui de Colette, depuis le commencement de la diffusion des feuilletons sur mBs. Je dois bien dire que j'ai été impressionnée par votre capacité d'implication à tous les deux. Vous lisant, je me posais la question : "Comment fait-on pour devenir bêta-lecteur ?" J'ai tout de suite eu la réponse en bas de page ! Très intéressée, j'ai hâte de lire vos prochains articles ! Merci beaucoup, Marguerite