Laurent Peyrard, « Le Valet de Cœur » est votre 1er roman, votre bio est très succincte, ne voulez-vous pas dire un peu plus ce que vous faites quand vous n’écrivez pas ?
Je ne me définis pas par mon métier. J’aime écrire et dessiner. J’y reviens toujours. Je l’ai toujours fait et cela depuis l’enfance. Sauf que j’ai détruit la presque totalité de ma production. Le « à-quoi-bon » et le doute quant à la qualité de ce qu’on couche sur le papier sont des freins puissants, en tout cas pour moi.
Et puis, après m’être longtemps autolimité, j’ai décidé d’assumer et d’essayer de me confronter au regard de l’autre, quoiqu’il en m’en coûte. Alors j’ai mis à disposition mon travail, car seul le lecteur qui ne vous connaît pas peut vraiment vous juger.
A part ça, je suis né à Saint-Etienne, une ville magnifiquement tragique et attachante à cause de son histoire. Une ville mal connue, qui m’évoque la simplicité et la sincérité. Je lui consacre d’ailleurs un poème dans mon recueil « Troisième Millénaire à Paris ». Je ne pourrai jamais être autre chose qu’un Stéphanois, même si j’ai quitté « Sainté » pour la capitale, car Paris, c’est la ville qui m’a toujours fascinée et où j’ai toujours voulu vivre. Je serais prêt à habiter une cellule de moine, pourvu qu’elle soit dans l’un des vingt arrondissements.
Le premier commentaire que vous avez reçu sur monBestSeller est des plus encourageants. Qu’est-ce que cela fait quand on expose son roman pour la première fois de recevoir un tel commentaire ?
On n’y croit pas. Quelqu’un qui ne vous connaît pas vous a lu, puis il a pris le temps d’écrire sur votre travail. Si en plus une certaine connivence s’est établie, ça n’a pas de prix. Ça surpasse tous les cadeaux.
Je suis parvenu à raconter l’histoire comme je le souhaitais, alors quand d’autres rentrent dans cet univers et qu’il leur parle, c’est miraculeux.
Quel a été votre processus d’écriture ?
J’ai écrit le roman en trois fois. Je l’ai commencé au milieu des années 2000, puis je l’ai totalement abandonné et effacé. J’y pensais régulièrement mais je perdais le fil de mon récit. C’est alors que mon fils, alors âgé de dix-sept ans, a lui aussi commencé à écrire un roman. Il avançait bien, j’aimais son histoire et je voyais qu’il allait le terminer, ce que je n’étais pas parvenu à faire. Ça m’a énormément motivé. J’ai recommencé mon ouvrage. Je suis parvenu à en écrire un bon tiers et à nouveau l’arrêt brutal pendant environ six mois. D’abord parce que je doutais de ne pouvoir mener à son terme le projet, et aussi parce que j’étais dans une impasse narrative. Mon idée de départ ne me semblait plus fonctionner. Je pensais l’ouvrage une nouvelle fois avorté, mais à l’issue d’une discussion avec mon fils, qui avait entre-temps effectivement terminé le sien, l’élan est revenu. J’ai relu ce que j’avais écrit, j’ai trouvé le dénouement et ensuite, tout est allé très vite. Finalement, c’est grâce à l’exemple, puis au soutien de mon fils que je suis allé au bout. Ce fut une période d’émulation réciproque plutôt enthousiasmante. Nous nous stimulions et nous encouragions l’un l’autre dans nos créations respectives. On se lisait, on se critiquait, on avançait ensemble.
Que diriez-vous à des lecteurs pour leur donner l’envie d’ouvrir le Valet de cœur ?
La vérité. Ce livre n’est pas gai. Il est parfois tragi-comique. Il raconte une époque qui n’est plus, le début des années 80 où il y avait un je-ne-sais-quoi de sauvage, de primaire, de basique, de simple. Il raconte aussi un âge, l’adolescence, avec tout ce qu’elle peut avoir d’extrême et de dangereux, mais aussi de pur dans ses intentions.
L’article « Livre le + » qui a été consacré à votre livre compare vos jeunes héros à Tristan et Iseut, Romeo et Juliette, Tony et Maria de West Side Story. Vous les avez imaginés comme ça ?
Non. A la base, il s’agissait de l’histoire d’une bande de jeunes fils de bonne famille qui tournent de plus en plus mal, jusqu’à s’autodétruire en commettant des actes irréparables, notamment dans un affrontement final avec une bande de jeunes Français issus de l’immigration et habitant un quartier sensible de Saint-Etienne. Mais dès l’instant où j’ai fait apparaître Anne, qui est la petite amie du personnage principal, l’histoire d’amour s’est déployée presque toute seule et Eric Leroy ne pouvait plus rester dans la sphère mortifère de la bande. De la même manière, l’amitié entre lui et l’un des protagonistes est apparue assez logiquement.
Il y a une densité dramatique dans votre roman. C’était écrit d’avance ? Ou est-ce venu au fil des mots ?
Dès le départ, il était prévu que ça ne serait pas très « riant », mais dans un premier temps, le roman devait être définitivement désespéré de bout en bout. Une descente aux enfers sans aucun espoir. Et puis, l’histoire d’amour a tout transformé. Elle était la rose sur le tas de fumier, mais quand il y a trop de fumier autour d’une rose, on se met à redouter qu’il ne lui arrive quelque chose. Je pense que c’est de là que vient la tension. On veut que cet amour réussisse, qu’il transcende tout, mais y parviendra-t-il ?
Les premiers commentaires que vous avez reçus ont bien sûr noté votre style « qui en a sous la plume ». Et les commentaires reçus pour votre recueil de poèmes ne disent pas le contraire, loin de là. Vous n’avez le droit qu’à 1 mot, comment qualifieriez-vous l’auteur que vous êtes ?
Flamboyant ?
Le confinement a-t-il changé votre manière d’écrire ?
Il m’a aidé à faire le point et à continuer de débloquer mon processus de création.
J’ai achevé d’écrire et de mettre en forme mon recueil de poèmes et de textes, « Troisième Millénaire à Paris » et puis, je me suis interrogé sur la manière d’exposer mon travail pour qu’il ne soit pas juste un livre profondément enfoui parmi des millions de livres autopubliés.
Votre roman est aussi sur Amazon. C’est quoi pour vous la démarche monBestSeller vs Amazon ?
Amazon a été pour moi absolument essentiel. Il y a vingt ans, je n’aurais pas pu surmonter mes blocages et je n’aurais pas écrit « Le Valet de Cœur ». Pourquoi ? Parce qu’à supposer que j’y parvienne, je me serais retrouvé avec un manuscrit dans un tiroir et, devant moi, la montagne du monde de l’édition que je n’avais pas envie de gravir. Cet outil d’autopublication mis à la disposition de tous sur Internet m’a permis d’éditer très facilement et gratuitement mon travail. Même si je savais que j’avais une chance sur un million d’être lu, mon livre existait sous forme d’objet proposé à la lecture de tous, et même s’il ne rencontrait jamais son public, il n’irait jamais au pilon.
J’ai découvert l’existence de monBestSeller pendant le confinement, alors que je m’interrogeais sur la manière d’apporter un peu plus de visibilité à mon travail. Je voulais lui donner une chance supplémentaire, même infime, car je ne me fais pas d’illusions, beaucoup de livres sont publiés sur ce site et très peu se distinguent. Ils peuvent aussi être tués dans l’œuf par de mauvais avis. Mais pour moi, ça valait le coup d’essayer. Le premier commentaire est important, la première note est importante. Il y a d’ailleurs une part de chance, car cela peut permettre d’amorcer la pompe et d’entrer dans un cercle vertueux. De plus, il permet à l’auteur d’accéder à son rythme dans l’univers des lecteurs, qui peut être assez violent si l’ouvrage ne plaît pas. C’est public, mais ce n’est pas surmédiatisé. Donc pour moi, c’est un deuxième outil très précieux.
Pas de vainqueur en somme car, si Amazon libère la création, monBestSeller lui donne une vraie chance d’exister.
Vous découvrez monBestSeller. Qu’avez-vous envie d’en dire ici ? Et ailleurs, qu’en diriez-vous ?
Je ne connais pas encore parfaitement le site, mais je n’en pense que du bien. Mon objectif n’est pas de gagner de l’agent, car j’ai déjà un métier. Il n’est pas non plus de vivre de ma plume, car j’ai conscience que très peu de personnes y parviennent, y compris chez les écrivains publiés. Mon objectif est d’être lu. Ce site me permet de donner quelque chose, de proposer un univers. Si mon livre peut émouvoir ou faire réfléchir, c’est inestimable. monBestSeller organise cette mise en contact et je le conseillerais à toute personne qui souhaite partager facilement une œuvre avec autrui.
Vous venez également de publier un recueil de poèmes. Vous avez pris un pseudo. C’est parce que vous n’êtes pas le même auteur quand vous écrivez un roman ou quand vous écrivez un conte ?
Non, je suis bien le même auteur et j’aurais vraiment aimé pouvoir publier « Troisième Millénaire à Paris » sous mon nom.
En revanche, il est à mon sens plus délicat de publier des poèmes car on ne peut pas se cacher derrière la fiction. Il n’y a pas le filtre du personnage entre le lecteur et moi. Il est en prise encore plus directe avec mes pensées.
Non, la raison de ce pseudo est que votre site ne permet pas la publication multiple sans prendre un abonnement, ce que je comprends et respecte mais, comme de mon côté je mets tout mon travail en accès libre, je souhaite rester également libre de tout engagement, du moins pour l’instant.
On dit qu’on écrit ce qu’on aime lire. Qui aimez-vous lire ?
Je lis très peu de livres et notamment des romans. Je suis un lecteur difficile dans le sens où peu d’univers me plaisent. Mais il m’arrive tout de même d’ouvrir un livre. Pour moi, le grand écrivain vivant de ces dernières décennies est Michel Houellebecq. Je trouve qu’il a parfaitement capté notre monde occidental et qu’il en démontre magistralement les mécanismes. Je vois dans ses romans des essais sociologiques, à l’intérieur desquels il parvient à introduire le progrès et la logique libérale comme personnages à part entière. Ces deux forces pénètrent tout et produisent des effets, passés, présents et à venir, qu’il parvient à nous exposer de manière limpide. C’est ce qui lui donne, selon moi, cette force d’anticipation et de théorisation de ce vers quoi nous allons. Sinon, j’ai vraiment aimé Le Désert des Tartares de Dino Buzzati. Un roman sur l’attente, la vie qui passe et à côté de laquelle on passe. J’ai pas mal lu Emile Zola et j’ai tout particulièrement adoré Au Bonheur des Dames, L’Argent, La Curée, Son Excellence Eugène Rougon ou la Conquête de Plassans. La Trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes m’a également plu, sauf la fin, mais ce n’est pas l’essentiel selon moi. Le message est dans la société et les personnages qu’elle dépeint. J’ai énormément apprécié son approche du féminisme avec King Kong Théorie, et à propos de féminisme, je suis assez fan de Benoîte Groult, qui ne se bat pas contre l’autre moitié de l’humanité, mais lui fait prendre conscience avec humour et douceur de ses méfaits envers les femmes, ce qui à mon avis est la meilleure façon d’amener quelqu’un à s’interroger, puis à changer. Enfin, je suis un adepte des philosophies orientales et je suis un minimaliste. Je lis sur le Zen, le stoïcisme et j’essaie de m’appliquer à en faire une conduite de vie.
Vous avez répondu aux commentaires que vous avez reçus. Mais n’avez pas encore commenté d’autres livres… Manque de temps ? Ou n’avez-vous pas perçu le côté « économie solidaire » de monBestSeller ?
Pour l’instant, je suis concentré sur mon travail d’écriture et je suis dans une période de production. C’est rare, c’est difficile, c’est intermittent, alors quand elle est là, il ne faut surtout pas la laisser partir ou la diluer dans d’autres activités. Il faut lui consacrer tout son temps.
Je n’avais pas perçu l’aspect économie solidaire de monBestSeller, mais maintenant que vous le dites, ça me paraît effectivement bien correspondre au procédé que vous avez mis en place.
J’ai l’intention plus tard, de fouiller un peu et de voir si je trouve mon bonheur, afin de lire des auteurs et de poster un commentaire à ceux que j’aurais appréciés.
Vous êtes nouvellement arrivé sur le site. Comment êtes-vous venu ? Avec quelles motivations ? On imagine que vos premières semaines sur monBestSeller ont dépassé vos attentes ?
Je voulais donner plus de visibilité à mon travail. J’avais entendu parler de personnes qui mettent à disposition leurs livres dans des sortes de kiosques. Mais il manque le retour des lecteurs. Dans ce cas, le livre est un peu comme une bouteille à la mer dont on ne sait pas ce qu’elle devient. J’ai cherché sur Internet et je suis tombé sur monBestSeller. J’ai tout de suite adhéré au concept et j’ai tenté ma chance.
Après le premier commentaire positif, il s’est écoulé « dix longs jours ». J’ai pensé que le livre avait été recouvert par d’autres et que c’était fini. Et puis l’effet d’entraînement a joué après le deuxième commentaire, il y a eu ensuite votre propre promotion avec l’article « Le Livre de la semaine », un nouveau coup d’accélérateur.
Oui, ces premières semaines ont complètement dépassé mes attentes.
Le mCL de monBestSeller sélectionne un livre chaque mois qui est ainsi nominé au Prix Concours de l’Auteur Indépendant que nous organisons chaque année. Trois auteurs ont ainsi été repérés par les éditeurs membres du jury 2019. Si vous deviez défendre votre livre devant un jury d’éditeurs, que leur diriez-vous en quelques lignes ?
Je leur dirais que je ne veux pas défendre mon livre. Je veux avant tout qu’on le lise. Si vous dépassez dix pages et que vous êtes accrochés, continuez. Si au bout de cinquante pages vous voulez connaître la suite, continuez. Si au bout de 150 pages, vous aimez les personnages et que vous riez ou tremblez pour eux, continuez. Si en refermant le livre vous avez le sentiment qu’il n’y avait pas qu’une histoire, mais quelque chose en plus, alors ce sera parfait pour moi.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
bravo pour cette sélection et votre interview, en souhaitant le meilleur à votre valet de coeur