« La voilà la coupable ! »
Le doigt pointe et le sourcil s’enfonce dans les plis du front d’un homme portant bien son âge, celui du juge D’Ambert. A l’approche de la retraite d’office, il ne jure que par ce coup d’éclat, le dernier, sans doute, d’une carrière sans reflet, sans tâche, et qui fera date, il en est certain. Une ambition soudaine transparait dans sa façon d’énumérer les faits, dans ce sombre regard et ce zeste d’écume sur la lèvre, peu ordinaire chez ce juge. Ceux qui le côtoient au quotidien peuvent le relever mais pas ceux qui sont de passage pour cette occasion unique.
Et ils sont forts nombreux, en ce jour de procès, à s’être présenté au domaine du seigneur de MontFond, pour voir ce qu’il adviendrait de cette sordide affaire. Ils viennent de tout le Comté et même au-delà : de Marfeuil, de Clamsey, d’aucuns disent même que l’évêque de Gîlors se trouverait dans la foule, en moine discret, pour s’étonner de cette étrangeté alors même que le Vicomte n’a guère bousculé ses édifices pour aménager une salle ; cette affaire ne présentant pas à ses yeux le poids d’un pet, au contraire, les sous dépensés pour ce « maudit spectacle » lui vont en travers de la rate.
Du gravier et de la paille qui conduisent les curieux et bonnes gens à la bouverie ont quand même été installés, c’est le seul endroit que voulait libérer le seigneur local dans sa grande bonté…
Le juge d’Ambert lève le doigt, invoque le courroux divin, ne mâche pas ses mots :
« La meurtrière du petit Gauvin ne peut objecter les preuves flagrantes de son ignoble acte ; notre divin créateur a réalisé le monde tel qu’il doit être : cette chose a toujours été une vile bête, de sa bouche ne sort que postillons et pestilence, oui, et peut-être cache tu une nature de sorcière ? » un brouhaba de stupeur émana alors de la foule, quelques un s’enhardirent et jetèrent du « au bûcher ! » ou « à l’écartèle » suivi par des cris d’animaux de ferme de certains des plus jeunes présents, moqueurs et rigolards.
« Mes amis paroissiens, reprit le juge pour ne pas être débordé par l’excitation populaire, quand je regarde cette pauvre mère de son premier né, je suis pétrifié en pensant à la souffrance incommensurable qu’elle a en son sein. J’entends son désespoir et ses regrets pour cette journée ou elle pensait combler son mari, le palefrenier de notre seigneur, en lui rapportant la pièce de veau qu’il préfère et que vous mangez généralement à la Pâque, c’est bien cela ?
— oui à la Pâque Sieur Juge, c’étaient les premiers mots de Marguerite en cet après-midi, elle continua. Comme à l’accoutumée, le lundi, par beau temps, quand je vais au boucher prendre le meilleur des restes de notre Vicomte, je laisse mon petit emmailloté au pas de l’échoppe, sur le montoir du boucher, dans son panier.
— et cette fois vous êtes resté un plus long moment sans porter vos yeux sur le panier ?
— Marc, le boucher, n’avait pas préparé le morceau, je l’ai accompagné derrière à la découpe, ça n’a pas été long, j’en suis ressortie lorsque j’ai entendu les cris »
Puis, à nouveau, elle sanglote dans les bras de son père.
D’Ambert se tourne alors vers le prévôt,
« Officier ! Qu’est capable de dire la mise en cause ?
— mè c’est qu’elle dort Juge !
— eh bien batônnez-la un peu !
Le prévôt tata avec l’embout de son bâton cérémonial le flanc de l’animal qui poussa un grouignement plaintif.
— c’est dit ! immédiatement le juge prononça la sentence tout en dévisageant dubitativement le jeune boucher de Montfond installé non loin de la meurtrière.
— Marc, dîtes adieu à votre truie familiale, dévoreuse d’enfant, son chemin est désormais le bûcher. Mais vraiment, jeune homme, je ne comprendrai jamais ce qui a vous a poussé à lui laisser sa liberté sur la grand-place ce jour-là ! »
De son long bâton l’officier de séance frappa le sol de pierre tonnant d’une voix forte la phrase rituelle de fin de procès « Ainsi a parlé au nom du Roi et de sa Seigneurie le Vicomte »
Tous sortirent du lieu dans une procession mi-joyeuse mi-peinée avec en tête le juge. En passant devant le peuple présent qui attendait son tour pour suivre le cortège, le père de la malheureuse lança un noir regard au boucher, identique à celui du palefrenier quelques pas avant. Marguerite, elle, la plus plainte de toutes les femmes du Comté, eût un regard différent lorsque ses yeux croisèrent ceux de Marc. Et cela nul ne le perçut.
Charles KAKOU,
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@charles Kakou, malheureusement je n ai pas accroché à votre texte,mais je vous souhaite la bienvenue sur ce site.
Bonsoir. Je suis heureux de voir quelques commentaires et conseils sur ce premier trait, les critiques sont les bienvenues : elles poussent à chercher l’amélioration et surtout à mettre des évidences là où on n’en voyait pas. Ainsi j’ai découvert les correcteurs orthographiques ! « Comment ça, me dirait-on, on écrit sans auparavant prendre le soin de voir s’il existe des outils pour vous corriger ? » Eh bien oui. Il est parfois bon d’être naïf. Bon après, je ne connaissais pas monbestseller et rien de ce type de site en décembre dernier, ce n’est néanmoins pas une excuse. Je prends tout ceci avec légèreté de mon côté, ne m’en veuillez pas, alors je suis tout chagrin quand je lis quelques échanges « musclés » : je ne mérite pas autant d’entrain. Je salue l’effort de vous autres habitués : quelque part c’est laisser une porte entrouverte de quelques centimètres, le curieux ira toujours jeter un œil, c’est ce qui se passe dans ma vie actuellement. Merci
PS @Alexis Arnaud. Une hypothèse : mettez qu'après des années d'implication, certains commenceraient à se lasser de commenter des auteurs indifférents ? Je viens pour ma part de prendre une décision : je ne lirai plus que des auteurs impliqués. Que les autres aillent se faire lanlère (oui, Fong, nous avons atteint le fond!)
@Alexis Arnaud, au lieu de faire des remarques à deux balles à ceux qui mouillent leur chemise à longueur d'année, pourquoi ne vous étonneriez-vous pas du silence de l'auteur ?