Ecriture d'un roman : l’art de la procrastination

Ecrire, je vais m'y mettre

J’écrirai à la retraite ou l’art de la procrastination

Ça gamberge, ça rumine, ça bouillonne… Parfois même, vous saisissez une feuille de papier, un crayon et vous griffonnez. Mais le petit dernier vous appelle car il y a la dictée de mots invariables à préparer… Et le repas qui ne va pas se faire tout seul (d’ailleurs, qu’est-ce qu’on mange ? Il n’y a plus rien dans le frigo)… 

On verra ça plus tard.

Papier, crayon rangés.

Tiroir fermé.

22h30 : plus un bruit hormis le souffle calme et régulier du chien endormi. Vous y voilà : éclairé(e) à la bougie (ou presque), sur votre vieux bureau, la plume frémissante… La nuit est à vous ! Une vraie image d’Épinal, n’est-ce pas ? Oui… mais non. Parce que la journée a été longue et que vous tombez de sommeil. Au bout de quelques phrases – qui vous semblent médiocres – vous remballez le tout.

Tant pis, j’écrirai à la retraite.

J’aurai le temps (je n’aurai que ça à faire !) et en plus j’aurai davantage vécu. Donc j’aurai plus de recul sur la vie et plus de choses intéressantes à dire.

Voilà de manière un brin caricaturale ce qui se produit chez beaucoup d’entre nous. L’envie est là… L’envie est belle… Mais… C’est bien ça le problème : il y a toujours un « mais ». J’écrirais bien mais… je n’ai pas le temps, je n’ai pas d’espace à moi, j’ai besoin de calme et je ne suis jamais tranquille… 

Je n’ai, hélas, pas de recette miracle pour créer cette « chambre à soi » – pour reprendre Virginia Woolf – à laquelle nous pouvons légitimement aspirer. Il sera sans doute inévitable de faire le deuil de vos conditions idéales. Et quand bien même elles seront réunies, il vous faudra encore lutter contre vous-même. Car au fond, vous le savez bien : vous êtes votre pire ennemi(e) dans cette situation. Mais vous êtes à la fois la morsure et l’antidote (oui, j’aime jouer les Maîtres Zen...). Que faire alors ?

Accepter que vos premières phrases seront bien imparfaites (voire carrément nulles) à vos yeux.

Qu’il y aura des doutes, des doutes et encore des doutes… 

Procrastination en littérature : la peur constante de ne pas y arriver.

Mais cette peur-là sera-t-elle moins présente à l’âge de la retraite ? Non, je ne le crois pas. Le message qui vous habite vous semble peut-être encore confus (voire complètement opaque), mais ne demande qu’à sortir. La vie se rit de nous et nous regarde nous illusionner. Spectacle de marionnettes. De temps en temps, elle coupe quelques fils. La séance est parfois bien courte.

« Adieu, ami lecteur ; songez à ne pas passer votre vie à haïr et à avoir peur. » (Stendhal, Lucien Leuwen)

Annett Whisper

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