Catarina Viti, vous publiez ici les tomes 1 & 2 d’une saga "Blues" qui raconte les laissés pour compte de la société. C’est une histoire très différente d’autres livres que vous avez publié sur monBestSeller. Vous portez les Blues en vous depuis longtemps ?
Catarina Viti - L'idée s'est présentée fin 2016. Je cherchais alors l'inspiration pour écrire une série de textes d'une centaine de pages. L'histoire des sœurs jumelles "Quelqu'un de son sang" est venue spontanément, et j'ai compris que je tenais mon thème. Je savais de qui et de quoi je souhaitais parler : de tous ces personnages sans importance que j'avais croisé sur mon chemin et de leurs destins à la fois terribles et dérisoires.
Blues c’est une fresque de "la France d’en bas", des "gens de peu". Pourquoi croyez-vous qu’ils soient sortis de votre plume maintenant ? Il y a une concordance d’actualité évidente. Vous avez mis votre "gilet jaune" pour écrire ? !
Le hasard, uniquement !
Mais probablement qu'une même lame de fond est à l'origine de cette extériorisation. Une espèce de ras-le-bol face au déni d'existence. Le besoin de retrouver une certaine sauvagerie pour s'en sortir et casser les stéréotypes.
Les personnages des Blues "ne sont jamais assez" pour qu'on se soucie d'eux. Pas assez pauvres, malchanceux, malades, mal logés, chômeurs ou décalés pour devenir des messies SDF de la veine Subutex ou faire pleurer. Mais pas assez riches, chanceux, healthy, propriétaires, gagnants, globe-trotters pour devenir des héros de romances. Ni assez naïfs pour plonger tête première dans le feel-good à la mode.
En fait, ils n'ont de place nulle part et ma révolte est partie de là.
Comment avez-vous choisi vos différents protagonistes ? Au delà d’appartenir à ce même "peuple d’en bas", ont-ils des points communs, diriez-vous qu’ils se ressemblent par certains côtés ?
Pour commencer, je suis ravagée d'amour pour ces personnages.
Je les connais, j'ai grandi avec eux, j'ai entendu leurs rires, leurs pleurs et leurs cris. Je crois qu'ils ont, en effet, des points communs. Hommes ou femmes, ils sont confrontés à la même difficulté de vivre. Ils ont en commun leur révolte contre le monde moderne, leur solitude, leur désenchantement. Ils savent qu'ils n'intéressent personne. Ils ne sont pas banquables, ils ne sont pas à la mode, ils sont à contre-courant. Ils sont nus devant "leur Créateur", ce sont des héros de tragédies grecques.
Blues 1, c’est l’histoire de jumelles opposées. Blues 2, celle de Titsou et de son père à la relation pleine de non dits. Combien y aura t-il de Blues ? Le savez-vous déjà ? Y a-t-il une hiérarchie dans vos choix ?
Les Blues sont articulés en trilogies.
La première est achevée, et les membres de mBS découvriront prochainement le troisième opus. (Les numéros 4 et 5 sont en chantier, le 6 se profile). Il y a une hiérarchie, assurément. La symbolique des nombres est une des clés de la première trilogie.
Blues 1 : une jeune-fille déchirée doit retrouver son unité intérieure et se distinguer de son double pour devenir une personne adulte différenciée.
Blues 2 : un jeune-homme vit dans un conflit de la division qui le conduira jusqu'au meurtre.
Blues 3 : un homme abandonné par sa femme et son fils à cause de sa condition sociale est aspiré par une sorte de déluge universel qui le conduit à sa première confrontation avec Dieu.
Au delà de se ressembler par les gens dont ils parlent, vos Blues ont-ils un style d’écriture commun ? Ou votre style s’adapte-t-il aux personnages, au récit lui-même ?
Les Blues sont mon petit laboratoire. J'entends y mener des expériences. Dans la première trilogie j'ai voulu revisiter notre parler du sud-est de la France.
Pour que le lecteur s'y retrouve je me suis fixé une règle : n'utiliser ce style que dans le cadre des dialogues ou des monologues intérieurs. Il ne s'agit pas de persiller le texte de tournures pittoresques mais de retrouver la musique d'une langue et la pensée associée.
Dans Blues 3 je remonte aux origines napolitaines de cet étrange parler varois.
Mais mes choix sont différents dans la seconde trilogie. Changement de spire : évolution de la langue.
Vous êtes une auteure prolifique et avez déjà publié d’autres récits sur monBestSeller. Dans votre bibliothèque d’auteure, sur quelle étagère placeriez-vous vos Blues ?
Depuis début 2018 je travaille sur un très gros projet actuellement en phase de correction. Si les Blues sont des fleuves, disons que ce prochain livre sera mon petit océan.
Vous êtes également très active sur le site. Vous commentez d’autres livres, vous écrivez des tribunes… C’est évidemment l’esprit de monBestSeller tel que nous l’avons voulu. Et nous vous en remercions. Mais vous n’êtes pas tant que ça à le faire ! Dîtes-nous ce qui vous pousse à être ainsi aussi active et "communautaire" ?
La reconnaissance.
J'ai fait mes premiers pas publics en tant que romancière, ici, en 2014. Je sais ce que c'est que débarquer dans une communauté en ignorant comment les choses vont se passer. Je sais qu'on arrive avec des sentiments antagonistes, des attentes floues, des espoirs parfois déraisonnables et une sensibilité souvent à fleur de peau. MBS est le genre d'endroit dont on peut ressortir plus fort ou déçu. Mais ce qui serait idiot serait d'y passer... pour rien.
Le site a perdu nombre de ses beaux esprits, de ses grandes gueules et beaucoup de ses belles plumes. Reviendront-ils en 2019 ? Ce serait une merveilleuse nouvelle. L'espoir que je mets dans mon implication est qu'elle suscite chez nos chers amis le désir d'un retour. Et j'aimerais qu'elle concoure à déclencher le réflexe communautaire chez les nouveaux arrivants.
Mais rien de cela ne m'appartient. Ce sont uniquement des vœux.
Dans une tribune que vous avez écrite sur monBestSeller, vous dites que publier sur mBS permet aussi de bénéficier de l'expérience des autres, à tous les niveaux. Les lecteurs ont-ils un pouvoir sur les auteurs auto-édités ?
Ici, le seul pouvoir des lecteurs est d'aider les auteurs auto-édités.
Envoyer des brassées de fleurs à tout va ne sert strictement à rien. La seule chose dont un auteur a réellement besoin s'il veut progresser c'est un retour constructif sur la valeur de son texte.
Auto-éditer son livre revient à s'improviser non seulement auteur mais aussi concepteur d'ouvrages. Tout cela se passe avec plus ou moins de bonheur. Mais une chose est sûre : à condition de travailler dur et régulièrement on finit par piger quelques trucs fondamentaux.
Je crois que les lecteurs aguerris et avisés du site ont le pouvoir de faire énormément pour remonter le niveau qualitatif général de l'auto-édition. En tout cas, je suis persuadée que c'est une des missions de mBS.
Un mot sur les pseudos… vous avez dit qu’il arrive à votre mari de vous appeler Catarina, et non par votre prénom dans la vie ! Vous vous sentez une meilleure écrivaine qu’avec votre précédent nom (avec lequel vous aviez déjà été sélectionnée pour le Prix Concours ?)
Du temps de mon nom véritable je rêvais de célébrité, de chiffre de vente, d'édition et de place dans le top machin.
Catarina Viti m'a affranchie de toutes ces lubies. Elle m'a ouvert les portes de la liberté. Pour le reste, j'espère que cinq ans de travail se traduisent par quelques progrès !
On dit qu’on écrit ce qu’on aime lire. Quel lecteur êtes-vous ? Quels sont les livres qui vous donnent envie de les commenter ?
Hors mBS, je suis une lectrice fidèle. Quand j'aime un auteur j'essaie de lire la totalité de son œuvre. 2018 a été mon année Philip Roth, et je n'ai pas fini ! Malheureusement pour moi et pour la littérature je n'écris pas aussi bien que lui !
Sur mBS, je lis un peu tous les genres (sauf la romance à laquelle je suis allergique). Je préfère toujours poster un commentaire quand j'ai l'impression de comprendre les attentes des auteurs. Certains les précisent ainsi que leurs objectifs mais ils sont plutôt rares. Il me semble pourtant que les commentaires seraient plus utiles s'ils répondaient aux questions que l'auteur se pose sur son texte.
Et quelle commentatrice êtes-vous ?
Pour commencer j'offre toujours les 5 étoiles pour saluer la performance. Écrire est un acte courageux, même quand le résultat ne dépasse pas le niveau de l'expression écrite.
Ensuite, j'essaie d'être sincère. Exercice facile quand le texte présente un intérêt littéraire, mais qui devient effroyablement compliqué dès lors que la qualité n'est pas au rendez-vous.
La situation devient inextricable quand des textes médiocres sont encensés à tout va. Là, je laisse tomber.
Le mCL de monBestSeller sélectionne un livre chaque mois qui est ainsi nominé au Prix Concours de l’Auteur Indépendant que nous organisons chaque année. Cinq auteurs ont ainsi été repérés par les éditeurs invités à être membre du jury 2018 et seront édités cette année. Vous pouvez confier vos propres espoirs pour "Blues" ?
J'espère seulement que rien ne s'opposera à ce que je sois parmi vous ce soir-là (je pense à la santé de mon mari).
Enfin une question beaucoup plus indiscrète ! Un de vos mails de pseudos, c’est phantom of the paradise. Comme nous, vous êtes fan ? !
Fan, résolument ! Dans la même veine, j'adore The Rocky Horrror Picture Show, Little Shop of Horror. Ce sont des films que je regarde régulièrement avec un plaisir toujours aussi intense. On n'ose plus de nos jours être aussi transgressifs et impertinents. Quel dommage !
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Catarina viti bonjour.
Tout d'abord mes encouragements pour vos travaux que je découvre peu à peu. Vraiment mes félicitations et cela me donne une énorme envie de travailler avec des personnes telle que toi.
Toutefois, j'ai lu ton commentaire sur mes autres publications. Et je t'écris ici parce que j'ai aussi du mal à poster sur mbs depuis quelques temps.
Merci pour tout.
Cordialement.
@Catarina Viti : Chère Catarina, je vous félicite de tout mon cœur. Quel souffle vous avez, quel talent... Et quel courage. J'apprécie beaucoup la sincérité de votre démarche. Votre superbe plume, c'est vous. Bien sincèrement.
ces commentaires précédents ne concernent en rien cette page, ils sont supprimés
Merci, Mohamed. @Rezkallahmo
Chers amis,
Désormais je supprime tout commentaire qui n'e soit pas constructif pour le site. Qui a tort qui a raison ? J'en suis désolé mais c'est le moindre de mes soucis. Aidez nous tous à gommer le passé ridicule qui n'honore personne, et aidez nous plutôt à enrichir le site, à écrire des articles, à repérer des livres. Ou sinon n'intervenez plus. Très amicalement.
Precedent commentaire supprimé : "la chose est assez rare"
Félicitation.
Chers amis,
Désormais je supprime tout commentaire qui n'e soit pas constructif pour le site. Qui a tort qui a raison ? J'en suis désolé mais c'est le moindre de mes soucis. Aidez nous tous à gommer le passé ridicule qui n'honore personne, et aidez nous plutôt à enrichir le site, à écrire des articles, à repérer des livres. Ou sinon n'intervenez plus. Très amicalement.
Merci Thalia de votre intervention
@porphyre. Ici, https://www.monbestseller.com/membre/catarina-viti. Sur cette page vous pouvez me laisser un message que je recevrai directement.
@pierreludon, @jb longmanche, @porphyre puis-je vous demander de prendre contact directement avec moi, via le blog ?
Merci @Thalia Remmil, je crois en effet que nous n'avons rien à perdre mais tout à apprendre, tant sur la fabrication d'un livre que sur nos propres comportements. Comme me disait un ami "L’important c’est de déposer des bons livres et d’animer le site de manière intelligente et constructive. Et c’est déjà un job énorme.." A très bientôt, Thalia, et je salue votre belle énergie.
Merci @Yannick A.R.FRADIN. Buvons à la santé de ce travail et de ces efforts qui nous font tant plaisir, (du Château Fradin, tant qu'à faire!). J'espère lire bientôt tes articles sur la formation à l'écriture.
@Catarina Viti Bravo !! Tout ce que vous exprimez dans cet article est tellement vrai, je ne suis pas sur la plateforme depuis assez longtemps pour être déçue du départ de certaines très belles plumes mais en effet c'est regrettable...Et oui, ne pas attendre le succès, ni l'argent, ni la célébrité...juste écrire parce que l'on aime ça, que l'on vit en symbiose avec soi lorsque l'on fait ce que l'on aime. Signaler la performance des auteurs car écrire est un acte courageux au-delà du style, du talent, de l'histoire. Et bien sûr demander aux lecteurs l'authenticité de leurs commentaires, et un retour constructif sur les textes. On ne peut pas plaire à tout le monde, la lecture reste un acte intime qui vient toucher les émotions, et cela ne s'explique pas. Je pense que les lecteurs qui ne laissent pas d'avis le font car ils n'ont pas apprécié ni le fond ni la forme, par respect, par gentillesse, par pudeur...C'est frustrant. C'est vrai que de débarquer dans une communauté comme mBS procure de nombreux sentiments antagonistes, et des interrogations, des remises en question, des doutes. Bon, de toute façon, qu'avons-nous à perdre ? Nos illusions ? Nos rêves ? Oui sans doute un peu, dans nos moments de "blues". Félicitations à vous !
Thalia
Merci pour cette interview sympathique et longue vie aux "Blues", fictifs et surtout réels. J'avais déjà envie d'aller les lire, mais là, il faut que je trouve du temps pour franchir le pas ! Bonne route à toi @Catarina Viti et à bientôt pour des retours de lecture. Tu as tout à fait raison de dire que le travail et les efforts payent, fatalement, à un moment ou un autre :-)