Parfois, les auteurs ne savent plus s'il convient ou non de mettre un « s » final aux verbes du premier groupe conjugués à la première personne : je mangeai, ou je mangeais ? Je mangerai, ou je mangerais ?
Pour le déterminer, il faut définir le temps qui convient à cet instant de la narration ; et pour cela, l'auteur doit clairement faire la distinction entre le passé simple et l'imparfait, ou entre le futur et le conditionnel.
(Ce soir-là,) je mangeai : passé simple.
(À cette époque,) je mangeais : imparfait
(Demain,) je mangerai : futur.
(Si je le pouvais,) je mangerais : conditionnel.
En cas de doute, remplacez le verbe du premier groupe par un verbe du troisième groupe, quitte à modifier un peu le récit. L'erreur éventuelle vous sautera aux yeux.
Texte d'origine : Ce soir-là, je mangeai tôt.
Substitution : Ce soir-là, je sortis/sortais tôt. (Choix correct : 1e proposition « je sortis » : il s'agit d'une action ponctuelle, il faut employer le passé simple.)
L'imparfait doit bien sûr être employé dans une phrase telle que « Ce soir-là, je mangeais une pomme lorsqu'il arriva » : « je mangeais une pomme » exprime une action qui durait au moment où s'est produite l'action ponctuelle « il arriva ».
Texte d'origine : Adolescent, je mangeais beaucoup.
Substitution : Adolescent, je sortis/sortais souvent. (Choix correct : 2e proposition « je sortais » : il s'agit d'une action qui a duré dans le temps, alors l'imparfait s'impose.)
Car le temps à employer peut dépendre d'un sens sous-entendu.
« Je pourrai vous tuer » (sous-entendu « quand je le voudrai » = action future.)
Mais on peut écrire aussi : « Je pourrais vous tuer. » (sous-entendu « si je le voulais » = conditionnel.)
En présence d'une condition clairement établie, le temps à employer dépend normalement du temps de cette condition :
« S'il le fallait, je pourrais sauter par la fenêtre. » (condition pure et simple.)
« S'il arrive, je pourrai sauter par la fenêtre. » (la condition « s'il arrive » a valeur d'événement préalable, donc l'action reste à venir = futur.)
Dans l'exemple précédent, on peut aussi, selon le contexte, admettre une formulation plus moderne, moins académique :
« S'il arrive, je pourrais à la rigueur sauter par la fenêtre » (bien que la condition reste formulée au présent pour mieux traduire l'inquiétude ou l'imminence, « à la rigueur » – ou toute autre expression propre à renforcer la condition –, détermine alors le sens de la phrase = le conditionnel s'impose).
D'une manière générale :
Employez le conditionnel (terminaison en -ais) pour exprimer :
Une hypothèse incertaine : « Je pourrais déménager »
Un regret : « Je n'aurais pas dû »
Un désir : « J'aimerais vous revoir » (sous-entendu : si c'était possible)
Un doute : « Je pourrais peut-être accepter » (sous-entendu : si tout se passait bien)
Une suggestion : « J'irais vous chercher ce soir-là » (sous-entendu : si vous étiez d'accord)
Des égards : « Je craindrais de vous choquer » (sous-entendu : si je faisais cela)
Employez le futur (terminaison en -ai) pour exprimer... le futur, bien sûr, mais aussi :
Une hypothèse probable : « Tout bien réfléchi, je me serai fait avoir »
Une injonction courtoise : « Je vous prierai d'en tenir compte ».
En cas de doute, remplacez « je » par « nous » :
« Nous pourrions déménager », « Nous n'aurions pas dû », « Nous aimerions vous revoir », « Nous pourrions peut-être accepter », etc ;
mais « Tout bien réfléchi, nous nous serons fait avoir » et « Nous vous prierons d'en tenir compte ».
« Avec cet orage, je me sentais nerveux (action qui dure = imparfait). Une porte claqua et je sursautai (action brève/ponctuelle/soudaine = passé simple). Je me demandai/demandais qui m'avait suivi (2 possibilités au choix selon ce que l'auteur veut exprimer : action ponctuelle = passé simple, ou action qui dure = imparfait). Une voix cria : « Je te trouverai tôt ou tard (futur), et s'il y avait une justice, je te trouverais mort ! (conditionnel) ».
Voilà, j'espère que ce premier petit billet aura été utile à quelques-un(e)s d'entre vous.
Bonne écriture à toutes et à tous !
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Letellier Patrick.. Bonne nuit Patrick notre philosophe bougon préféré..
@Michel CANAL
Merci pour votre commentaire. J'essaie de présenter tout cela sous un jour peu académique, qui parlera peut-être mieux à l'esprit des auteurs indépendants, souvent moins conformistes que la moyenne. :-)
Amitiés,
Elen
@vespucci
Cher monsieur ou madame, j'espère ne pas froisser votre modestie en disant que moi aussi, je vous trouve formidable. N'en parlons plus !
Cordialement,
Elen
Merci @Elen Brig Koridwen pour ce nouveau billet. Il ne me concerne pas personnellement (j'ai la chance d'avoir en son temps bien assimilé les règles de grammaire et de conjugaison), mais je trouve si souvent ce problème dans les écrits que je lis ou que je corrige...
Il aura je l'espère son utilité auprès de tous ceux qui en ont grand besoin... pourvu qu'ils aient l'opportunité de lire ce billet. Ravi de vous avoir lue et de souligner votre pédagogie.
Peut-être que celles et ceux qui ne maîtrisent pas ces règles n'ont tout simplement pas eu les bons profs durant leur scolarité.
Amitiés, Elen, c'est toujours un plaisir de vous lire.
@Patrick Letellier
C'est en effet un blog très intéressant et qui fait un large tour d'horizon des différents aspects de l'écriture. J'ai commenté l'un des articles, mais sans laisser de lien vers mon propre blog : ma démarche n'est pas publicitaire, je prends seulement plaisir aux rencontres humaines. :-)
Bien amicalement,
Elen
@J-C Heckers
Mon cher Jean-Christophe, si tu n'existais pas, il faudrait t'inventer !
Amitiés,
Elen
@Sytoun
Ravie de pouvoir vous être utile ! Ce sont des fautes très fréquentes, en effet.
Bien cordialement,
Elen
@Letellier Patrick
Merci à vous pour votre commentaire, et pour toutes ces ressources qui seront sûrement utiles à d'autres auteurs.
Bien amicalement,
Elen
Pour l'ultime phrase d'exemple, on peut aussi avoir en conclusion un « Une voix cria : "Je te trouverai tôt ou tard (futur), et s'il y a [j'ai ici choisi le présent] une justice, je te trouverai mort ! (futur)." », histoire de renforcer le farouche espoir de constater bientôt le réconfortant trépas du misérable cuisinier qui a choisi de prendre la fuite plutôt que d'assumer avoir confondu la composition de l'arsenic avec la recette des œufs à la florentine.
Merci, je fais ces fautes souvent, cette "leçon" va sûrement m'aider pour l'avenir !