Je m’attendais presque à une histoire dans la veine des Tuche ; légère, caricaturale, un peu burlesque, mais je me suis rapidement retrouvé face à un roman singulier, visuel, et étonnamment profond. Dès les premières pages, il est clair que ce récit ne sera pas une success story dorée à l’euphorie du Loto. Ici, on creuse, on gratte, on observe à la loupe la psyché d’un homme que tout semble désigner comme banal… mais qui se révèle, progressivement, bien plus déroutant, complexe, dérangeant.
Alors que la plupart des fictions autour du Loto versent dans l’humour ou l’exagération sociale, ce roman emprunte une voie plus sombre, plus intime. Il sème, page après page, les germes d’un drame à venir — moral, existentiel, peut-être même psychologique. C’est un parti pris audacieux, mais remarquablement mené. On suit Stéphane avec une curiosité teintée de fascination : sa manière de gérer sa fortune est à la fois minutieuse, déroutante, presque clinique… et pourtant, chargée d’un désordre intérieur palpable. Il n’agit pas comme un héros triomphant, mais comme un homme qui s’autorise, grâce à l’argent, une exploration de ses zones d’ombre.
Il y a dans ce personnage un subtil parfum de Fifty Shades of Grey, non pas dans l’esthétique glamour, mais dans cette tension entre contrôle et transgression. Et même un écho à Death Note, j'ai remarqué, dans cette façon glaçante qu’a Stéphane d’assumer ses décisions, avec un calme presque inquiétant. Ce n’est pas un cliché de beauté ou de charisme, mais un homme qui devient dangereusement sûr de lui, au fil des pages, parce qu’il n’a plus à se justifier. Et c’est précisément là que réside la force du récit : il ne moralise pas, il ne force rien. Il laisse le lecteur face à sa propre ambivalence, à ses propres questions.
Un roman hybride, risqué, captivant, qui s’amorce sur un banal ticket de Loto… mais qui trace un chemin bien plus vaste et vertigineux qu’il n’y paraît. Et pour cette originalité, qui peut clairement devenir une référence littéraire, je ne peux que saluer l'initiative. Bravo !
Et belle couverture aussi, très cinématographique.
Publié le 06 Avril 2025