Désolé de venir casser la bonne ambiance du concert de louanges, mais je dois confesser une grosse déception sur plus de cent pages. Je ne sais pas à partir de quel moment j’ai commencé à m’ennuyer, au bout de quatre chapitres, c’est sûr. Arrivé au terme de la novella, j’ai pensé à un Matheson qui aurait pratiqué le délayage en adoptant un style dans le genre vulgaire devenu assez commun pour ce genre de sujet, et ça ne m’a pas réjoui. D’abord parce que le dit Matheson aurait écrit ça il y a un demi-siècle, avec plus de dureté, de concision, et une moindre proportion de grossièretés. Bon, d’accord, on n’appellera pas ça une mise en perspective pertinente, mais ça aura été ma première réaction. On est venu me vendre du cash dur fort, et du bon en plus, je vois de la dope coupée au sucre glace et au talc (ou alors avec de l’eau si ça doit s’injecter). Qui ne m’aura fait presque aucun effet, et m’aura surtout suscité l’impatience d’en finir. Au sortir de Trash Humanity j’ai donc eu le sentiment que c’était bien trop long, que tout ça pour ça, même le paroxysme et les pages conclusives m’ont à peine laissé un goût amer. Dont celui d’avoir lu des tas de fois ce genre de choses et, ici, de ne pas avoir retiré grand-chose de l’effort. Ou de ne pas avoir su, c’est possible aussi. Ce qui expliquerait que je n’aie pas accroché. Je fais alors une pause avant de m’intéresser à la suite. Le rêve d’une baleine à bosse (etc.) m’emporte un peu plus loin et me satisfait mieux. Parvenir enfin à savourer, c’est déjà ça, et je trouve enfin une patte de l’auteur, ce qui le distingue. Plus tard, quand je termine Six Mondiols, je me dis que c’est dommage qu’il y ait eu Trash Humanity, parce que j'ai sincèrement bien aimé ces nouvelles (pas à la folie, mais bon, voilà). Ou plutôt, je trouve dommage que Trash Humanity n’ait pas fait, lui aussi, une trentaine de pages – au pire une cinquantaine, mais pas plus. Les bonnes idées auraient été plus saillantes, le propos plus brutal et sur moi plus efficace, même si je suis devenu peu perméable aux variations dystopiques de ce genre. Bref, résumons (sic). Mitigé et perplexe, j’estime que si ce n’est pas mauvais (loin de là), il n’y a pas de quoi se pâmer, et que dans le premier volet du livre l’auteur est tombé dans un bavardage un peu complaisant alors que j’estime qu’il eût fallu serrer le kiki au texte, faire quelques coupes et surtout concentrer la dose pour un effet immédiat et maximal. Bien sûr, ce n’est que mon opinion (discordante) et, comme je l’ai indiqué plus tôt, je n’exclus pas que mon métabolisme demeure indifférent à certains produits, ce qui expliquerait que je n’aie pas été plongé dans le même ravissement que bien d’autres lecteurs. Quant à savoir si cela signifie que j’aurais conservé plus de lucidité, je ne vais pas m’avancer. Surtout pas. Car, qui sait si, au contraire, je n’aurais pas été victime de mes propres cécités ?
Publié le 14 Mai 2017