Auteur
Du 10 mar 2020
au 19 fév 2020

Toute forme de littérature, aussi grande soit elle, doit-elle être dissociée de ses auteurs ?

Fred Opalka prend cette angle intéressant d'ouvrir le débat de la moralité de l'auteur et de la légitimité de son oeuvre au filtre de la censure. Les Sociétés changent et ce qui était "sulfureux" hier est "banni" aujourd'hui, et vice versa. Sans trancher dans le vif il dénonce le risque : devrions dans un avenir proche affronter une cité puritaine dans laquelle rien ne sera permis ?

La subversion et la littérature ont souvent fait bon ménage

Toute forme littéraire doit-elle être dissociée de ses auteurs ? Dans un premier temps, la réponse attendue à cette question fermée se limiterait instinctivement à un choix purement binaire. Un oui ou un non serait attendu de manière définitive. Sur le dos de ces deux mots qui ne tiennent qu’en trois lettres chevaucheraient des arguments partisans pour rallier le plus d’avis possible à sa cause. Malheureusement, et n’en déplaise aux plus grandes théories du marketing, confronté à cette question, je cocherais la case « autre cas », car je n’aurais pas de réponse ferme à donner.

D’un point de vue général, j’ai toujours vu d’un bon œil la subversion dans ce que l’expression artistique peut amener de questionnement sur nos sociétés passées, présentes et futures. Et la littérature ne déroge pas à cette règle. Sans vouloir faire d’énumération exhaustive des différents mouvements littéraires qui se sont succédé au fils des époques, on peut largement concéder à l’histoire de la littérature qu’elle évolua en fonction des modes et des courants de pensée. Avec, sur ce long chemin qui débute au moyen âge, cet apogée de la littérature française du XVIII siècle par la quantité anthologique du nombre de chefs-d’œuvre que cette centaine d'années accoucha.

En quoi le monde de la littérature dans son ambition d'esthétique parfaite peut se soustraire librement à la loi de la Cité ?

           Toute forme de littérature n’a d’intérêt que ce que l’on veut bien lui donner d’importance que l’on soit conquis ou complètement révulsé par le travail de l’auteur ou autrice. La question qu’on peut se poser à cet endroit est : doit-on toujours dissocier le fond de la forme aussi grande la littérature soit-elle ? En d’autres termes est-ce que la recherche du beau doit nous faire oublier ce qui est légitime ? En quoi le monde de la littérature dans son ambition d'esthétique parfaite peut se soustraire librement à la loi de la Cité ?

Littérature et moralité : l’emploi du « je »  rend l’écrit sulfureux

Disons-le sans détour, ce qui pose problème c’est quand on brise comme au cinéma le fameux quatrième mur, ou dans notre cas présent, lorsqu’on souffle sur la mince pellicule de fiction qui s’installe dans le récit en employant le « je » à la place de cette troisième personne qui existe sur la grille définie des pronoms personnels. L’autofiction est probablement la forme de littérature qui est dans son essence même la plus sulfureuse d’entre toutes. Il est quelques fois difficile de situer la frontière entre la fiction et la réalité. Notre chère amie Colette, papesse de l’autofiction ne nous dirait certainement pas le contraire.

Au fond, ce qui est peut-être plus dérangeant dans ces affaires qui écorchent aujourd’hui le monde de la littérature, c’est ce qu’on y trouve de puissant dans la façon de stigmatiser avec pertinence cette société qui fermait les yeux sur beaucoup inepties dans une recherche d'une esthétique littéraire. L’adoration votive d’un simulacre d’art de vivre abrupt pour la plupart des gens qui consisterait à nous faire croire que cautionner c’est rendre accessible les parfums du fantasme.

Comme des enfants qui nous mettent face à nos imperfections de parents des années après, dans une société ce sont les générations futures qui nous rappellent à nos responsabilités. Le temps dans sa dimension humaine et relative est long, mais nécessaire pour se rendre compte des erreurs du passé. La société change. Elle évolue et c’est bien. Les institutions jouent leur rôle et c’est justement aujourd’hui ce que la plupart des gens réclament. Il faut juste espérer qu’en choisissant de ne pas froisser qui que ce soit, nous devions dans un avenir proche affronter une cité puritaine dans laquelle rien ne sera permis sans l’aval de l’agora populaire des réseaux sociaux et autres moyens de communication puissants et sans frontières. La dimension quantique de notre monde numérique étire de plus en plus les distances d'ordre humain. Nous perdrions alors cette distance au format poche qui lie les gens entre eux par le simple fait de poser sur une page blanche un sujet, un verbe et un complément.

-les-petits-objets 

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Fred Opalka

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@Francois BAUER
Je voulais vous remercier d'avoir pris le temps de lire cet exposé.
Bonne fin de journée, Bien à vous,
Fred Opalka.

Publié le 20 Mars 2020

@Trisha E
Bonjour,
Sans aucune animosité envers vous, il semble flotter entre les lignes de votre message quelques bribes de sarcasme. En aucun cas, je ne remettais en cause votre méthodologie, je voulais peut être simplement mettre en évidence le fait que je m'étais mal exprimé... mais il semble que vous ayez pris cela pour vous et c'est bien dommage. Car soyons franc et franche, sommes nous là pour nous étendre sans fin sur nos CVs respectifs ?
Cette tribune comme vous l’appelez est peut être stérile du ni oui ni non, car je n'ai pas à aujourd'hui d'avis tranché sur le sujet. Je trouvais simplement intéressant de voir ceci par le spectre de ce qu'aujourd'hui la société trouve acceptable ou non. Pour la tartine de foutre, vous remarquerez qu'en aucun cas je n’employai cette expression avant que Benoit Otis ne l'utilise. Donc non.... Je ne m'en délecte pas. C'est une métaphore qui je trouve rends bien compte des scandales qui entachent aujourd'hui le monde de la littérature.
Pour le reste, grand bien fasse de toutes vos expériences littéraires, je n'ai aucun problème à utiliser le "je" dans mes productions et je vous invite à lire les petits objets si le cœur vous en dit. Ce n'est pas de la grande littérature, mais juste un moyen d'expression que je trouvai en tournant les pages de ma vie.
Soyez sûr que je respecte votre avis qui éclairera certainement beaucoup de personnes sur ce que je voulais dire.
Bonne journée,
Fred Opalka.

Publié le 19 Mars 2020

Bonjour @Fred Opalka. Ne vous en déplaise, lors de mes études j’ai appris à faire des synthèses de textes qui consistent dans un premier temps à en faire une lecture globale pour s’imprégner du sujet, dans un second d’isoler les chapitres, puis dans chacun d’eux de surligner les mots-clés, les détails et finalement de résumer le texte. Sans vouloir être désobligeante et ce n’est que mon humble avis, je n’ai pas compris le sens de votre tribune stérile du ni oui ni non, ni votre tartine de foutre dont vous semblez vous délecter. Je vous renvoie à mon commentaire qui résume mon impression et mon très fort engagement à inciter à la lecture, parce que, oui, je lis de grands auteurs depuis des décennies et que j’ai encore mon libre arbitre pour apprécier une lecture jusqu’à sa conclusion ou pour fermer un livre qui ne me correspond pas ou qui me dérange pour telle ou telle raison ! En outre, j'ai la chance d'être entourée de passionné(e)s de littérature et de pouvoir partager et d'étudier avec ces personnes une œuvre que nous avons lue et ce, très souvent, à des milliers de kilomètres de chez moi. Merci au monde du numérique ! Étant un peu curieuse, je suis allée faire un tour sur votre ouvrage et là… je constate qu’il est écrit à la première personne du singulier. À noter que l’emploi du « Je » n’est pas forcément autobiographique cf. "L’étranger » d’Albert Camus pour ne citer que lui parmi tant et tant d’autres. J’ajouterais que de très nombreux écrivains nous régalent avec leur autobiographie et pour tout dire, ce chapitre de votre tribune me laisse perplexe, je ne comprends pas cette aversion du "Je" dans un récit. Cordialement. Trisha

Publié le 19 Mars 2020

@iseut
Merci pour cette intervention éclairée sur l'histoire de la littérature et de ces exemples qui nous parlent tous et toutes. Votre dernière phrase résume bien le fond.
merci à vous,

Fred Opalka.

Publié le 19 Mars 2020

@Trisha E.
4 lectures.... mon dieux... 4 lectures pour enfin douter ou 4 lectures pour me faire comprendre. Si le deuxième cas s'avère le bon, il faudra donc que je travaille un peu plus ma méthodologie pour la prochaine fois...Pour le reste, Censure et Grande littérature sont, je pense, deux idées qui traînent derrière eux un champ lexical inexorablement long. Si on les laissait prendre forme humaine dans l'enceinte d'une arène Romaine, le combat serait sans fin, l'un rendant coup pour coup à l'autre jusqu'à assister impuissant aux décès prématurés des tous les spectateurs assis sur les gradins. Non... La lecture est quelque chose de puissant. Comparées à d'autres, certaines lectures demanderont au lecteur d'avoir déjà un parcours de lecture dense pour savoir apprécier la valeur d'un travail littéraire. Et c'est généralement dans ces cas, comme @Benoît Otis le disait, que "la tartine de foutre" peut se voir légitimée par une élite.

Publié le 19 Mars 2020

@fredopalka
"Toute forme de littérature, aussi grande soit elle, doit être dissociée de ses auteurs." Ainsi corrigée, la formule me plait en ces temps empreint d'un puritanisme exacerbé. Je ne citerai que Sade ou Céline pour preuve. Merci pour ce brin d'écriture passionnant...

Publié le 19 Mars 2020

@Benoît Otis,
Vous avez raison lorsque vous dites que tous les lecteurs ne souhaitent pas se régaler à l’occasion d'une tartine de foutre, néanmoins, vous ne pourrez pas me refuser le fait qu'il est possible de se demander : qu'en est il de la place de l’éthique du lecteur ? L'auteur à des droits, mais aussi des responsabilités et je pense qu'il en est de même pour le lecteur. Dans une économie de marché comme nous la vivons aujourd'hui, c'est l'offre et la demande qui régit le marché de la littérature. L'exemple actuel de la littérature "feel-good" en est un bon exemple. Il y a des modes et en fonction de celles-ci, les offres se développent plus ou moins vite. (Attention... je n'ai rien contre le "feel good"... moi aussi j'aime bien me sentir bien... quelques fois:-)). Bref... Même si je m'éloigne du sujet principal, lorsqu'on parle de grande littérature et quand je veux dis cela je veux bien sûr parler d'auteurs (res) qui ont su se faire une belle réputation... devons nous tout accepter d'eux. Au-delà de l'exemple Madznef, un auteur comme Houellebecq n'est pas le dernier pour assumer sa vision archaïque de la femme moderne. Dans "sérotonine", on ne peut pas affirmer qu'il présente la femme sur le même piédestal que celui qui propulse l'homme névrosé au-dessus du reste. Là encore, je ne suis pas là pour dire si cela est bien ou mal... Vu de mon référentiel, j'ai trouvé cela perturbant et même quelques fois choquant. Pour le reste, pour avoir souvent écouté des femmes parler de ce livre, certaines avaient été révulsées alors que d'autres encensaient l'auteur en s'accommodant largement des fantaisies sexuelles et de la vision lugubre que son personnage principal a de la femme parce que.......l'auteur avait du génie dans son écriture. Je ne suis pas juge et de toutes les manières je ne veux pas le devenir. Je me dis juste que dans le Cosme littéraire dont le lecteur est une des strates, par le passé l'éthique étaient à échelle variable. Mais les choses changent est c'est bien... Il faut juste éviter de rentrer dans une vulgaire chasse au sorcière qui risquerait d'appauvrir considérablement la création avec un Grand C.Pour exemple, il n'y a qu'à voir le dernier recul effectué par Hachette sur les mémoires de Woody Allen et la réaction d'autres auteurs et je terminerai par un des derniers tweet de Stephen King qui disait : "La décision prise par Hachette de ne plus publier le livre de Woody Allen me met vraiment mal à l’aise. Ça n’a rien à voir avec lui : je me fiche de M. Allen. Ce qui m’inquiète, c’est qui sera réduit au silence la prochaine fois"...

Publié le 12 Mars 2020

Mon combat permanent est d’encourager la jeunesse à la lecture qui, malheureusement, n’est pas accessible partout dans le monde. Après pas moins de 4 lectures de votre tribune, finalement vous me donneriez presque des scrupules et des doutes à suggérer telle ou telle œuvre. Puis, en tant qu’auteure, une seconde question me vient à l’esprit : dois-je m’autocensurer et ne plus employer le « Je » ? Je suis très attachée à la liberté d’expression et de pensée qui sont « le droit reconnu à l’individu de faire connaître le produit de sa propre activité à son entourage, sauf circonstances exceptionnelles ».

Publié le 11 Mars 2020