Vous dîtes dans votre biographie que vous rêviez d’écrire et vous le faites enfin… C’est donc un premier roman ?
Si vous aviez écrit plutôt dans votre vie, auriez-vous écrit ce même récit que vos premiers lecteurs qualifient d’incroyable, d’improbable, de curieux, de très beau, d’étouffant… ? Quelle est la raison qui vous a conduit dans les pas de vos 3 personnages pas banal ?
Anne Marie Bredy. C’est effectivement le premier roman pour adultes que j’ai terminé et envoyé chez des éditeurs (sans succès malgré des lettres d’encouragement) . J’aime beaucoup les romans où les protagonistes se croisent, s’éloignent, se rapprochent. Je voulais surtout ne pas tomber dans le piège de l’autofiction, ni régler de comptes avec personne.
D’où vient cette histoire de ces 3 cousines qui ont les mêmes prénom et nom ? il n’y a pas de hasard sans raison…
Et si vous la racontiez en quelques lignes, en en disant un peu plus que dans votre synopsis, vous savez, le story telling dont on parle maintenant ?
Le début de l’histoire m’a été soufflé par un fait-divers, celui dit du Grand Bornand. Le nom d’une des protagonistes était le même que celui d’une de mes amies de lycée. Un nom peu commun. Ceci m’a amenée à réfléchir à la situation des gens qui portent le nom d’un criminel.
J’ai aussi été intéressée par les personnes qui sont dans le déni total et parviennent à cacher leur état à leurs proches.
Enfin, le fait que ce soit trois cousines m’est venu parce que je n’ai pas de sœurs et aucune cousine proche. J’avais envie de parler de la sororité bien que je ne la connaisse pas, ni dans le passé ni dans le présent ayant eu un enfant unique qui est une fille.
Comment les avez-vous imaginées, la personnalité de chacune, le rôle que vous leur donniez ? Comment avez-vous conçu le découpage entre les 3 ? Tout était prémédité, anticipé ? Ou avez-vous laissé votre clavier avancer un peu seul, avez-vous laissé un peu de place au hasard ?
Je me souviens avoir commencé en vacances à la campagne. J’ai acheté un tableau blanc et des marqueurs de couleurs pour avoir toujours devant moi la date de naissance de chacune des cousines, de leurs parents et enfants.
J’avais fait un arbre généalogique très détaillé. Et leur implantation géographique était très importante dans ma rédaction.
Elles devaient venir tous les trois des Cévennes, une région où des polonais ont émigré. Hélène la criminelle habite Avon, que je connais bien, Hélène la juriste ne pouvait habiter qu’à Paris, une grande ville où on peut se cacher de son passé, et Hélène la cuisinière devait venir des Cévennes à Paris pour que l'intrigue fonctionne.
Il y a beaucoup de maîtrise dans votre écriture, dans votre manière de raconter. Narration toujours rapide, descriptions rares, rythme soutenu, les protagonistes, les dialogues, l’intrigue, d’évidence c’est maîtrisé.
Peut-être un premier roman, mais sans doute pas un premier essai ?
J’ai une formation classique, Latin Grec jusqu’au baccalauréat et ensuite des études de droit et une carrière de juriste.
Je rédige en nageant, ce qui est surprenant dit comme ça mais en fait, je nage presque chaque jour et je réfléchis à mes personnages en faisant des longueurs !
Je dis souvent que je n’aime pas les gros romans même si j’ai lu trois fois au cours de ma vie La Recherche du Temps perdu. Mais le plus souvent, dans les romans actuels, je suis exaspérée lorsque l’auteur ajoute un luxe de détails qui me semblent souvent inutiles. Je sais bien qu’il faut au moins 300 000 signes pour être édité mais le lecteur n’est pas dupe à mon avis.
C’est pour cette raison que j’admire l’œuvre littéraire de Yasmina Reza qui va toujours à l’essentiel. Elle dit d’ailleurs qu’elle n’aime pas les descriptions dans les romans des autres et que c’est pour cette raison qu’elle n’en fait pas. Son dernier Roman SERGE, est pour moi un chef d’œuvre.
J’admire aussi infiniment l’œuvre entière de Jean Rolin pour ses choix de sujets mais surtout pour la perfection de son style. En règle générale, si un livre est mal écrit, je l’abandonne en cours de route. Par mal écrit, je veux dire avec des facilités, des répétitions et des fautes de syntaxe. A contrario j’aime beaucoup Bukowski qui n’écrit pas de la dentelle.
"Pleurer, moi ? Jamais !" est mon premier roman pour adultes terminé. J’avais écrit auparavant un livre pour enfants qui a été publié en 1994 appelé « La Balançoire » et un livre de contes régionalistes, les deux chez Milan.
J’ai aussi écrit une pièce de théâtre sur le thème des otages du Sahel (jamais jouée ! ) . J‘ai écrit un autre roman plus personnel « Va voir sur la lune si j’y suis » et pendant le confinement j’ai composé un recueil de poèmes que j’ai offert à mes proches.
J’ai participé à plusieurs ateliers littéraires et à cette occasion, j’ai découvert que j’aimais beaucoup travailler sur un thème imposé.
Lorsque j’ai eu terminé, "Pleurer, moi ? Jamais !", je me suis installée chez une amie en laquelle j’ai toute confiance, et pendant une semaine elle m’a lu à voix haute le manuscrit. C’est un moyen infaillible pour traquer répétitions, lourdeurs et facilités d’écriture.
Nous appelons ce travail, la brigade AntiMusso. Bon je sais, quand j’’en vendrais autant que lui, je pourrais parler !!!!
Style maîtrisé, mais vos 3 femmes elles aussi sont dans la maîtrise, le contrôle d’elles-mêmes, et pour des raisons différentes chacune, pas de place pour la passion, et peu pour le hasard, n’est-ce pas ?
C’est important que vous ayez relevé ce choix de destin qui était délibéré de ma part.
J’avais toujours à l’esprit le commentaire de Edith Wharton, une de mes héroïnes littéraires, au sujet de son livre "Chez les heureux du monde". "J’ai voulu qu’il n’y ait dans cette histoire, aucune place pour le hasard". J’ai vraiment rêvé de marcher dans ses traces.
Avez-vous eu des influences culturelles, littéraires, dont vous diriez qu’elles ont pu inspirer vos pages ?
On a toujours des influences culturelles ou littéraires plus ou moins inconscientes. Je suis une grande lectrice, essentiellement des romans, une centaine par an environ. Je n’ai longtemps lu que des romans américains en commençant par la Série Noire. "Blonde" de Joyce Carol Oates est un sommet littéraire, de même que "Joseph Anton" de Salman Rushdie. Je suis fascinée autant qu’intriguée par le monde tordu de Lionel Shriver .
Mais depuis quelques années je suis revenue vers les romans français. Le plus grand choc littéraire a été "Leurs enfants après eux" de Nicolas Mathieu que j’ai lu et offert autour de moi dès sa sortie. Je vais commencer "Connemara" son nouveau roman, cette semaine. Récemment "Mon mari" de Maud Ventura m’a beaucoup amusée. J’aimerais écrire un livre drôle comme "Le Discours" de Fabrice Caro mais je ne suis pas sûre d’y arriver un jour.
Vous venez d’écrire le mot "fin". Puisqu’il n’y a pas de hasard sans raison, que vous dîtes-vous ?
"Au travail ! Tu n’as encore rien fait !"
Vous êtes arrivée il y a peu sur monBestSeller. Un hasard ? Comment qualifieriez-vous l’accueil que vous avez eu ?
J’ai découvert monBestseller à la suite d’une interview de Melissa Da Costa dans le Figaro. Ce qui m’a motivée pour mettre mon manuscrit sur le site était d’avoir des retours de lecteurs. J’en ai eu quelques uns tous bienveillants.
Vous n’avez pas encore commenté d’autres livres alors que vous–même êtes venu pour en recevoir. Manque de temps ? Ou n’auriez-vous, par hasard !, pas encore fait vôtre le principe de partages, d’échanges de mBS ?
Je n’ai pas encore lu de livres édités sur mBS pour deux raisons très matérielles.
— Je ne peux pas lire sur ordinateur. J’ai trop vite mal aux yeux. Dès que mBs sera compatible avec une liseuse (Kindle ou Kobo) je m’y mettrai.
— Et en ce moment, je manque de temps. J’écris un nouveau roman dont je vois le bout. Et il faut que je sois très rigoureuse dans mon organisation.
Il y a un débat qui anime monBestSeller sur la notion de site démocratique / littéraire / pour tous / ne pas devoir être Nadal pour aimer jouer au tennis devant un public.
En étant sélection d’avril pour le Prix Concours, en ayant donc un livre qui va être présenté aux éditeurs du jury 2022, vous rentrez sur le court central, à quoi pensez-vous ?
En fait de cours central, je penserai plutôt à la salle de lecture de la Bibliothèque Richelieu, et je me sens toute petite au milieu des 15 millions de livres que détient cet auguste établissement. Je suis extrêmement touchée d’avoir été distinguée, c’est une surprise autant qu’une joie.
Le mCL de monBestSeller sélectionne un livre chaque mois qui est ainsi nominé au Prix Concours de l’Auteur Indépendant que nous organisons chaque année. Depuis sa création, 25 auteurs ont ainsi été repérés par les éditeurs membres du jury et édités. Si vous deviez défendre votre livre devant un jury d’éditeurs, que leur diriez-vous en quelques lignes ?
Roland Barthes disait qu’au début de sa vie, il écrivait pour changer le monde, et que chemin faisant, il écrivait uniquement parce qu’il aimait ça ! Exactement comme Sagan qui répondait "Parce que j’adore ça !"
Je n’ai jamais pensé à changer le monde, j'écris pour le plaisir.
Quand je commence à écrire, l’histoire s’est déjà invitée d’elle-même dans ma tête et elle nage avec moi quand je fais mes longueurs. Je nage et j’écris en même temps, ce qui me détend infiniment. Être écrivain était un rêve d’enfant mais la vie m’a bien trop absorbée pour le laisser prospérer, jusqu’à maintenant où j’ai réglé toutes sortes de problèmes dans ma vie; et où j’ai le temps de ne faire que ce que je veux et me consacrer à une expérience qui me fait du bien. Et si mes histoires peuvent distraire ou émouvoir mes lecteurs, j’en serais encore plus heureuse.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…