
Leur langage est un phénomène qui témoigne de la créativité, de l'adaptabilité, de la rapidité des changements de la Société. A 5 ans près, on est has-been.
De nouvelles expressions et abréviations font régulièrement leur apparition, enrichissant ainsi le vocabulaire des ados et jeunes adultes.
Mais pourquoi le nombre d'expressions utilisées par les jeunes semble-t-il augmenter sans cesse ? Comment ces expressions se propagent-elles et deviennent-elles populaires ? Quels sont les mécanismes qui favorisent l'émergence et la diffusion de ces expressions et pourquoi le langage des jeunes évolue si rapidement ?
L'apparition de nouvelles expressions dans la génération montante est en partie due à leur volonté de se différencier des générations précédentes et de marquer leur identité. En créant leur propre jargon, ils établissent ainsi une sorte de code secret qui leur permet de se reconnaître et de se sentir appartenir à un groupe spécifique.
De la fameuse expression "Cassé" de Brice de Nice (qui date de Mathusalem maintenant), pour exprimer la validité de ses propres arguments face à l'autre, Ces expressions se forment souvent à partir de la ré-interprétation ou du détournement de mots et de phrases existants, ou bien par la création de nouveaux termes ou acronymes.
L'expansion de ces expressions est souvent favorisée par les médias sociaux et les plateformes de communication instantanée, qui permettent leur diffusion rapide et à grande échelle. Certaines expressions deviennent universelles en raison de leur popularité et de leur utilisation répétée dans la culture populaire, tandis que d'autres restent confinées à des groupes sociaux ou géographiques spécifiques.
La durée de vie des expressions des jeunes peut varier considérablement, certaines étant éphémères et disparaissant rapidement, tandis que d'autres sont durables et continuent d'être utilisées pendant des décennies.
Socialement, il n'y a pas de distinction claire entre les expressions chics et vulgaires. Certaines expressions peuvent être considérées comme vulgaires en raison de leur connotation grossière ou offensante, tandis que d'autres peuvent être considérées comme chics ou branchées dans des contextes à la mode ou émis par des personnalités influentes.
C'est un indicateur intéressant de l'évolution de la langue et de la culture, ainsi qu'une manifestation de la créativité et de la spontanéité de la jeunesse.
Ratio – se faire battre en popularité sur les réseaux (likes/commentaires) : “Son post s’est fait ratio.”
Tout whippin – être complètement hors sujet, à côté de la plaque.
Sheesh – exclamation utilisée pour exprimer l’admiration ou le soulagement : pas dans les sources listées mais très répandu dans la Gen Z.
MDR : acronyme de "Mort De Rire", équivalent de "LOL" en anglais (Loads of laugh), utilisé pour exprimer l'amusement ou le rire.
BG : "Beau Gosse", utilisé pour décrire un jeune homme séduisant, ou qui a réussi quelque chose de bien : ponctuel ou durable.
Daron / Daronne : terme familier pour désigner le père ou la mère. (le patron, la patronne)
Kiffer : aimer beaucoup quelque chose ou quelqu'un.
Poto : ami proche, copain.
Vénère : très en colère ou énervé.
Frérot : terme affectueux pour désigner un ami proche, souvent utilisé comme synonyme de "frère".
Chanmé : impressionnant, incroyable ou étonnant.
Cimer : abréviation de "merci", utilisée pour exprimer la gratitude.
OSEF : acronyme de "On S'En Fout", signifie que quelque chose est sans importance ou que l'on s'en désintéresse.
Zarbi : étrange, bizarre ou inhabituel.
Narmol : normal, sans surprise, ordinaire.
Reuch : cher, coûteux, utilisé pour décrire un objet ou un service onéreux.
Gérer : maîtriser une situation, assurer, faire face à un problème..
Keuf : policier, terme argotique pour désigner les forces de l'ordre.
Bolosse : personne naïve, crédule, facile à tromper.
Tise : boisson alcoolisée, souvent utilisé pour désigner les boissons consommées lors de soirées.
Zbeul : désordre, chaos, agitation.
Lourd : quelque chose de cool, impressionnant ou génial.
Boulbi : quartier huppé, riche ou bourgeois (Boulogne Billancourt), remplace le fameux NAP : Neuilly, Auteuil, Passy qui nomme les quartiers chics, et qualifie les gens privilégiés.
Seum : déception, frustration ou jalousie.
L'anglais a une influence majeure sur leurs expressions, en particulier dans les pays où l'anglais est largement enseigné et/ou utilisé comme langue principale. Du même coup, de nombreux termes et expressions en anglais sont intégrés dans leur langage, en étant utilisés tels quels, ou en étant adaptés ou traduits dans leur propre langue.
Cette influence de l'anglais est bien sûr le résultat de la mondialisation culturelle anglo-saxonne, de l'utilisation généralisée d'Internet et des réseaux sociaux, ainsi que de l'exposition de ce public à la musique, aux films et aux émissions de télévision en anglais. Cette population s'expriment en anglais pour dire leur individualité, pour se démarquer ou pour se sentir partie prenante de la culture internationale.
Mais attention cette influence de l'anglais n'est pas sans conséquences sur la maîtrise de leur propre langue. Cette nouvelle génération peut être tentée de remplacer certains mots et expressions par des termes en anglais, ce qui peut dégrader la qualité de leur langue maternelle et spolier indirectement leur richesse culturelle.
C'est un phénomène complexe et ambivalent à la fois bénéfique et nuisible pour leur développement linguistique et culturel.
Cringe – qui signifie gênant, embarrassant. Usage très courant : “Ce tiktok est trop cringe.
Banger – quand quelque chose est vraiment génial. Par exemple : “Ce son est un banger.”
Aura +/‑ nombre – indique le charisme : “Aura +1000” veut dire quelqu’un a un fort magnétisme social.
Crari – faire semblant, en mode “je me la raconte” : “Arrête de crari, t’assures rien.”
Askip (ou à skip) – d’après ce qu’on raconte : “Askip il serait en retard.”
Swag : style, attitude cool ou branchée.
Bae : acronyme de "Before Anyone Else", désigne une personne chère à notre cœur (petit(e) ami(e), meilleur(e) ami(e), etc.).
OKLM : "au calme", tranquille, sans stress.
YOLO : acronyme de "You Only Live Once", utilisé pour justifier une prise de risque ou un comportement impulsif.
Thug : personne qui se comporte de manière rebelle ou qui défie l'autorité.
Chiller : se détendre, passer du temps à ne rien faire de particulier.
Wesh : salutation informelle, équivalent de "hey" ou "salut".
Ghoster : couper tout contact avec quelqu'un sans explication.
“WTF” est un acronyme anglais qui signifie “What The F**k”, et qui peut se traduire par “C’est quoi ce bordel?”. C’est une manière grossière d’exprimer son étonnement, son exaspération. Très courante sur internet, on retrouve de plus en plus cette expression dans le langage de tous les jours.
"FOMO" : cette expression signifie "Fear Of Missing Out" en anglais et désigne l'anxiété ou le stress ressenti lorsqu'on pense manquer une occasion ou une expérience.
Et bien sûr , l'inévitable "OK Boomer" : souvent utilisée par les jeunes pour répondre de manière sarcastique à des attitudes considérés comme dépassées ou représentatives de la génération des baby-boomers.
Les nouvelles expressions reflètent les évolutions sociales, les préoccupations et les valeurs des générations montantes. Elles enrichissent la langue française, qu'on le veuille ou non et participent à la construction d'une nouvelle culture, en mouvement permanent. Elles amènent des sonorités, des violences, des douceurs nouvelles que leurs traductions rendent impossibles.
Que personne ne s'inquiète, elles seront ringardes demain,
Saperlipopette !
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
De tous temps ont existé des langues cryptées (argots de métiers par exemple) avec leur vocabulaire particulier, parfois même leurs propres règles grammaticales. C'est un moyen de s'identifier, de se démarquer, de se reconnaître par rapport à la culture dominante. Avec le temps, certaines expressions ont infusé la langue classique. L'existence de ces "argots" ne met pas forcément en danger la langue classique. C'est vrai on ne peut plus écrire comme au XVIIIe siècle mais doit-on le faire en 2025? N'oublions pas non plus qu'à sa naissance ce qui allait devenir la belle langue française était jugé comme un abâtardissement du beau latin. Pensons aussi par exemple à Rabelais que la vulgarité ne rebutait pas.
Évidemment la langue classique, l'orthographe, le sens des mots rares, tout cela doit être cultivé. L'enjeu en littérature est de créer son propre langage qui illustre un personnage et son milieu tout en restant lisible (c'est difficile : lisons par exemple Lovecraft quand il fait parler des gens du peuple, c'est grotesque). Se pose aussi la question de la laideur et de la vulgarité dans l'écriture. A mon avis, l'auteur ou l'autrice doit manier la "belle" langue mais doit parfois aussi user de la langue vulgaire, pour créer un choc salutaire par exemple. J'avoue qu'il peut même y avoir pour moi parfois une sorte de"poésie de l'ordure" dans une extrême vulgarité utilisée avec talent et que cela ne me gène pas si ça va dans le sens du récit.
Vous avez raison, ces expressions sont l'effet d'une mode passagère, mais est-ce un enrichissement ou un appauvrissement ? Le langage des jeunes me fait penser à Orange mécanique, décidément l'auteur était un visionnaire. Un fossé va se creuser entre ceux qui baragouinent un sabir et ceux dont la langue est le reflet de la clarté, la beauté et l'intelligence, soutenue par des élites cultivées. Il suffit de lire les lettres de Voltaire ou de Madame de Sévigné pour se rendre compte à quel point notre époque moderne est décadente et vulgaire, car même les auteurs d'aujourd'hui ne parviennent pas à écrire avec tant de grâce. @Sylvie de Tauriac
Mon grand-père maternel était zazou (âgé, il aimait encore s'amuser à parler avec l'accent british), j'étais hippie (peace, love and freedom, that's far out :-))... L'anti-conformisme a toujours été. Il en va de même pour ces langages qui permettent de se distinguer de la masse et d'affirmer son appartenance à un milieu, un mouvement... D'afficher des compétences dans certains domaines aussi, souvent faussées ou relatives, comme dans le cas de la communication marketing, par exemple...
Mais il n'y aura jamais péril en la demeure littérature, édifiée de longue date sur des fondations solides auxquelles n'ont pas l'intention de s'attaquer ces expressions éphémères et changeantes, d'ailleurs. Et puis l'Académie française veille et prend son temps, elle, avant de considérer que certaines ont suffisamment fait leurs preuves pour mériter leur inclusion dans notre belle langue ;-)...
Merci pour cet intéressant billet ! Amicalement,
Michèle
Moi le daron je me sens souvent Tout whippin !
Parmi les nouvelles expressions, certaines enrichissent le sens, donc la langue, donc l’imaginaire et la réflexion. J’aime beaucoup « combo », par exemple, qui, bien employé, enrichit la notion de combinaison en lui apportant une dimension stratégique non contenue à l’origine (merci les jeux vidéo).
De tout temps, la jeune génération a cherché à communiquer d’une façon personnelle. Ne l’avons-nous pas fait ? N’avons-nous pas « inventé » une langue cryptée avec nos plus proches complices d’enfance et d’adolescence ? Ce qui montre aussi à quel point le langage compte dans la construction identitaire. Créer des codes pour se reconnaître et être les seuls à se comprendre, Nabokov l’a si bien raconté dans « Ada ou l’ardeur ».
Ce qui caractérise une langue vivante, contrairement à une langue morte, c'est qu'elle est en constante évolution. Elle absorbé l'air du temps, les autres dialectes et expressions argotiques et les remixent de façon jubilation pour le plus grand plaisir des petits malins de la gen z qui ne veulent pas être captés par les boomers. Une façon créative de faire gang, de se reconnaître entre eux.
A nous de rester à l'affût pour que la langue française continue d'être vivante et d'exprimer son époque.
Rassurez vous braves gens, les jeunes sont polyglottes et jonglent aussi bien avec un langage soutenu qu'avec leur idiome crypté.
Merci de nous informer de toutes ces nouvelles expressions, qui illustrent parfaitement la fracture inter-générationnelle... Sans doute aussi, en poussant plus loin, justifie-t-elle le malaise de la génération montante nourrie aux réseaux sociaux, au virtuel des jeux vidéo se répercutant dans le réel. Un mal-être qui va jusqu'à porter atteinte à la santé mentale. Une étude récente parle de 55 % de jeunes en souffrance psychologique.
Et si les expressions nouvelles à une fréquence inégalée n'étaient qu'un moyen de tourner le dos à une société trop dure qui néglige ceux qui souffrent, ceux qui ont juste besoin d’être entendus ?
Oui, tout va trop vite, c'est un constat dans de nombreux domaines. Le plus inquiétant à mes yeux est la perte des valeurs, la déliquescence d'une société tentée de nier son Histoire, de sacrifier sa culture, ses traditions...
Pour ce qui est de ces expressions que j'ignorais pour la majorité d'entre elles, surtout celles inspirées de l'anglais, je sais que je serai pas tenté de me mettre au goût du jour... et que je ne m'en porterai pas plus mal.
Il sera intéressant de lire d'autres avis.
MC