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Le 12 fév 2024

Sacrée symbolique  ! Par Laura Beslay

Tribune monBestSeller : Sacrée symbolique ! Par Laura Beslay

 À quel instant l’enfant cesse-t-il d’être enfant ?

À quel endroit se dresse le panneau rouge qui indique : l’enfance s’arrête ici ? Et quel est le point de bascule ? À chacun sa vérité. Pour les uns, ce sera la collision avec un évènement de la vie. Pour d’autres, ce sera l’avènement sournois de la rationalité qui s’est installée dans leur cerveau sans demander la permission. Les émotions ne brûlent plus, elles tiédissent. À force de souffler dessus, ou que d’autres le fassent pour nous, elles gèlent.

Mais prenons-nous le temps d’expliquer à l’enfant ce qu’il gagne à écouter — et ce qu’il perd à ignorer — les injonctions qui, au printemps de sa vie, pleuvent sur lui ? Ou nous contentons-nous de lui apprendre à bien se tenir, si ce n’est à se contenir, comme si notre capacité à nous effacer était une faculté avec l’amour et l’acceptation des autres à la clef ? La quête de l’intégration sociale, qui se présente comme un préambule incontournable à l’avenir décent que nous sommes en droit d’espérer pour lui, nous pousse parfois à agiter le mode d’emploi de l’interaction sociale à tort et à travers. 

 

La perte de la créativité au profit de la conformité

Là où la liberté de ressentir bat en retraite, la peur du rejet gagne du terrain et le regard des autres n’a jamais été plus dur à soutenir pour l’enfant. Le spleen n’est plus à la mode, peu importe que le bonheur soit un leurre. Les faces les plus rugueuses de la vie sont polies jusqu’à ce qu’elles tombent dans l’oubli, les angles arrondis jusqu’à ce que plus rien ne dépasse — à part à la télévision, où tout ce que nous refusons d’appréhender par nos cinq sens se déchaîne comme un océan d’informations en haute définition, les sensations salées en moins.

Ainsi exposés sans odeur, sans goût, les travers de la réalité font moins peur. Mais ce n’est pas parce qu’on ferme les yeux sur quelque chose que la chose en question disparaît. Dans un monde qui nous fait la promesse d’un mieux-être à portée de clic, il y a un couac : l’absence de sens.

 

Le jour où les montagnes ne sont plus que des montagnes

Les lisières de l’enfance, franchies de plus en plus tôt à cause du libre accès à des réalités désenchanteresses, s’ouvrent ainsi sur un champ de ronces. Mais ne perdons-nous pas tout ou partie de notre âme d’enfant le jour où nous décrétons que les montagnes ne sont rien de plus que des montagnes, et que les rivières ne sont rien de plus que des rivières ? Le jour où la pensée, érodée, ne s’aventure plus en dehors des sentiers battus alors que c’est là qu’elle est le plus à même, pourtant, de transformer ce qu’elle voit en quelque chose de significatif ? 

 

La symbolique peut préserver la magie de nos existences

Le recours à la symbolique nous permet de contourner les barrières qui se dressent entre nous et le tabou sans éprouver l’équilibre émotionnel de l’enfant. Une idée est parfois moins brutale qu’une image, le message qu’elle véhicule, parfois plus parlant qu’un enchaînement de mots. Au lieu d’étouffer le sentiment qui grandit, elle le projette en dehors de nous-mêmes : là où nous pouvons nous en détacher pour mieux l’observer, le comprendre et, in fine, le canaliser. Plus encore, elle fait une place à la magie dans nos vies : elle prête un caractère sacré à l’existence, que la science s’est employée à démystifier depuis de si nombreuses années. Comment se porterait le monde si, sans pour autant renoncer à assouvir la soif de connaissances, nous alimentions un tant soit peu son mystère ?

 

Attiser les flammes de l’imagination de l’enfant

Quand un enfant pose une question, ne nous empressons pas tout de suite de lui fournir une explication. Saisissons au vol l’occasion d’attiser les flammes de son imagination et de titiller sa capacité à penser — et pourquoi pas, à rêver — le monde par lui-même en ne lui soumettant plus seulement les faits, mais aussi les images qui s’y rattachent. La représentation symbolique, héritée d’une pensée collective, nourrit la pensée individuelle. L’échange de ressentis qu’elle encourage approfondit le lien qui nous unit, directement ou indirectement. Réunissant parfois tout et son contraire, elle nous réconcilie avec les paradoxes de la vie. Elle parle à l’âme, sans détour, et propose du sens là où il n’y en a pas toujours. Nous ne pouvons pas tourner le dos à la dimension spirituelle de l’existence, parce que la dimension physique seule ne suffit pas à sustenter le besoin d’authenticité qui nous anime, petits et grands. En conjuguant le réalisme terre-à-terre et le symbolisme qui nous rapproche du ciel sans pour autant nous déraciner, nous découvrons que c’est entre les lignes que se trouvent les mots qui nous parlent le plus : dans l’espace vide que la pensée habite.

Nous jouons un rôle décisif dans le regard que les enfants portent sur le monde. Aussi, dans un aujourd’hui qui produit à la chaîne des individus qui ne rêvent plus, tâchons de remettre des étoiles dans les yeux de nos enfants. Et qui sait si en le faisant pour eux, nous ne le ferons pas pour nous-mêmes ?

 

Laura Beslay

 

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@Laura Beslay, Ah la notion de symbole§ Toute ma jeunesse avec des dissertations où je plafonnais à 4,5/20 Selon l'opinion la plus partagée, c'est l'aspect visible et concret d'une réalité invisible et impalpable. Je pense qu'en fonction de son vécu personnel, chacun se bâtit son champ de symboles.

Publié le 19 Février 2024

C'est moi qui vous remercie pour cette précieuse contribution @Daniel Mauleine ! Ces quelques lignes de Mallarmé mettent en lumière le jeu et l'enjeu du symbolisme. Les mots sont devant nos yeux, mais le sens est ailleurs. Il ne s'impose pas, il se devine. Et il a la délicatesse de laisser l'esprit y ajouter ses propres images, ses propres parfums ... Ha, le dix-neuvième siècle et ses écrivains ! Tout un symbole :-)

Publié le 16 Février 2024

Milles mercis @ Laura Beslay pour cette magnifique tribune pleine d'intelligence et d'enseignements. Vous lire me fait songer à Mallarmé : "Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème, qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer peu à peu un objet pour montrer un état d’âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d’âme, par une série de déchiffrements…"
En outre, j'aime beaucoup votre idée de "conjuguer le réalisme terre à terre et le symbolisme", qui m'évoque Zola qu'une tradition scolaire très réductrice a trop souvent enfermé dans une définition inexacte du naturalisme alors qu'il visait "le saut dans les étoiles sur le tremplin du réel" et que l'usage incessant du symbole magnifiait ses romans.
Encore une fois, je vous remercie de donner si agréablement du grain à moudre à la pensée....

Publié le 16 Février 2024

Cher @Cortex6, comme vous le dites si bien, la symbolique est partout à partir du moment où nous prenons la plume pour nous exprimer. Chaque mot, avant de prendre forme sur le papier, prend forme dans notre esprit en s'appuyant sur toutes les représentations que nous nous en faisons. Elle est comme l'inspiration, avant l'expiration ...
Merci de tout cœur ! Maintenant vous savez que quand vous le regardez, le ciel vous regarde lui aussi :-)

Publié le 15 Février 2024

La symbolique est un formidable accélérateur de cette capacité à réinventer le Monde ou le comprendre, afin de se l'approprier/l'apprivoiser. Merci pour cet article qui nous rappelle l'importance de la symbolique dans l'éducation mais aussi dans notre vie d'adulte, ce nécessaire besoin d' "imager" ce que nous voyons, pour nous grandir tout simplement. Quid de la symbolique dans l'écriture ? Correspondances, Illuminations ou Cosmogonie(s) @Laura Beslay, ou bien tous ces moments de littérature entre/avant les lignes, où l’écriture recherche le moment qui la précède, nous disait Maurice Blanchot, là où la lecture prend origine, symbolique de la création littéraire...
Petit ajout du lendemain :
Eh bien je regarderai différemment le ciel, maintenant que j'ai lu "Cosmogonie". C'est toute la force de la symbolique! bravo.

Publié le 14 Février 2024