Philippe Cléarque, vous dîtes que vous avez écrit ce roman de votre famille il y a 10 ans. Qu’est-il devenu pendant ces 10 ans ? Dans votre tiroir ? Ou, il a circulé seulement dans votre famille ?
Philippe Cléarque. J’ai fait lire ce roman, inspiré de la vie de ma famille à mes proches et mes amis. La plupart m’en ont dit du bien, mais comment faire la part de l’amitié dans ces compliments ? J’ai essayé divers moyens de lui donner un peu de visibilité hors de mon cercle proche, mais sans succès …
C’est une démarche rare d’exhumer un manuscrit si longtemps après l’avoir écrit. Est-ce qu’un évènement particulier a fait que vous ayez envie de le révéler ?
J’avais toujours gardé l’envie de faire connaître et lire Dispersion et il n’était jamais complètement sorti de ma tête. Et quand j’ai découvert votre site, je me suis dit que c’était une belle occasion de lui donner une nouvelle chance d’être lu. Et j’ai été étonné, mais très heureux, du succès rencontré !
Vos premiers lecteurs saluent la précision de votre style, votre écriture délicate et visuelle. Diriez-vous que c’est votre marque de fabrique ? Ou est-ce le sujet, l’art, et donc les descriptions très visuelles pour le faire percevoir qui se sont imposées ?
Je suis un amoureux du style, de l’écriture. Et il était important pour moi que l’écriture, le style, soient un support du roman. Par bien des aspects, Dispersion est aussi un hommage à la beauté de l’art classique, de l’art « pré-révolutionnaire », et je souhaitais que mon écriture soit aussi un reflet de cette beauté. Je suis heureux de voir, à la lecture des commentaires, que j’y suis -peut-être- un peu parvenu …
Style maîtrisé, rythme lent et profond, et un sens réel du découpage. Catarina Viti parle de « fragmentation de la chronologie en rapprochant des temps, non selon leur logique temporelle, mais en suivant le sens qu'ils véhiculent. » Cela décrit ce que vous avez voulu ?
Absolument, et ce commentaire de Catarina m’a rempli de joie. Un des thèmes clés de Dispersion, est la tension entre la tendance naturelle du monde, de l’histoire, des hommes, à l’éclatement, et la volonté de nombreux de revenir à l’unité originelle, seule capable de rendre heureux. J’ai voulu, et cela rend parfois la lecture de ce livre exigeante, que le lecteur éprouve dans sa lecture ce phénomène. D’où ce découpage en chapitres qui ne suit pas un ordre chronologique mais qui se répondent l’un l’autre comme dans une œuvre musicale.
De vrais compliments pour un amateur ? Est-ce votre seul roman ? Cela vous a-t-il donné envie de poursuivre, d’écrire de nouveau ?
J’ai quelques autres romans, « en cours », mais aucun aussi fini que Dispersion. Ces compliments, assez inattendus me donnent évidemment envie de recommencer à y travailler.
Votre grand-père et votre père ont eu une vie pleine, assez exceptionnelle. Qu’est-ce que c’est d’être fils et petit-fils de telles personnalités ?
Le roman est inspiré de la vie de ma famille et les figures du père et du grand-père sont l’assemblage de plusieurs personnes et aussi d’une certaine dose de fiction et d’imagination ! Cela et le simple fait d’écrire cette histoire rend plus facile ma vie quotidienne …
Vous dites lire beaucoup. Une influence en particulier dont vous diriez qu’elle a pu inspirer vos pages ?
Deux auteurs m’ont particulièrement influencé pour l’écriture de Dispersion, et je sais bien que je ne suis absolument pas à leur hauteur. Thomas Mann, pour les Buddenbrock et l’écriture de la chute d’une famille ainsi que Richard Powers, en particulier pour Le temps où nous chantions et sa construction musicale. Sans oublier Thomas Pynchon que j’ai découvert à cause de l’admiration que lui porte Richard Powers et qui m’a donné l’audace d’écrire un livre court et parfois difficile.
Vous êtes arrivé il y a peu sur monBestSeller. Un hasard ? Comment qualifieriez-vous l’accueil que vous avez eu ?
J’ai découvert monBestSeller par le biais d’un article de journal. J’avais un peu renoncé à faire lire et connaître Dispersion et je l’ai posté sur monBestseller un peu comme une dernière chance … Aucun regret de l’avoir fait, il y a gagné de nouveaux lecteurs et l’accueil sur le site a été extrêmement chaleureux !
Vous n’avez pas encore commenté d’autres livres alors que vous–même êtes venu pour en recevoir. Manque de temps ? Ou n’auriez-vous pas encore fait vôtre le principe de partages, d’échanges de mBS ?
Je suis un peu honteux de ne pas avoir écrit de commentaires. Je suis certainement un peu paralysé par la peur de blesser, la difficulté de trouver le mot juste, etc …
Et pourtant, je trouve le principe du site absolument génial.
Il y a un débat qui anime monBestSeller sur la notion de site démocratique / littéraire / pour tous / ne pas devoir être Nadal ou Fédérer pour aimer jouer au tennis devant un public. En étant sélection de mai pour le Prix Concours, en ayant donc un livre qui va être présenté aux éditeurs du jury 2022, vous rentrez sur le court central, à quoi / à qui pensez-vous ?
Tout d’abord, je me sens très honoré et chanceux. De nombreux livres sont aussi bons ou meilleurs que le mien et pour quelque raison que ce soit n’auront pas eu cette chance d’être "repérés".
Quant à la question d’un site pour tous, je crois que si un livre ne touche ne serait-ce qu’un seul lecteur, et même si ce lecteur est son auteur, alors il valait la peine d’être écrit, lu et "publié". Le monde de l’édition est extrêmement impitoyable, il me semble très beau qu’un site comme le vôtre existe et laisse chacun y "publier".
Le mCL de monBestSeller sélectionne un livre chaque mois qui est ainsi nominé au Prix Concours de l’Auteur Indépendant que nous organisons chaque année. Depuis sa création, 25 auteurs ont ainsi été repérés par les éditeurs membres du jury et édités. Si vous deviez défendre votre livre devant un jury d’éditeurs, que leur diriez-vous en quelques lignes ?
Dispersion est un livre ambitieux, parfois difficile mais qui apporte quelque chose de différent à la littérature française.Il se différentie des pavés actuels de plusieurs centaines de pagesxs, comme un précieux tableau de Chardin peut se comparer à un tableau de David ou de Gros !
Prenez le temps de le lire, de le goûter, de le lire à nouveau …
Une phrase de votre livre que vous aimeriez leur lire ?
Et elle sut dire quelques mots de son grand-père à cette petite fille, lui qui était, pour son père même un inconnu. Elle eut l'espace de quelques mots une vision de ce grand Monsieur, joyeux, musical même s'il ne comprenait pas la musique, aérien même s'il était mort trop tôt pour vraiment connaître les avions. Un homme qui portait de grands manteaux de drap bleus et était toujours en quête de quelque chose d'autre, en quête d'une forme d'harmonie, qu'il savait déjà lui-même perdue. (fin du chapitre 18)
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@ Catarina Viti, merci infiniment de vos voeux !
Très cher Philippe, bien que mon nom figure dans cet article, je vous assure que je ne suis pour rien (mai alors, là, rien de rien) dans la nomination de votre livre. Cela dit, je me réjouis de cette mise en valeur, car votre texte est beau, vibrant, intriguant, tellement loin de ce qu'on lit d'ordinaire. J'espère que cette singularité sera payante, et que les meilleurs éditeurs sauront y répondre.
Tous mes vœux vous accompagnent.