Le premier coup l’extirpa de son profond sommeil.
Le second, le sortit des limbes hypnotiques et le réveilla complètement.
L’orage était tout proche. Il se leva et regarda par la fenêtre de son appartement de Soho. Le jour était levé, mais le ciel, aussi sombre que l’Hudson, semblait absorber toute parcelle de lumière. Manhattan avait quelque chose de magique sous la pluie. Les nuages bas qui dissimulaient le haut des gratte-ciel donnaient au paysage un sentiment d’inachevé. Que rien n’était encore terminé, qu’ici-bas, tout était possible.
Voilà pourquoi Jarode aimait son ile. Peu importait la saison, la météo, elle était toujours aussi belle. Son humeur radieuse tranchait avec le temps maussade. Car aujourd’hui, c’était le grand jour. Ce soir, il avait rendez-vous avec Elle. Elle c’était Jennifer, la fille d’à côté, de l’autre côté du mur de son salon. Une voisine qu’il avait rencontré dans des circonstances douloureuses. Elle venait de se faire battre par son ex et avait frappé à sa porte. Lui, en dépression chronique lui avait ouvert la porte de son studio et de son cœur. Elle savait qu’il était médecin, lui connaissait son attirance pour les bad guys. Il l’avait soigné, ils avaient discuté, partageant ainsi l’intimité de leurs vies.
Au fil du temps, ils s’étaient rapprochés. Si pour lui, le coup de foudre avait été immédiat, pour elle, cela avait pris plus de temps. Mais désormais, leurs sentiments étaient au même niveau. Ce premier rencard portait avec lui toutes les plus belles promesses. Il frappa sur le mur leur code secret. Aucune réponse. Elle devait déjà être partie au boulot. Il quitta l’appartement et commença son footing. Il allait toujours au travail en courant. Qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, c’était vital pour lui. Et surtout, bien plus efficace que le traitement qu’il prenait pour faire taire ses idées noires.
Arrivé au New York-Presbyterian Lower Manhattan Hospital, il se doucha et gagna son service. Il étudia quelques clichés, termina quelques rapports toujours aussi gai et impatient de la soirée à venir. La sonnerie retentit. Son boulot, le vrai, allait pouvoir commencer. Comme à l’accoutumé, il vint à la rencontre des ambulanciers qui transportèrent le brancard jusque dans la salle. L’un d’eux, lui avait brièvement fait un topo de la victime. Il prépara son matériel, puis fin prêt, releva le drap. Il lui fallut quelques secondes avant qu’il ne réalise. C’était elle, qui était là, nue sur sa table d’autopsie. Jennifer, son amour, reposait inerte, sans vie sous ses yeux. Son tête à tête avec elle avait été avancé. Instinctivement, il admira les courbes de son corps qu’il ne pourrait jamais caresser, jamais embrasser. Ses mains parcoururent elles aussi les formes parfaites qu’il avait tant de fois imaginé. Il devait s’en souvenir dans les moindres détails afin de ne jamais oublier. Soudain, il se trouva indécent, obscène, de toucher ainsi le corps de celle qu’il aimait et qu’il aimerait toute sa vie. Encore sous le choc, il lut le rapport de la police. Meurtre par strangulation. Il étudia la zone autour du cou. Sous la force imprégnée, plusieurs vertèbres avaient été fracturées. Quelque chose attira son attention. Une inscription à l’intérieur de sa bouche, un nom.
Il se réveilla en sursaut, en sueur, le cœur cognant dans sa poitrine. L’orage grondait au-dessus de l’hôpital. Il hurla en frappant sur la porte. Il demanda à voir le médecin. Il lui souffla à l’oreille qu’il connaissait enfin le nom de l’assassin. Un prénom à la consonnance orientale de ses ancêtres, Yasmine. Le docteur Phillips commença immédiatement la séance. Il ferma les stores, alluma les bougies et emmena son patient aux limites de son esprit, de l’autre côté de sa conscience.
« Yasmine êtes-vous présente ? »
Après quelques secondes de silence, une voix fluette se fit entendre :
« Qui la demande ?
C’est moi Steeve Phillips
Ravie de vous entendre à nouveau docteur.
Je crois que nous avons beaucoup de chose à nous dire.
J’attendais cela avec impatience.
De retour dans sa chambre, Jarod admira le paysage sombre qui s’offrait à lui. Tout Manhattan luisait comme un diamant sous la pluie. Il vit son reflet dans la fenêtre. C’était celui d’une femme.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@ Christian Vial
Merci pour votre commentaire. Lorsque j'ai écrit cette nouvelle une vision beaucoup plus large m'est apparue. Oui il y a matière à en faire un récit plus dense, plus aboutit. Les prémices d'un prochain roman peut-être...
En voilà une fin qui ne s’est pas passée comme prévu, @Mark MILLER… À celle-ci, vous devriez ajouter « l’imprévu », l’écriture d’un roman, à partir de cette nouvelle qui tranche comme cela n’était pas imaginable jusqu’à la fin de votre texte. Bravo !
@ Pouffe pouffe
Merci pour votre commentaire. Effectivement, j'ai voulu dès le départ écrire une nouvelle qui tranchait totalement avec le reste, a la connotation sombre et mystérieuse.
@Jean-Louis Ermine
Merci pour votre appréciation. Il y avait encore beaucoup de chose à dire pour que le récit soit un peu plus structuré, étoffé. Mais en respectant la limite du nombre de signes imposée, c'était compliqué.
Voilà un récit complexe et intriguant. Bravo !